Les magistrats s’organisent

Les magistrats s’organisent

Ag constitutive le 5 juillet prochain

El Watan, 15 mai 2013

Une association nationale des magistrats verra le jour incessamment. Créée par d’anciens membres fondateurs du syndicat des magistrats et de jeunes juges, la structure s’assigne comme objectif «l’instauration et la défense de l’indépendance de la justice dans un cadre organisé».

Ce n’était qu’un projet est en train de voir le jour. Après de nombreuses réunions et discussions entre d’anciens membres fondateurs du Syndicat national des magistrats (SNM) et de jeunes juges, la décision de créer une nouvelle structure «pour consacrer et défendre l’indépendance de la justice» a été prise, a-t-on appris auprès de ses initiateurs. L’assemblée constitutive aura lieu le 5 juillet prochain. Le choix de cette date n’est pas fortuit. «C’est toute la symbolique de cet anniversaire qui est recherchée à travers la tenue de l’assemblée générale constitutive.»

Nous espérons que notre association puisse contribuer à asseoir un véritable Etat de droit, où le juge jouit de toute l’indépendance qui lui est consacrée par la Constitution. Elle sera l’organisation qui défendra les intérêts moraux et professionnels des magistrats et leur permettra d’avoir une tribune de réflexion sur tous les problèmes auxquels ils sont confrontés», révèlent nos interlocuteurs. Pour ces derniers, la nouvelle organisation «travaillera en concertation avec le syndicat. Nous croyons que plus la corporation est riche en représentation, plus ses problèmes auront de chance d’être pris en charge. Nos portes sont ouvertes à tous les magistrats, qu’ils soient affiliés au syndicat ou non. D’ailleurs, parmi les membres fondateurs de l’association, bon nombre de cadres actifs sont des syndicalistes».

En fait, la décision de créer cette association mûrit depuis des années chez de nombreux juges très «déçus» par le bilan de leur unique syndicat, mais elle a été accélérée avec les derniers évènements qu’a connu la corporation, notamment après la grève de la faim de quatre magistrats à In Salah (tribunal près la cour de Tamanrasset) début janvier 2013. L’on se rappelle que les grévistes avaient décidé d’attirer l’attention des plus hautes autorités à travers une grève de la faim, une action inédite chez les juges, qui aurait pu être suivie d’une lourde sanction. En fait, les magistrats avaient dénoncé les conditions «extrêmement difficiles» dans lesquelles ils exercent et les pressions quotidiennes qu’ils subissent à travers, entre autres, «les instructions verbales, les humiliations, les abus de pouvoir, les interférences extraprofessionnelles, etc.». Ils ont exigé de la chancellerie de «mettre fin au calvaire». La médiatisation de cette grève a fait bouger le bureau du SNM, qui s’est réuni mais dont les débats n’étaient pas à la hauteur des aspirations des contestataires.

En effet, certains membres du bureau auraient exigé des sanctions à l’égard des grévistes. Le communiqué final du bureau n’a pas influé sur la suite des événements dans la mesure où les grévistes ont été reçus par le ministre en personne, Mohamed Charfi, qui leur a promis de prendre en charge leurs doléances et les a assurés qu’aucune sanction ne serait prise à leur encontre. Cette affaire a fait tache d’huile, obligeant le président du syndicat, Djamel Aidouni, à faire des rencontres régionales avec les magistrats. La première a été tenue début mars à Oran, son fief. M. Aidouni a fait le déplacement sans son secrétaire général, Kamel Himeur, et la défection était criante. Le président était incapable d’apporter les réponses aux nombreuses préoccupations des rares magistrats venus l’entendre parler.

La même contestation a été exprimée à Ghardaïa, Constantine puis à Alger. Des défaites, suivies par la démission de l’un de ses plus proches collaborateurs et pas des moindres, Kamel Himeur, secrétaire général du bureau. Les défections au sein de l’organisation se multiplient, alors que la déception s’élargit dans les rangs. Ce qui fait dire à certains juges que la création d’un nouveau cadre de défense des droits moraux de ces derniers est «une bouée de sauvetage». Les initiateurs expliquent pour leur part qu’«il n’est pas question de se substituer au syndicat, mais plutôt de l’aider à être plus représentatif et plus réactif. Lorsque les efforts seront conjugués, tous les problèmes seront résolus et le juge ne sera que plus fort et plus indépendant».
Salima Tlemçani