Conférence de presse de Hocine Ait-Ahmed

Conférence de presse de Hocine Ait-Ahmed

Président du Front des Forces Socialistes

Paris, le 21 septembre 2005

Déclaration liminaire

Le référendum sur la  » charte pour la paix et la réconciliation nationale  » organisé le 29 septembre 2005 pourrait être une farce s’il n’était, sur le fond, une nouvelle agression contre la société algérienne.

La campagne référendaire est à sens unique, les contradicteurs sont interdits d’expression quand ils ne sont pas arrêtés et poursuivis, à l’image des parents de disparus. Ils sont gratifiés d’un discours haineux et vindicatif les qualifiant de  » traîtres à la nation « .

L’ensemble présage une escalade de la répression et de l’entreprise de destruction des derniers espaces et cadres d’expression autonomes de la société.

La machine policière a entrepris de fabriquer un plébiscite pour blanchir le régime, consacrer son impunité et décréter la société algérienne responsable de la sale guerre. Il s’agit également – personne ne s’y trompe – de préparer une révision constitutionnelle indispensable pour permettre un troisième mandat à Abdelaziz Bouteflika. Il s’agit enfin d’octroyer un blanc seing à une gestion tyrannique.

De quoi s’agit-il ?

Le pouvoir décrète une histoire officielle et définitive qu’aucun n’est en droit de contester, ni en Algérie ni à l’étranger. Autant dire que les familles des 15000 disparus deviendront hors la loi à partir du 30 septembre 2005 si elles persistent à réclamer la vérité ou des nouvelles de leurs proches. Journalistes, historiens et opposants politiques seront logés à la même enseigne.

C’est du jamais vu !

Autre exemple, le texte exclut du pardon les personnes qui ont commis des  » massacres, des viols ou des attentas sur les lieux publics « . Comme on a toujours ignoré qui ils sont, le pouvoir se réserve la prérogative d’absoudre qui bon lui semble. Cela s’est déjà fait avec la loi sur la concorde civile en 2000, quand des commissions de probation fantômes ont travaillé dans l’obscurité la plus totale, si tant est qu’elles aient jamais été mises en place.

Le régime ne demande pas pardon pour le désastre qu’il a provoqué, il ne se remet pas en cause mais restaure la machine totalitaire en intégrant les chefs terroristes dans l’accès à la rente.

Ce référendum n’est en aucun cas une consultation des Algériens. Le régime veut absoudre les criminels de tous bords, imposer l’abdication à la société et confisquer son droit à assumer son Histoire.

Je le répète, ce plébiscite vise à relégitimer un système inefficace, responsable de la faillite de notre pays, qui perpétue l’arbitraire ainsi que le pillage et le bradage de nos richesses.

Depuis l’indépendance, son objectif permanent est d’empêcher les Algériens d’exercer de manière effective leurs droits politiques par une succession de coups de force (assemblée constituante de 1963, coups d’état de juin 1965 et de janvier 1992)

La brutalité et les manipulations demeurent les moyens exclusifs de régulation politique.

La crise du régime a débouché sur une décennie de violences qui a causé 200.000 morts, des milliers de disparus, un million de personnes déplacées et l’exil de milliers de cadres. La réponse cynique et irresponsable du pouvoir consiste à poursuivre, en les accentuant, les mêmes modalités autoritaires et destructrices de gestion du pays.

Les Algériens n’abdiqueront jamais leur droit à la liberté et à l’autodétermination. Ils ne l’ont pas fait hier sous la colonisation, ils ne l’accepteront pas davantage aujourd’hui et on aurait tort de prendre pour de la résignation leur volonté de revivre après une décennie sanglante.

Il n’y a pas de solution à la crise sans une rupture définitive avec un mode de gestion qui n’engendre que destructions et violences. La paix et la réconciliation n’ont de réalité que dans la démocratie, l’Etat de droit, et l’exercice effectif des libertés.

Démuni de légitimité historique, le régime ne dispose pas de la légitimité populaire. Il ne perdure que par la violence et la complaisance des Etats partenaires de l’Algérie. Les démocraties réputées avancées persistent à ignorer les normes universelles de la démocratie et des droits de l’homme au nom d’intérêts économiques ou en raison d’une vision sécuritaire étriquée.

Les fausses solutions qui sont imposées aux Algériens font le lit de l’extrémisme et de la violence.

Le désespoir n’est pas une fatalité. Les Algériens peuvent – et doivent – renouer avec les valeurs de liberté et de justice. La vraie réconciliation passe par une ré-appropriation de l’Etat et des institutions par les citoyens algériens à travers les moyens de la démocratie et du droit.

Cela implique, en priorité, la levée immédiate de l’état d’urgence imposé depuis 1992 et dont le maintien est contradictoire avec l’image d’un pays  » pacifié  » que veut donner le pouvoir. Il appartiendra aux forces politiques d’imposer une véritable réconciliation politique capable de faire basculer notre pays dans la modernité et le développement. C’est là l’alternative de reconstruction d’une société réconciliée.

J’appelle les Algériennes et les Algériens à refuser le diktat et l’instauration d’un pouvoir présidentiel absolu consacré par cette charte en boycottant activement le référendum du 29 septembre 2005.

Hocine AIT AHMED

Le 21 septembre 2005.