Audition des ministres : Gestion par injonctions et corrections successives

Audition des ministres : Gestion par injonctions et corrections successives

par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 9 septembre 2008

La déception à l’égard des investisseurs étrangers – apparemment liée à des attentes démesurées – se confirme.

Le chef de l’Etat, en tenant une réunion consacrée au secteur des finances, a confirmé sa volonté d’introduire de nouvelles règles du jeu pour l’activité des banques étrangères.

Elles seront tenues, au terme d’un cahier de charges qui doit être élaboré, de réserver une partie de leur portefeuille au financement des investissements productifs au lieu de se contenter d’accompagner le commerce et de financer les crédits à la consommation. Intervenant après la décision sans préavis de taxer l’achat des véhicules neufs et de taxer de 15% les bénéfices des entreprises étrangères transférés hors du pays, cette annonce confirme que la tendance est à un serrage de vis après des années de laisser-faire et de quasi-préférence étrangère.

Certains entrepreneurs privés mettaient en cause le fait que les grands investissements d’infrastructures aient des délais électoraux qui en excluaient automatiquement les opérateurs nationaux, privés ou publics. On pourrait dire désormais, au plan du discours au moins, qu’une sorte de préférence nationale économique se met en place. Avec en arrière-fond des échéances électorales. Un «nationalisme économique» est mieux «vendable» à l’opinion qu’un discours libéral comptant démesurément sur les investissements directs étrangers pour relancer la machine économique.

Il reste que cette «réorientation» – qu’elle soit due à la découverte tardive de l’échec des politiques économiques suivies dans le domaine de l’investissement ou à des buts politiques plus conjoncturels – comporte des mesures qui relèvent du bon sens. Encore qu’elles auraient gagné à être le fruit de débats plutôt que de sembler relever de la pure injonction d’en haut. Après tout, les très faibles performances du pays mériteraient que toutes les compétences se prononcent et discutent de ces questions. Pour un pays comme l’Algérie, avec ses retards et sa déstructuration économique, il serait inquiétant de se satisfaire d’un taux de croissance de 3%.

Dépendance de la rente

S’il est vrai que la providence pétrolière est une bénédiction pour les indicateurs macro-financiers, on ne peut que constater l’aggravation sans cesse croissante de la dépendance du pays vis-à-vis de la rente. La dynamique des prix pétroliers a entraîné, comme chacun sait, un processus de renchérissement inédit de nos importations, notamment alimentaires, et l’installation du pays dans un statut de consommateur passif.

Le plan d’investissements, essentiellement consacrés à des dépendances d’infrastructures, dont certaines auraient pu faire débat, s’effectue au prix de retards et de surcoûts non maîtrisés qui ne bénéficient qu’aux entreprises étrangères. On sait aussi qu’en matière d’impact sur la création d’emplois durables, les effets de ce plan de dépense sont plutôt modestes. Où en est l’évaluation de ces dépenses ? Y a-t-il un bilan d’étapes ? Ces éléments seront peut-être réunis et publiés par le futur commissariat au plan dont on semble attendre beaucoup de la renaissance. En attendant, le cap d’une gestion par corrections successives est maintenu. Ainsi, le communiqué officiel publié à l’issue de la réunion restreinte du président de la République avec le ministre des Finances fait état en matière bancaire d’une amélioration des performances des établissements financiers nationaux grâce à un énième assainissement dont on ne connaît pas la substance. L’encadrement des activités financières à travers des mesures administratives ne peut cependant pallier l’inexistence d’une politique économique claire et lisible opposable à tous les acteurs.

Un fonds souverain une «aventure» ?

En d’autres termes, l’injonction ne suffit pas à réguler de manière efficace l’activité de crédit si elle n’est pas adossée à un cadre juridique et opérationnel cohérent. Or, à l’évidence et les discours du chef de l’Etat sur l’échec des politiques suivies montrent que ce cadre n’existe pas ou bien est déficient. Le chef de l’Etat a «clos» le débat sur la création d’un fonds souverain en faisant valoir que les besoins d’investissements nationaux sont suffisamment importants pour ne pas y avoir recours.

Pourtant, des experts relèvent qu’un tel fonds n’est pas une «aventure». Selon eux, un fonds d’un capital de deux ou trois milliards de dollars pourrait constituer un levier complémentaire utile pour une stratégie de soutien à l’ouverture et à la modernisation économique. Cela permettrait de diversifier de manière «indolore» le mode de gestion de nos réserves. Un fonds de 3 milliards de dollars sur 133, cela n’est pas de nature à changer le cours des choses. Pas plus qu’une dotation de 150 millions de dollars an n’est de nature à mettre en péril les réserves algériennes. La remarque de Mourad Benachenhou sur le fait que les dirigeants sont «leurs propres contrôleurs, leurs propres critiques, leurs propres dénigreurs, leurs propres exécutants, sans limite aucune», reste de mise. Là où le débat est nécessaire, on a de l’injonction.