Les ravisseurs exigent 64,4 millions d’euros

BAMAKO S’ENGAGE A RETROUVER LES OTAGES

Les ravisseurs exigent 64,4 millions d’euros

Le Quotidien d’Oran, 2 août 2003

Le président malien, Amadou Toumani Touré, a indiqué que son pays était prêt à s’investir dans la recherche des touristes européens qui sont passés au Mali. Ceci alors que Berlin intensifie ses contacts avec les ravisseurs pour satisfaire leurs exigences.

«Le Mali est prêt, dans un sens humanitaire, à s’investir et à aider à la recherche d’une solution urgente», a affirmé le président Touré avant d’ajouter que «le désert est vaste, ce n’est pas facile d’y trouver quelqu’un. C’est (sa) caractéristique (…) Je ne serais pas en mesure de dire où ils (les otages) se trouvent à l’heure actuelle». Cependant, le président Touré dira que «le Mali ne saurait reculer face à cette question qui est d’une importance particulière».

C’est la première fois que Bamako réagit officiellement à la présence des 14 touristes européens signalés dans la région de Kidal dans le Nord-Est malien. Depuis leur arrivée en territoire malien, un contact a été établi avec les terroristes du GSPC, estimés à 25 éléments, grâce à des tribus locales, des Touaregs Azawad, selon des sources sécuritaires. Ce contact a été facilité par la présence de certains chefs des tribus Azawad dans la région de Tamanrasset, précisément à Amguid, ville qui était sur l’itinéraire de repli des ravisseurs et de leurs otages. Des anciens chefs du Mouvement populaire des Azawad (MPA) auraient également été sollicités.

Bamako et Berlin comptent sur l’appui d’Alger qui, malgré le départ des otages vers le Mali, demeure active dans cette affaire. La situation est d’autant plus difficile pour Bamako du fait qu’elle n’entretient pas les meilleurs rapports avec ces anciens mouvements rebelles dont le Front islamique arabe Azawad (FIAA) que Bamako a déjà accusé de supporter des mouvements islamistes dans la sous-région du Sahel et qui, selon les spécialistes du renseignement, serait proche du GSPC de l’émir Mokhtar Belmokhtar. De ce fait, des sources diplomatiques maliennes ont indiqué au Quotidien d’Oran que «la région de Kidal est globalement incontrôlée» et que des «bandits» demeurent en activité.

Bamako qui a retiré une partie de ses troupes engagées dans le déploiement militaire pour rechercher les touristes considère la région de Kidal comme un «territoire Tamacheks» (Touaregs).

Les contradictions apparues récemment dans le discours malien procèdent d’une situation ethnique et tribale complexe qui risque d’affecter les négociations. Les Allemands sous le conduite de Chroborg misent sur les contacts tribaux notamment ceux menés par les anciens du FIAA et du MPA. Le gouvernement malien ne recense qu’un seul interlocuteur dans cette partie nord recruté au sein du mouvement Ganda Koy («les maîtres de la terre» en songhai), ethnie qui forme la principale composante de l’appareil militaire malien. Or, malgré la signature du pacte de paix en 1991, ces mouvements se livrent à une guerre dans cette région qui ne dit pas son nom. Guerre qui pourrait entraver les bonnes dispositions de Bamako de faire l’intermédiaire.

En Allemagne, la tension monte également. Le ministère des Affaires étrangères a convoqué les familles des 15 otages (dont l’ex-mari de Michaela Spitzer décédée par insolation) afin de visionner la vidéo tournée il y a moins d’une semaine en territoire malien. Les 9 Allemands, quatre Suisses et le Néerlandais y adressaient un message à leurs familles mais Berlin n’a pas confirmé si les ravisseurs y apparaissaient.

Car les membres du GSPC ont réussi à transmettre une lettre posant les conditions d’une libération. Selon diverses sources, une demande de rançon et des garanties quant à la sécurité des ravisseurs y ont été transcrites. Le GSPC redoutant, une fois la libération effectuée, d’être pourchassé par des commandos allemands ou algériens le long des frontières algéro-maliennes. Ce message indiquait, selon un notable, que «les ravisseurs nous ont dit que les otages étaient toujours en vie, même s’il leur devenait de plus en plus difficile de (les) nourrir». «Nous leur avons envoyé un message (lundi) sur le territoire algérien, et ils nous ont formellement répondu», a affirmé un autre notable de Kidal à l’AFP, se refusant à toute précision supplémentaire «par mesure de sécurité».

L’AFP annonçait, hier après-midi, que l’envoyé spécial au Mali de la télévision allemande d’information en continu N-TV, citant «un diplomate à Bamako», avait déclaré que «les ravisseurs algériens des quatorze Européens détenus dans le Sahara ont demandé une rançon de 4,6 millions d’euros par otage (au total 64,4 millions d’euros)».

«Ils sont dans un état satisfaisant mais sont épuisés», a précisé Mark Kohlbecher, ajoutant que «des lettres des otages ont été transmises par un intermédiaire», dans lesquelles est notamment décrite la mort d’une otage allemande décédée des suites de la chaleur, Michaela Spitzer, une mère de deux filles, âgée de 45 ans. «J’ai aussi entendu qu’on tente d’apporter des aliments frais et de l’eau aux otages», a déclaré M. Kohlbecher, interrogé en direct par téléphone.

Mounir B.