Du nouveau dans la gestion des affaires criminelles

Du nouveau dans la gestion des affaires criminelles

par Houari Saaïdia, Le Quotidien d’Oran, 9 janvier 2010

Les juges se spécialisent Des juges spécialisés en criminel. C’est la quintessence d’un projet mûrement réfléchi par le ministère de la Justice et qui commence à germer. Peu à peu, donc, on se dirige vers le déclin de l’ère du magistrat polyvalent et «touche-à-tout». Les 36 cours du pays viennent d’être destinataires d’une instruction de la chancellerie dont la teneur est de spécialiser des juges, parmi le corps de la magistrature de siège, dans les affaires criminelles. La démarche, qui fait en soi valeur de réforme, s’inscrit dans le registre «spécialisation des magistrats», l’une des lignes génératrices du plan de réforme de la justice. Pratiquement, les présidents de cours sont tenus désormais de confier l’ensemble des dossiers renvoyés devant le tribunal criminel à une élite de juges, en termes de maîtrise et de compétence en la matière, et de ne plus faire dans le turnover, ou la rotation du personnel pour gérer le rôle de la session criminelle. Le relèvement du niveau des critères de sélection des juges qui auront la charge d’examiner les dossiers criminels, message implicite dans la directive du ministère de Tayeb Belaïz, se traduira inévitablement par la réduction du nombre des magistrats qui auront à présider les audiences du tribunal criminel. Selon les explications fournies par le président de la cour d’Oran, Medjati Ahmed, cette démarche vise plusieurs objectifs à la fois. D’une part, développe-t-il, cela va permettre un traitement qualitatif des affaires criminelles, qui se distinguent des affaires délictuelles et contraventionnelles par leur caractère complexe et leur degré de gravité, en termes de faits, car les audiences seront diligentées par des juges qui connaissent bien leur sujet et maîtrisent parfaitement les actes et les procédures inhérentes. D’autre part, ajoute-il, cela va permettre aussi de réduire tangiblement le nombre de pourvois en cassation, en ce sens que la bonne diligence du procès par le juge spécialisé et aguerri évitera, ou à tout le moins endiguera le phénomène des pourvois manifestement irrecevables ou dépourvus de moyen sérieux de cassation. En d’autres termes, la désignation de juges «anticriminels» spécialisés est, par ailleurs, l’un des nouveaux instruments mis en oeuvre par le ministère de la Justice dans l’optique de remédier, partiellement, au problème chronique de l’encombrement de la juridiction suprême de l’ordre judiciaire. La formation spécialisée, qui s’affermit par la pratique surtout, d’une fournée de magistrats consacrés aux dossiers qui relèvent du tribunal criminel va permettre ainsi, à terme, de relever le défi de l’augmentation exponentielle des pourvois qui asphyxient la cour de cassation, avec tous les effets positifs que cela va entraîner sur la qualité, l’efficacité et la célérité du traitement des affaires, bien que la chambre criminelle ne connaît pas un encombrement comparable à celui des chambres civiles.

Au niveau de la cour d’Oran, par exemple, la nouvelle orientation est déjà mise en oeuvre, indique M. Medjati. En effet, deux juges spécialisés, présidents de chambre, connus pour leur expérience et leur maîtrise du créneau criminel, ont été désignés pour statuer sur les affaires enrôlées dans la 1re session ordinaire de l’année 2010, dont le lever du rideau est prévu demain. Cette session, qui démarre après un week-end seulement de la clôture de la session précédente, ce qui renseigne un peu sur le stock de dossiers qui atterrit annuellement dans cette juridiction, compte 91 affaires, dont 28 ayant trait aux crimes organisés, le trafic transfrontalier de drogue et le blanchiment d’argent. Ce gros paquet de dossiers, presque le tiers du volume des affaires enrôlées, provient du Pôle pénal spécialisé. Pour des raisons pratiques et pour éviter le surmenage pouvant s’emparer des deux magistrats qui auront à se relayer sur les 91 affaires, trois mois durant, le président de la cour précise que ceux-ci seront «soulagés» par la succession à la tribune, de temps à autre, d’autres confrères.