Abdessalem Bouchouareb dans le collimateur

Son passage à la tête du ministère de l’Industrie de plus en plus décrié

Abdessalem Bouchouareb dans le collimateur

El Watan, 3 juillet 2017

Les critiques deviennent de plus en plus acerbes à l’égard de l’ancien ministre de l’Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb.

Ayant mené, de longs mois durant, une offensive de communication autour de «grands projets industriels lancés ou réceptionnés», l’ex-ministre reçoit des désaveux en cascade. Et au plus haut niveau de l’Etat. En effet, l’évaluation de son passage à la tête de ce secteur qualifié de stratégique par le gouvernement, qui tablait sur ses performances pour redresser l’économie du pays, s’est soldée par un constat d’échec doublé de dépenses «inutiles» d’une cagnotte de 70 milliards de dinars.

En l’espace d’une semaine, Abdessalem Bouchouareb a fait l’objet de sévères critiques sur sa gestion du secteur depuis 2014. La dernière en date est celle faîte, hier en marge de la clôture de la session de printemps du Parlement, par son successeur à la tête de ce département, Bedda Mahdjoub.

Ce dernier tacle violemment Abdessalem Bouchouareb sur notamment l’industrie automobile. Selon lui, «les projets de montage de véhicules lancés n’ont pas atteint les objectifs escomptés». «La première évaluation faite par mon secteur concernant la construction automobile fait ressortir que nous sommes loin des objectifs tracés», lance-t-il. L’orateur met en exergue trois points qui démontrent les grands échecs, dont les prix inaccessibles des véhicules «made in Algeria». Bedda Mahdjoub ajoute aussi «le manque à gagner pour le Trésor public» et «l’impact insignifiant desdits projets en matière de création de postes d’emploi».

«Certains grands projets n’ont pas atteint leurs objectifs, notamment en termes de taux d’intégration, en dépit des sommes importantes injectées», affirme-t-il, en annonçant la décision d’aller «vers une nouvelle stratégie». «Il est nécessaire de mettre un terme au mode actuel de production dans ce secteur, étant donné que la majorité des entreprises de montage de véhicules n’ont pas atteint les objectifs assignés, notamment en matière d’intégration nationale», enchaîne le ministre, soulignant la nécessité d’encourager la création de PME spécialisées dans les industries et les services y afférents.

7000 milliards et jachère industrielle

La première charge contre l’ex-ministre de l’Industrie a été l’œuvre du Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune. S’exprimant, à la fin de la semaine dernière, devant les sénateurs, le remplaçant de Abdelmalek Sellal à la tête du gouvernement a donné un chiffre qui donne le tournis. «Environ 70 milliards de dinars (7000 milliards de centimes) ont été consacrés à l’investissement dans des projets de l’industrie, mais nous ne voyons pas de résultats», lance-t-il, précisant que cette somme rondelette aurait pu servir au financement des centaines de PME à travers le pays, qui auront un impact direct sur l’emploi et la production.

Abdessalem Bouchouareb n’a même pas eu le soutien du premier responsable de son parti, le RND, Ahmed Ouyahia. Ce dernier appuie, au contraire, le Premier ministre, tout en se tenant de ménager le ministre de son parti. «Ce qu’à dit M. Tebboune à propos de la dilapidation de 70 milliards de dinars est une vérité. Ses déclarations s’inscrivent dans le cadre de la manifestation de la vérité que nous avons toujours réclamée», dit-il. Mais Ahmed Ouyahia pense que le Premier ministre «ne parlait pas seulement des projets lancés dans le secteur de l’industrie mais de l’investissement en général».

Cependant les propos de Bedda Mahdjoub laissent penser que c’est surtout le bilan de Bouchouareb qui est mis en cause. Outre la critique qui a concerné l’industrie automobile, le nouveau ministre laisse entendre que la distribution du foncier industriel a été douteuse. C’est pourquoi une commission interministérielle a été chargée de la révision des modalités de son octroi pour faire profiter «les vrais investisseurs». Cette commission, indique-t-il, regroupe, des représentants des ministères de l’Industrie, de l’Intérieur et des Finances. «Les résultats du travail de la commission seront annoncés prochainement, une fois soumis au Premier ministre», souligne-t-il.

Tahkout, El Hadjar et les polémiques

Les failles dans la gestion de Bouchouareb commencent à apparaître, depuis quelques mois en tout cas. Affaibli par l’affaire des Panama Papers dans laquelle il a été cité comme étant un des responsables algériens qui détiennent des comptes offshore très garnis, l’ex-ministre de l’Industrie a été assommé par la polémique suscitée par l’usine de montage de véhicules de marque Hyundai lancée pas Tahkout. La publication sur le réseau social Facebook de photos montrant que la fameuse usine ne faisait finalement qu’importer des véhicules montés a levé le voile sur la grande supercherie de l’industrie automobile algérienne.

Ce n’était que la goutte qui a fait déborder le vase. Car les échecs sont multiples. Parmi eux, il y a ce programme de relance de l’usine sidérurgique d’El Hadjar rachetée par l’Etat auprès de l’indien ArcelorMittal. Annoncé en grande pompe à l’époque, le complexe qui a fait l’objet de plusieurs visites d’inspection de la part de l’ancien Premier ministre tarde à reprendre la production. Sera-t-il invité à rendre des comptes ?
Madjid Makedhi