“Il y a plus de 20 000 barrages de contrôle sur les routes”

Ahcène Moubarek-Taleb, professeur en sciences criminelles

“Il y a plus de 20 000 barrages de contrôle sur les routes”

Liberté, 15 janvier 2018

Selon M. Moubarek-Taleb, 70% des groupes terroristes activent beaucoup plus sur les réseaux sociaux et la Toile du web que sur le terrain.

L’Algérie ne figure pas parmi les pays classés dans la zone rouge en matière de criminalité et de crime organisé. C’est ce qu’a révélé Ahcène Moubarek-Taleb, sociologue et professeur en sciences criminelles, lors d’une conférence organisée, hier, par la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) à l’École supérieure de Châteauneuf. Selon le conférencier, “l’Algérie est classée dans la zone orange parmi les quelque 160 pays concernés par les types de crimes comme le terrorisme, ou encore le crime organisé. Citant l’exemple du kidnapping et des drogues numériques qui se développent sur Internet, le conférencier a estimé “inutile de déployer des forces de police sur le terrain pendant que l’auteur du crime continue à sévir tranquillement à partir de son domicile ou de son bureau”. Appelant les forces de la police algérienne à adapter leurs méthodes opératoires et à moderniser les outils de formation, notamment la formation continue, M. Moubarek-Taleb a relevé que “le crime est le produit de l’effet de surprise. Je ne vois pas à quoi sert d’ériger des barrages de contrôle partout, alors que le criminel ne transite pas par le barrage. C’est le cas, également, de l’occupation du terrain en priorisant les interventions. Pensez-vous que le criminel court en pleine rue ?” Citant plusieurs anecdotes et ses sources sécuritaires, M. Moubarek-Taleb a révélé que “plus de 20 000 barrages de contrôle, entre fixes et mobiles, sont érigés annuellement sur les axes routiers et, souvent, pour le même résultat. Cela ne veut pas dire qu’il ne faudrait pas occuper le terrain, mais certaines priorités pourraient s’ajuster pour contrecarrer les nouvelles méthodes que développent les réseaux organisés à travers le monde”. En ce sens, il dira que “70% des groupes terroristes activent beaucoup plus sur les réseaux sociaux et la Toile du web que sur le terrain. Ils y font la même chose avec la messagerie chiffrée et les autres mécanismes virtuels. Les expériences nous l’avaient d’ailleurs démontré, ces réseaux sont plus expérimentés que les forces de l’ordre. Au Mexique, la police ira jusqu’à demander sa propre protection à cause des technologies et de nouveaux procédés utilisés par les bonnets du narcotrafic !” Aussi, M. Moubarek-Taleb a estimé que “les policiers ne doivent pas se plaindre quand ils voient un mis en cause dans une quelconque affaire remis en liberté par la justice. Vous diriez que c’est la faute au juge ? À mon avis, non. Car le juge se base sur un dossier de l’enquête. Et si le dossier est vide, le mis en cause est libéré !” Abordant le phénomène des enlèvements, le conférencier a indiqué que “l’exploitation sexuelle des enfants via les réseaux sociaux prend des proportions alarmantes, en plus des drogues numériques et de l’addiction des enfants à Internet”. Aux yeux de ce professeur, près de 90% des enlèvements sont motivés par les abus sexuels des bourreaux, alors que le reste des kidnappings sont opérés par des réseaux spécialisés dans le trafic d’organes. “Les abus sexuels et le trafic d’organes sont les deux facteurs qui poussent les malfaiteurs à kidnapper des enfants”, a-t-il expliqué. Pour ce professeur, la police algérienne, au même titre que les services de sécurité, devaient se mettre au diapason des nouvelles techniques d’investigation et opter pour un meilleur déploiement des forces de l’ordre pour devancer l’acte criminel.

FARID BELGACEM