Les ambiguïtés de l’article 4 du projet de loi sur les partis

Interdiction du retour de l’ex-FIS sur la scène politique

Les ambiguïtés de l’article 4 du projet de loi sur les partis

El Watan, 8 décembre 2011

L’adoption par le Parlement de la loi organique sur les partis politiques scelle définitivement le sort du parti dissous (ex-FIS).

A travers l’article 4 de cette loi, le gouvernement vient d’écarter toute possibilité du retour de l’ex-FIS et des membres de ce parti sur la scène politiques nationale. Seulement, d’aucuns estiment qu’il subsiste des zones d’ombre concernant la démarche de l’Etat. Selon certains observateurs, l’article 4 reste toujours ambigu, et ce, en dépit des clarifications apportées sur le sujet par le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia.

Que stipule l’article 4 ? Il interdit à toute personne responsable de l’exploitation de la religion ayant conduit à la tragédie nationale de fonder un parti, de prendre part à sa fondation ou de faire partie de ses organes dirigeants, comme il interdit également à quiconque ayant participé à des actions terroristes et qui refuse de reconnaître sa responsabilité pour sa participation. Invité à donner des précisions sur ce dernier point, le représentant du gouvernement a soutenu que «ceux qui ont commandité des actes ayant mené à la tragédie nationale, au même titre que ceux ayant commis des crimes, ne seront pas autorisés à créer des partis». Plus explicite, le ministre a ajouté qu’«il y a également des repentis qui ont des choses à se reprocher. Ces personnes ne peuvent pas créer de partis, mais s’ils veulent adhérer à une formation politique, la question sera examinée au cas par cas».

Cette réplique reste un tant soit peu ambiguë puisqu’elle est à même d’ouvrir la voie à moult interprétations. De l’avis de beaucoup d’observateurs, la décision d’écarter, via des lois, les dirigeants de l’ex-FIS émane du président de la République ; toutefois, sa traduction sur le terrain demeure un casse-tête : «Le Président a ordonné le non-retour de l’ex-FIS tout en demandant la matérialisation de cette instruction à travers un article de loi, mais celui-ci pose problème dans la mesure où il n’est pas clair et les interprétations faites à ce sujet ont dévié cet article de sa trajectoire», note une source parlementaire.

Les députés du FLN, qui ont voté cette loi, n’étaient pas en mesure de donner une explication au sens de l’étude «au cas par cas» des dossiers des repentis. L’argument du FLN est aussi ambigu que l’article 4. «Toute personne qui n’a pas été déchue de ses droits civiques et politiques et qui ne fait pas l’objet de poursuites judiciaires peut prétendre à créer ou à militer dans un parti politique», explique Kassa Aïssa, chargé de communication. Pour sa part, le RND explique «le cas par cas» par le degré d’implication des repentis dans les actes terroristes. Pour la formation d’Ahmed Ouyahia, «l’Etat n’a pas de problème avec ces personnes, mais avec les idées qu’elles véhiculent». «Cependant, les gens doivent savoir que l’interdiction du retour sur la scène politique de l’ex-FIS est la résultante du référendum sur la charte et la réconciliation nationale. La charte a coupé l’herbe sous le pied de l’ex-FIS», note Sadik Chihab du RND.

La formation de Bouguerra Soltani conteste dans le fond et la forme cet article car, estiment les responsables de ce parti, il empêche des personnes qui ne sont pas déchues de leurs droits civiques de faire partie d’un parti politique. Néanmoins, plusieurs parlementaires n’ont pas saisi le sens des précisions données par le ministre par rapport à la question des repentis. «Si un repenti reconnaît sa responsabilité dans un acte terroriste, sera-t-il, de fait, autorisé à militer dans un parti politique ? Si c’est le cas, ces repentis peuvent-ils aspirer un jour à diriger une formation politique ?», se sont interrogés certains députés, qui affichent leur inquiétude quant à la gestion de cette question.