Le silence éloquent de Lamari

Promotion de 14 généraux et 5 généraux-majors

Le silence éloquent de Lamari

Le Quotidien d’Oran, 2 juillet 2003

La traditionnelle sortie de promotion de l’Académie interarmes de Cherchell a donné lieu à une ambiance morose. Les généraux de l’état-major, au complet, se sont murés dans le silence à l’image du patron de l’armée, le général Mohamed Lamari, en attendant les promotions du 5 Juillet.

Une année après sa prestation médiatique remarquée à l’Académie de Cherchell, le général Lamari, flanqué du gratin de la hiérarchie militaire, a sacrifié au rituel de la cérémonie de sortie de promotion de l’Académie interarmes de Cherchell en expédiant le sujet. Prévue sur 90 minutes entre la prestation du serment des élèves officiers et la parade militaire, la cérémonie n’a, en fait, duré que 45 minutes avec un défilé et une revue militaire réduite. Même l’ambiance généralement enthousiaste a donné lieu, pour l’édition 2003, à un climat pesant et silencieux.

Comme si le coeur n’y était pas, et pour cause. Le crash d’un Hercule C-130 de l’armée de l’air algérienne sur le quartier Fettal, dans la localité de Beni Mered, a quelque peu plané sur les festivités. D’ailleurs, le général Lamari n’a consenti s’exprimer à la presse que sur cette question: «Il faut attendre que la commission d’enquête entame son travail puisque les deux boîtes noires de l’appareil ont été retrouvées intactes et sont en cours de déchiffrage, pour tirer des conclusions.

Il faut savoir ce qui s’est dit et les paramètres de vol», dira-t-il avant d’ajouter: «Tout autre n’est qu’hypothèses et ce genre d’incidents est notre lot quotidien au sein de l’armée», et ceci avant de rendre un hommage au colonel Djouabri qui dirigeait la manoeuvre de l’Hercule C-130 et était «très compétent et devait former un autre pilote».

A une question sur l’indemnisation des 11 victimes civiles sur les 15 morts suite au crash, le général Lamari rétorquera que «l’armée est organisée et nous avons eu à verser des indemnisations même aux citoyens qui ont été victimes de tirs». Face à l’insistance des journalistes, le général Lamari préféra écouter les conseils du général-major Fodhil Chérif, chef de la 1ère Région militaire, qui lui chuchota un mot dans le genre «il faut attendre la commission d’enquête».

Entourés des généraux Gaïd Salah, commandant des forces terrestres, Ali Benslimane, forces aériennes, Boustila, Gendarmerie nationale, et Fodhil Chérif (1ère RM), ainsi qu’une pléthore de hauts officiers de l’état-major, le général Lamari a évité de faire des déclarations politiques: «Je n’ai rien de nouveau à vous dire. Quand il y en aura, vous serez les premiers à le savoir», lancera-t-il à l’adresse des journalistes dont l’une l’interpella sur le fait d’avoir parlé à un journal égyptien, Al Ahram, au lieu d’un média algérien: «Parce que vous n’en avez pas fait la demande», répondit le chef d’état-major avec un sourire de circonstance.

Mais son visage se figea lorsque de l’essaim de journalistes fusèrent des mots tels que «présidentielles» ou «état d’urgence». Lamari reprit son allure martiale et trancha dans le vif: «Le sujet est épuisé. J’ai eu à donner toutes les précisions». Sur ce, des officiers de protocole vous prient de consulter le dernier numéro de la revue El Djeich dans lequel l’intégralité de l’entretien du patron de l’ANP est reproduite et la salle de réception est vidée, manu militari, de ses invités trop curieux à en devenir gênants. Le général Lamari qui avait promis, en juillet 2002, de faire du point de presse une tradition, a cette fois-ci bu son café avec ses officiers d’état-major. A huis clos.

Reste que cette impression de malaise n’a pas été totalement dissipée, que la seule raison du contexte marqué par le crash de Boufarik n’explique pas entièrement. A cette sortie de promotion, la venue du président Bouteflika a été annoncée… murmurée.

Mais le président est en tournée à l’Est du pays. Cependant, le chef d’état-major de l’ANP aura à recevoir, au siège du MDN, le chef suprême des forces armées, le 3 juillet, en commémoration de la fête d’Indépendance. Selon nos sources, le président présidera une cérémonie de remise de grade qui va voir la promotion de 14 colonels au rang de général et de 5 généraux au rang de général-major. Et comme à chaque fois, les spéculations vont bon train au sein de l’armée et dans les milieux politiques sur qui seront les «retraitables» et qui n’auront pas droit à une promotion attendue.

L’atmosphère de Cherchell sera-t-elle de mise aux Tagarins lors des retrouvailles Bouteflika-Lamari ? Nombre d’observateurs ont estimé que sur l’état d’urgence, la nomination d’un ministre civil, la défense de l’armée à l’étranger et la lutte antiterroriste, le général Lamari a critiqué la ligne présidentielle qui n’a pas aidé à calmer les spéculations sur un éventuel désaccord entre l’armée et la présidence.

Mounir B.