Qui veut aller chercher Abderezak El Para?

LE MOUVEMENT REBELLE TCHADIEN PREND A TEMOIN L’OPINION INTERNATIONALE

Qui veut aller chercher Abderezak El Para?

Le Quotidien d’Oran, 20 juin 2004

Le mouvement de rébellion tchadien, MDJT, qui détient le numéro deux du GSPC, Abderezak El Para, a demandé aux Etats voisins du Tchad dont l’Algérie de venir le chercher et l’exfiltrer du territoire tchadien et dément toute transaction financière avec les salafistes et invite la presse.

Dans un communiqué daté du 17 juin, Mahamat Mahdi Ali, vice-président extérieur du mouvement tchadien, a indiqué, depuis Paris, «qu’il y a trois mois, le MDJT arrêtait dix-sept membres d’un groupe terroriste. Dès leur arrestation, la résistance nationale a informé non seulement l’opinion mais aussi tous les Etats et institutions luttant contre le terrorisme dans cette zone du Sahara. Force est de constater que depuis cette date, aucune démarche sérieuse pour exfiltrer ces terroristes n’a été entreprise et ceci malgré notre appel à l’aide pour pouvoir établir ne serait-ce que les identités des personnes que nous détenons».

Selon le mouvement tchadien, les pays sollicités n’ont pas voulu donner suite à cette requête d’exfiltration sous prétexte que «le MDJT n’a pas de légitimité internationale». Amari Saïfi alias Abderezak El Para est détenu par les rebelles tchadiens dans une base au nord de Tibesti, à 200 km au sud des frontières entre le Niger et le Tchad. Pour le MDJT, il ne fait guère de doute qu’il s’agisse bien du «para» du moment que le parquet de Karlsruhe en Allemagne l’avait identifié, depuis un avis de recherche lancé par Berlin pour juger l’émir salafiste et quatre de ses acolytes suite à l’enlèvement de 17 touristes allemands.

C’est pour ces raisons que le MDJT en appelle à l’opinion internationale et propose aux Etats concernés par le sort de Abderezak El Para deux options: «Autoriser la presse internationale de venir constater l’existence de ces individus (…) permettre aux institutions et Etats désirant les exfiltrer de venir jusqu’à ses bases pour les récupérer dans des conditions de sécurité suffisantes». Le MDJT n’adresse pas spécialement cet appel aux Algériens car, mis à part Alger, les rebelles tchadiens ont alerté Paris, Washington, Berlin, Niamey et Bamako, soit tous les Etats qui ont des griefs contre le para. Selon Brahim Tchouma, le responsable du MDJT à Paris, Abderezak El Para a été identifié grâce à sa description physique (1,92 m, cheveux longs, blessures au bras), mais aussi grâce à son téléphone portable Thuraya qui était en sa possession. Les Allemands détenant des vidéos prises de l’enlèvement et ayant pu joindre leurs ex-otages au nord du Mali grâce à ce téléphone satellitaire, ont tiré la conclusion qu’il s’agissait bien de lui.

A Alger, on demeure prudent et on évite d’être catégorique. Au-delà du souci de tous les Etats à ne pas froisser le gouvernement du Tchad en négociant avec des rebelles, les Algériens n’ont pas de preuve matérielle qu’il s’agisse bien du même homme car, selon des experts, «trois ou quatre lieutenants de Abderezak El Para présentent les mêmes caractéristiques morphologiques». Le MDJT qui avait délégué un émissaire secret à Alger avait proposé une piste d’atterrissage aux Algériens afin de venir prendre livraison de Abderezak El Para. Les Algériens, sceptiques, veulent faire les choses selon la légalité internationale, ce qui prendrait du temps.

A noter, enfin, que le Tchad a bénéficié ce mois-ci du programme du Pan-Sahel (8 millions de dollars consacrés à l’entraînement des forces spéciales par les US Marines), et a eu à former 200 commandos qui iront, tôt ou tard, selon les experts, aller déterrer le MDJT du Nord tchadien ainsi que ses prisonniers encombrants.

Mounir B.