Projet de loi organique portant régime électoral: Adoption sans aucun amendement

Projet de loi organique portant régime électoral: Adoption sans aucun amendement

par M. Aziza, Le Quotidien d’Oran, 2 juillet 2016

Le projet de loi organique relatif au régime électoral a été adopté jeudi dernier par le Parlement sur fond de division dans les rangs des parlementaires. Pourtant un soi-disant consensus avait été trouvé entre les députés du FLN et l’opposition sur la possibilité de supprimer les deux articles 73 et 94 dudit code. Un accord qui a volé en éclats, semble-t-il, à la veille du vote. L’espoir d’introduire ne serait-ce qu’un seul amendement de fond sur le projet de loi s’est vite évaporé au moment crucial. Le projet de loi du code électoral a finalement été adopté sans le moindre changement. Les députés des partis de la majorité (FLN et RND) ont voté en bloc en faveur du projet de loi électorale tel qu’il a été présenté par le gouvernement. Les quelques amendements proposés par les députés FLN ont été carrément retirés lors de l’adoption du projet de loi. Tout le monde attestait que les députés des partis majoritaires ne sont pas libres et indépendants dans leurs actions.

Quelques heures avant le vote, les députés de l’opposition, entre autres Alliance de l’Algérie verte, le FFS et le parti El Adala, ont annoncé dans le hall de l’APN leur boycott de la plénière d’adoption de la loi électorale. Le député FJD, Lakhdar Benkhalfa, a exprimé sa consternation quant au retrait, à la dernière minute, des amendements ayant fait l’objet de consensus pour leur suppression, entre le FLN et les partis de l’opposition. Pourtant, affirme-t-il, les partis de l’opposition ont collaboré avec les partis de l’alliance, notamment du FLN pour annuler l’article 73 qui exige aux candidatures indépendantes ou celles des partis n’ayant pas atteint un seuil de 4% des suffrages lors du précédent scrutin, de collecter des signatures pour le dépôt des candidatures. Le chef du groupe parlementaire du FLN aurait même annoncé solennellement l’amendement de certains articles. «Mais tout est tombé à l’eau à la dernière minute», regrette-t-il. Il s’est interrogé : «Qui sont ces centres de décision qui ont ordonné l’annulation des amendements ? Et qui sont ces centres de décision qui veulent coûte que coûte verrouiller le champ politique et champ médiatique en Algérie ?»

Benkhalfa affirme que les partis de l’opposition ne veulent pas cautionner «ce génocide contre la démocratie, contre le multipartisme et contre les élections». «On se démarque totalement de cette démarche destructrice engagée qui s’avère dangereuse sur l’avenir de la presse et des partis politiques en Algérie».

Le président du groupe parlementaire du FLN, Mohamed Djemai, l’auteur de l’annonce, affirme, en réponse aux questions des journalistes, qu’il ne s’est pas rétracté. «J’ai parlé d’accord de principe et non de consensus final pour annuler l’article 73 et 94». «C’est simple, la commission n’a pas accepté les amendements et le FLN respecte les décisions de la commission».

Les députés du Parti des Travailleurs ont tenté de résister contre le coup de force des partis majoritaires. Ils ont défendu leurs amendements, au nombre de 31, jusqu’au bout.

«L’immunité du pays n’est pas dans la fermeture»

Le PT a beaucoup insisté, à travers les amendements proposés, sur la nécessité de permettre aux éléments des corps constitués à faire des inscriptions individuelles pour le vote, dans leur commune respective et non pas dans des centres particuliers pour éviter de possibles manipulations des voix des corps constitués et lever toute forme de pressions sur les éléments de l’ANP aux centres de vote. Des amendements qui ont été carrément rejetés par la commission. Pour Ramadane Taazbit «le rejet systématique des amendements semble être une règle, il y a eu une orientation pour ne changer ne serait-ce qu’une virgule de l’ensemble des projets de lois soumis durant ce mois de ramadhan au vote». Il regrette : «C’est un dialogue de sourds, l’exécutif aujourd’hui ne veut entendre ni la voix de la majorité parlementaire ni même celle de l’opposition».

Le PT continue au même titre que les partis de l’opposition à rejeter les deux projets de loi portant code électoral et instance de surveillance des élections. Pour Taazbit, il ne s’agit nullement d’une commission indépendante mais d’une instance des fonctionnaires de l’Etat. «Ses membres sont tous nommés par le président de la République, des magistrats et des membres du CNES, ça sera donc les courtisans du pouvoir qui vont gérer cette instance », conclut-il. «Sortir les partis politiques du contrôle de tout le processus électoral ne permet pas une crédibilité aux élections», affirme-t-il.

Pour le député du PT, toute mesure qui rétrécit le champ d’action des partis politiques, est une mesure contre les partis politiques. «On est très loin de la réforme politique promise par le président de la République». Ramdane Taazbit n’a pas caché ses craintes. «On a peur pour toutes ces régressions, l’immunité du pays n’est pas dans la fermeture, mais plutôt dans l’ouverture, dans un débat démocratique large et responsable», a-t-il préconisé. Il citera la Libye qui est tombée comme un château de cartes, car elle n’avait pas d’institutions fortes et représentatives.

Bedoui et les «arrière-pensées»

Noureddine Bedoui, ministre de l’Intérieur, s’est réjoui de l’adoption à la majorité du projet de loi du code électoral. Un projet qui a été initié, selon lui, par le président de la République et élu par la majorité du peuple, narguant ainsi l’opposition qui a choisi le boycott. Il a même affirmé devant les députés qu’il n’a pas apprécié le boycott de l’opposition. «Ces mêmes parties qui ont boycotté cette séance ont été aussi absentes lors du vote de la Constitution».

Il recommande à l’opposition d’apprendre à accompagner la majorité parlementaire dans de pareils projets. Le ministre s’est permis quelques mise au point à l’adresse de l’opposition et des députés PT en précisant que «le multipartisme dans notre pays n’est pas un projet, mais une réalité qui date de 1988». Il dira que les articles 73 et 94 dudit code, n’ont pas été conçus pour exclure l’opposition du jeu politique, mais pour les impliquer davantage sur le terrain et pas exclusivement lors des rendez-vous électoraux. «Ceux qui sont contre cette idée ont certainement d’autres arrière-pensées». Et pour ceux qui parlent de danger, le ministre les a rassurés sous les applaudissements des députés des partis majoritaires. «Nous sommes dans un Etat immunisé et fort».