Comment gérer et anticiper les crises ?

Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique

Comment gérer et anticiper les crises ?

El Watan, 12 décembre 2014

Près de 300 participants — responsables politiques, militaires, acteurs du développement économique, experts et chercheurs, ONG – à la première initiative du genre en Afrique : le Forum international pour la paix et la sécurité qui se tiendra à Dakar les 15 et 16 décembre. Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, présidera la première séance plénière consacrée à la «Paix et sécurité en Afrique : menaces partagées et visions communes, solutions africaines et réponses internationales».

Le forum débutera par une cérémonie d’ouverture articulée autour des interventions respectives du commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine, l’Algérien Smaïl Chergui, du ministre de la Défense français, Jean-Yves Le Drian, et du Premier ministre du Sénégal, Mahammed Dionne.

Pour sa part, le ministre des Affaires étrangères algérien, Ramtane Lamamra, présidera la première des trois sessions plénières du forum, celle consacrée à la «Paix et sécurité en Afrique : menaces partagées et visions communes, solutions africaines et réponses internationales». La seconde traitera du thème : «Gestion des crises : pour une vision commune des menaces» et la troisième : «Mieux anticiper, mieux prévenir.

Débat sur la prévention et leçons apprises des crises récentes». Cette dernière séance sera suivie d’un panel de clôture que présidera le chef de l’Etat du Sénégal, Macky Sall, sur le thème : «Quelles priorités pour renforcer la paix et la sécurité en Afrique ?» Les plénières seront accompagnées de dix ateliers : «Lutte contre le terrorisme et prévention de la radicalisation religieuse» ; «Sûreté et sécurité maritimes» ; «Quelles réponses aux crises sanitaires ?» ; «Territoires et frontières : comment renforcer la présence de l’Etat dans les zones à faible densité et sécuriser les frontières ?»

«Répondre à l’évolution géostratégique des régions nord-africaines et sahéliennes et innover dans la coopération transfrontalière ?» ; «La menace des trafics, solutions africaines» ; «Nations unies/Union africaine : quelles synergies ?» ; «Financements et pérennisation des efforts militaires de réponse aux crises» ; «Réponses militaires, réponses civiles : comment repenser les stratégies de sortie de crises ?» ; «Quelle place pour les acteurs de la société civile ?» ; «Environnement sécuritaire et développement économique».

L’initiative de ce forum découlerait du constat que l’Afrique «est le seul continent où il n’existe pas de cadre d’échanges, et de réflexions pluridisciplinaires — responsables politiques, militaires, chefs d’entreprises, chercheurs, acteurs du développement, ONG — comme c’est le cas en Europe, en Asie ou dans le Golfe et qu’il fallait combler ce manque», indique-t-on de source française.

C’est pourquoi, lors du Sommet de l’Elysée des 6 et 7 décembre 2013, le Sénégal avait proposé d’organiser ce forum, conçu comme «une démarche intellectuelle d’appropriation par l’Afrique de ses propres enjeux de sécurité, d’anticipation et de prévention des crises», ajoute-t-on de même source. Et dans la perspective d’en faire un rendez-vous continental annuel. Près de 300 inscrits ont confirmé leur participation, alors qu’il en était attendu tout au plus 150.

Le niveau de participation est aussi très élevé : chefs d’Etat en exercice, anciens chefs d’Etat, ministres des Affaires étrangères, de la Défense, le secrétaire général des Nations unies pour les opérations de maintien de la paix, le président du CICR… L’envoyé spécial chinois pour l’Afrique sera également présent. Au-delà de ces têtes d’affiche, on relève un intérêt certain de gens qui travaillent sur l’Afrique et sont demandeurs d’échange d’expertises.

Quant à l’engagement du ministre français de la Défense dans l’organisation du forum de Dakar aux côtés des autorités sénégalaises, il découlerait du fait que «depuis deux ans et demi, il a conduit deux opérations militaires très lourdes, à chaque fois dans des situations d’urgence», qu’«il a aussi mené une importante réforme sur les forces prédisposées en Afrique, transformées en instruments de coopération» et que «plus que tout autre, il est sensible à l’enjeu d’anticipation et de prévention de crises». (Source : ministère français de la Défense).

La France se défend de toute ingérence

Et la même source de considérer qu’avec l’opération Barkhane qui a remplacé Serval, «on change de logique», que c’est «un levier pour accélérer la coopération entre les pays de la région» contre le terrorisme au Sahel, «un facilitateur d’une démarche collective».
La France se défend de faire de l’ingérence, elle est là pour «accompagner les initiatives africaines», «en concertation» et «avec les Africains».

«Les pays africains doivent assurer eux-mêmes leur propre sécurité. Mais nous ne pouvons les laisser seuls face aux risques et aux menaces qui, à terme plus ou moins rapproché, nous concerneraient directement», indiquait le ministre français de la Défense au moment de la préparation du Sommet de l’Elysée.

M. Lamamra, avait souligné alors que le Sommet de l’Elysée allait consister à établir une «ligne directrice fondamentale selon laquelle l’Afrique a la responsabilité principale et les partenaires internationaux se mobiliseront autour de l’Afrique, en soutien à l’Afrique, en appoint à l’Afrique dans la plus grande transparence».

«Il n’y a aucune contradiction entre une solution africaine et le fait d’appeler la communauté internationale à la soutenir dans l’intérêt de la paix», indique-t-on de source algérienne autorisée. Pour la défense de leur sécurité, les Africains ne partent pas de rien, des mécanismes et instruments de défense existent au niveau de l’Union africaine.

Il faudra les optimiser. Lors du sommet de l’UA en 2013, les pays africains ont créé la Capacité africaine de réponse immédiate aux crises (Caric). Ce qui devrait permettre la mise en œuvre de solutions africaines aux problèmes de l’Afrique. Ils ne restent pas non plus passifs.

Les Africains ne partent pas de rien

Ainsi, le Burundi et l’Ouganda ont consenti plus de morts en Somalie que les missions des Nations unies en 50 ans. Pour sa part, l’Algérie a contribué à la résolution de nombreux conflits au niveau du continent. Depuis sa création, le poste de commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine revient à un diplomate algérien, Smaïl Chergui ayant succédé en 2013 à l’actuel ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra. Il reste que la sécurité n’est pas à ramener à la seule dimension militaire. La sécurité est globale. Ce concept, défendu par l’Algérie, lie la paix et la sécurité au développement dans la mesure où le développement économique ne peut être réalisé sans stabilité.
Nadjia Bouzeghrane