L’urgence d’ouvrir un débat national sur la sécurité

L’urgence d’ouvrir un débat national sur la sécurité

El Watan, 18 août 2011

Après l’attentat-suicide qui a secoué, le 14 août, la ville de Tizi Ouzou, Abdelghani Hamel, directeur général de la Sûreté nationale (DGSN) a pris soin de se déplacer sur les lieux.

Les observateurs s’attendaient à ce que le policier en chef explique comment et pourquoi les groupes affiliés à l’ex-GSPC arrivent à organiser et exécuter des attentats en pleine ville avec une incroyable facilité. Aucune déclaration. Le général Hamel s’est déchargé de la responsabilité d’éclairer l’opinion nationale et même internationale sur la situation sécuritaire en Algérie. La série d’attentats à l’explosif de juillet, qui avait provoqué la mort d’une vingtaine de personnes, n’a fait réagir aucun responsable, à commencer par le président Bouteflika. Le locataire d’El Mouradia n’a pas hésité à condamner avec la «plus grande fermeté» les attentats qui ont frappé la Norvège, fin juillet. Des attentats qualifiés de «lâches». Les centaines de morts en Algérie, suite à des actes tout aussi «lâches», depuis l’arrivée de Bouteflika au pouvoir en 1999, n’ont eu aucun mot de compassion de celui qui a dit un jour être «le président de tous les Algériens».

Hier, seulement, trois morts et quatre blessés ont été enregistrés suite à une attaque d’un groupe armé contre un bus et l’explosion d’une bombe artisanale, à Tizi Ouzou et Boumerdès. Comment expliquer que l’action de l’ex-GSPC soit concentrée uniquement en Kabylie ? Malgré la forte présence policière et militaire dans la région, des groupes terroristes ciblent des convois de l’armée et des sièges de sûreté urbaine par des attentats à l’explosif. Des bombes artisanales sont déposées sur les routes et même à côté de sièges de wilaya, comme ce fut le cas lundi à Bouira. Où est donc passée toute l’expérience acquise par les services de sécurité, ceux du renseignement en tête, durant plus de quinze ans de lutte contre le terrorisme ? Faut-il parler de faillite, d’incompétence et d’incapacité de s’adapter aux nouvelles formes que prend la violence ? Les autorités aiment bien rappeler que l’Algérie est citée «en exemple» dans la lutte contre le terrorisme au niveau international ; «leader régional», disent-elles. Des efforts sont même déployés pour «fédérer» les actions pour contrer de ce qui est appelé Al Qaîda au Maghreb dans la région du Sahel. L’intérêt pour cette zone peut-il être justifié par le kidnapping de ressortissants occidentaux ? Et donc l’on fait tout pour «plaire» à l’Europe et aux Etats-Unis, oubliant de s’intéresser en priorité à la sécurité à l’intérieur du pays. Ou faut-il s’adapter à un niveau minimal de violence dans une conjoncture marquée par des appels pressants pour des changements politiques profonds et des ouvertures ?

Il est évident que ce n’est pas une question de manque de moyens. Le ministère de la Défense et celui de l’Intérieur cumulent à eux deux presque 10 milliards de dollars de budget de fonctionnement, soit le budget d’une dizaine d’autres ministères. L’Algérie achète de l’armement de tous types, alors, pourquoi n’a-t-on pas pensé au matériel de pointe pour contrer l’action subversive ? Dans les villes, des caméras de surveillance ont été placées partout. Cela n’a pas empêché la criminalité ordinaire d’exploser ces derniers mois et le terrorisme de reprendre de plus belle. Donc, quelle est la véritable fonction de ces caméras ? Surveiller ? Contrôler les citoyens ? Un inquiétant discours «psychologique», développé ces derniers jours, veut faire admettre l’idée que la population, de Kabylie notamment, ne collabore pas avec les services de sécurité et ferme les yeux sur les mouvements de l’ex-GSPC. Cette idée complètement fausse a été mise en avant dans les années 1990 pour justifier la propagation de la violence dans le pays.
Il est urgent qu’un débat national, franc et transparent, soit ouvert sur la sécurité en Algérie. Les Algériens doivent savoir ce qui se passe et pourquoi la Kabylie, région où la contestation politique du régime est forte, subit l’insécurité depuis des années. Le gouvernement est, lui, tenu de répondre aux questionnements de l’opinion publique. C’est mieux que de faire la sourde oreille et de chercher des stratagèmes absurdes pour justifier l’injustifiable. La patience de la société a des limites.

Fayçal Métaoui