Réconciliation nationale ou chasse aux sorcières ?

Réconciliation nationale ou chasse aux sorcières ?

Par Kharroubi Habib, Le Quotidien d’Oran, 15 septembre 2005

Les opposants au projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale sont non seulement interdits d’expression, mais ils font également l’objet d’attaques où les menaces le disputent à la calomnie. L’on ne peut alors que légitimement s’interroger sur la nature réelle de cette réconciliation nationale au nom de laquelle l’on excommunie, anathémise et voue à la vindicte populaire ceux qui en refusent le principe ou en contestent la démarche. Le pire est que les cibles que visent les auteurs de cette odieuse campagne d’incitation au lynchage sont des partis de personnalités ou d’associations dont on peut certes récuser les visions et les positions, mais qui ne sont absolument pas antinationaux ou antipatriotiques dans leur opposition.

Il n’y a pas si longtemps, la plupart de ceux qui les attaquent et clouent au pilori aujourd’hui clamaient de concert avec eux le refus du concept même de réconciliation nationale, qu’ils encensent désormais dans un ahurissant concert de louanges.

Naïvement, il en est qui ont cru, l’esprit de réconciliation nationale aidant, que le projet de charte pour la paix et la réconciliation pouvait provoquer un débat national ouvert à toutes les opinions, dont l’expression et les confrontations pacifiques auraient permis au peuple algérien de se forger en toute connaissance sa propre perception sur l’enjeu en débat. Au lieu de cela, ce dernier a droit à un véritable matraquage dont l’objectif est de le pousser à se rendre aux urnes, tout esprit critique évacué, pour entériner sans la moindre interrogation ce qui lui est unilatéralement présenté comme la panacée suprême à ses problèmes passés, présents et futurs.

L’on ne peut toutefois taire que parmi ceux qui, dans cette campagne référendaire, sont victimes de la hargne vindicative de ses animateurs, ont eux aussi par le passé eu recours au même comportement et aux mêmes procédés contre d’autres adversaires qui n’avaient eu pour crime que d’assumer leurs convictions et défendre leurs positions. Cela dit, rien ne justifie la «chasse aux sorcières» dont ils sont la cible aujourd’hui. Le climat instauré dans cette campagne référendaire est inquiétant par l’ambiance d’inquisition qui s’en dégage et l’affirmation d’un culte de la personnalité dont l’expression est aussi primaire qu’insultante pour l’intelligence des Algériens.

Comment, dans ces conditions, ne pas craindre ce que pourra être l’après-29 septembre, quand les thuriféraires de la 25ème heure de la réconciliation nationale promettent à longueur de meetings et de déclarations qu’ils «couperont toutes les têtes» qui ont l’outrecuidance de ne pas penser comme eux ?

La réconciliation nationale n’a jamais signifié, là où elle a eu lieu, que ceux qui y adhèrent jettent aux orties leurs convictions pour se transformer en moutons de Panurge bêlant de reconnaissance et indifférents à toutes les dérives que le retour au totalitarisme de la pensée unique engendre inévitablement.