Les circonstances de la mort des moines de Tibéhirine toujours pas élucidées

Les circonstances de la mort des moines de Tibéhirine toujours pas élucidées

L. B., France-Soir, 17 février 2004

Il s’agit de l’un des dossiers les plus troubles de la sale guerre algérienne. Dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, sept moines trappistes français du monastère de Tibéhirine, à proximité de Médéa, sont enlevés par un groupe armé. Dans un premier temps, l’évènement suscite peu de réactions en France. Un mois après le rapt, un quotidien arabe de Londres publie un communiqué signé par un « émir » du Groupe islamique armé, Djamel Zitouni. Le GIA revendique la capture des religieux français. Fin mai, un autre communiqué signé Djamel Zitouni annonce l’exécution des moines. Seules leurs têtes seront retrouvées.

Février 2004, le parquet de Paris ouvre enfin une enquête judiciaire sur l’affaire. Près de huit ans après le drame, la justice française s’interroge. Depuis 1996, la version officielle algérienne est régulièrement remise en cause. Comment un simple vendeur de poulets, Djamel Zitouni, a-t-il pu devenir le chef de tous les GIA? Comment un garçon de la banlieue d’Alger a-t-il pu être l’auteur de communiqués rédigés en arabe littéraire?

Dans une plainte avec constitution civile, les proches du père Christophe Lebreton, ainsi que le père cistercien Armand Veilleux, s’étonnent d’ailleurs de l’absence de conclusions officielles algériennes dans le dossier. « Il ne semble pas qu’une quelconque enquête officielle ait été faite par les autorités algériennes, note la plainte. En tout cas, aucun résultat d’enquête n’a été rendu public. » Surtout, le pouvoir algérien, et ses services secrets, font l’objet de mises en causes de plus en plus virulentes. En juillet 2002, Abderrahmane Chouchane, un capitaine algérien réfugié en Grande Bretagne, déclare que Zitouni, liquidé en 1996, était un agent du Département de renseignement et de sécurité (DRS) (ex-Sécurité militaire).

En décembre 2002, dans le quotidien Libération, Abdelkader Tigha, un ancien adjudant du DRS accuse son service d’avoir organisé l’enlèvement grace à un Zitouni « manipulé ». En septembre 2003, Mohamed Samraoui, un ancien colonel du DRS, récidive dans un livre*. Pour lui, le GIA était largement contrôlé par le DRS. Ces trois experts en « coups tordus » seront-ils entendus par la justice française?

* Chroniques des années de sang, ed. Denoel.