L’amnistie générale en point de mire ?

L’amnistie générale en point de mire ?

El Watan, 4 octobre 2010

Nombreuses sont les voix qui s’élèvent ces derniers temps pour appeler à l’amnistie générale.

Loin d’être innocentes, ces voix appelant à l’absolution des terroristes ! C’est souvent un ballon-sonde qui précède le passage à l’acte. Et il est fort probable qu’une telle mesure soit prise. D’abord, la charte pour la paix et la réconciliation nationale, dans sa disposition 47, autorise le chef de l’Etat à «prendre toute autre mesures requise pour la mise en œuvre de la charte pour la paix et la réconciliation nationale». Ensuite, parce que Abdelaziz Bouteflika en avait fait un de ses thèmes de campagne en 2009. Il n’avait pas exclu cette éventualité. Juste qu’il avait posé une seule condition à ceux qu’il avait qualifié d’«égarés», à savoir «déposer au préalable les armes». Si l’on déterrait aujourd’hui le sujet, ce ne serait pas pour rien. Mais en quoi différerait ce projet pour lequel la campagne est lancée des dispositions de la charte en vigueur depuis cinq ans ? En rien, en réalité.

Délimitée au départ dans le temps, la réconciliation a été prolongée indéfiniment. Plus que cela, il est aléatoire de chercher aujourd’hui si les bénéficiaires de ces dispositions n’avaient pas commis de massacres ou n’avaient pas déposé des bombes dans les lieux publics. Il est impossible de vérifier le curriculum vitae des 7500 terroristes ; certains se sont rendus, d’autres ont été élargis à la faveur de la grâce amnistiante prononcée par le chef de l’Etat au début de son deuxième mandat. Une chose est sûre, ils étaient loin d’être en villégiature dans les maquis. A quoi servirait alors l’amnistie générale qu’on évoque ces derniers temps ? Logiquement, elle ne concernera certainement pas ceux qui ont eu déjà droit aux faveurs de la charte en cela que cette dernière, appliquée visiblement avec beaucoup de souplesse, les a totalement absous. Il a été procédé à l’extinction des poursuites judiciaires à leur encontre.

Mieux, les casiers judiciaires de certains sont redevenus vierges. Tout porte à croire, en effet, que le projet serait destiné aux terroristes qui sont toujours en activité. Le président de la cellule de suivi judiciaire de l’application de la charte, maître Azzi, en a esquissé hier, lors du forum hebdomadaire d’El Moudjahid, la finalité. Il a affirmé que l’amnistie générale à laquelle il appelle est un gage pour ceux qui hésitent à se rendre en demandant des garanties. Semble-t-il, même les pensions et autres prises en charge dont bénéficient les repentis répondent à une démarche bien déterminée, celle «de garantir une bonne réintégration sociale» aux futurs candidats à la repentance. Si les lois précédentes étaient «trop techniques», comme le soutiennent les animateurs du débat hebdomadaire d’El Moudjahid, l’amnistie générale sera éminemment politique. Si on accorde aux terroristes de pareilles faveurs, il n’y aura aucune raison alors d’en exclure leurs mentors politiques.

Et l’on imagine dès lors les retombées d’une telle mesure. Ceux qui ont été politiquement responsables des années de sang qu’a vécu l’Algérie pourraient avoir ainsi l’occasion inespérée de s’en laver définitivement les mains et, pourquoi pas, revenir par la grande porte sur la scène politique. L’initiative signée par Hassan Hattab, fondateur du GSPC, et autres émirs qui ont bénéficié des dispositions de la charte ainsi que d’anciens responsables du FIS en est le prélude.
Said Rabia