France : Révélations sur Tibhirine et sur l’état de droit

France : Révélations sur Tibhirine et sur l’état de droit

Risques Internationaux, 21 septembre 2011

L’émission de télé diffusée sur « Canal plus », lundi soir, a déjà donné, à ceux qui ont pu la visionner, un vaste aperçu du livre qui sort demain aux éditions la Découverte (« Le crime de Tibhirine, révélation sur les responsables »), fruit d’une longue enquête de Jean-Baptiste Rivoire sur l’enlèvement et la mort des moines trappistes de Tibhirine.

Un livre à lire, absolument, pour ce qu’il révèle sur le fonctionnement du régime algérien, non seulement au moment des faits, il y a quinze ans, mais sur le régime d’aujourd’hui, encore sous la houlette des services secrets, dirigés par les mêmes personnages au cœur du pouvoir.

Comment expliquer, ainsi, que Aderrezak El Para (de son vrai nom Amari Saïfi), suspecté d’avoir été impliqué dans l’enlèvement des moines (via les nouveaux témoignages recueillis par JB Rivoire) et très probable responsable de l’enlèvement de 32 touristes de langue allemande dans le sud de l’Algérie, en 2003, n’ait jamais comparu devant aucun tribunal ? Or Alger affirme, aujourd’hui, très officiellement, que El Para est entre les mains de la justice algérienne et qu’il est incarné à la prison de Sekadji. Reporté à de nombreuses reprises, son procès a été, une nouvelle fois, repoussé, au mois d’avril dernier, jusqu’à la prochaine session criminelle qui s’ouvrira en octobre. Or c’est en 2007 que les Libyens avaient remis El Para aux Algériens. Que celui-ci ne soit pas un terroriste ordinaire, mais bien un membre du DRS (direction des renseignements algériens) téléguidé dans les groupes islamistes armés, est un secret de polichinelle en Algérie. Un mensonge d’Etat qui se vérifie, chaque jour, un peu plus, par le sort extravagant réservé à cet ex-parachutiste de combat des forces spéciales algériennes.

(http://www.algeria-watch.org/fr/article/just/elpara_hattab/elpara_hattab_justice.htm).

Ainsi va l’Algérie d’aujourd’hui, comme celle d’hier, même si, par bonheur, le niveau de violence et d’insécurité a baissé.

Ce qu’il y a de très salutaire dans la recherche de la vérité sur Tibhirine, c’est justement cela : elle ouvre la voie à la justice, tant en France qu’en Algérie. Ni les Cisterciens, ni les familles des victimes, ni Jean-Baptiste Rivoire ne sont dans une logique de vengeance. C’est l’impunité et les silences complices, de part et d’autre de la Méditerranée, qui les inquiètent, à juste titre. Il serait temps que la séparation des pouvoirs, garante d’un vrai Etat de droit, soit respectée, en Algérie comme en France (où elle a été, jusqu’à une période récente, délibérément bafouée par le juge anti-terrorise Bruguière).