Code de la famille: Vers un front national contre les amendements

Face à l’absence de débat sérieux sur le code de la famille, des personnalités se concertent

Vers un front national contre les amendements

par Nefla B. , Le Jeune Indépendant, 5 août 2004

Plusieurs personnalités et spécialistes dans différentes disciplines scientifiques ont lancé l’idée de créer une entité nationale de protection de la cellule familiale. Les textes de sa mise en place sont en cours d’élaboration et le «projet d’instance» ainsi que le projet de la plate-forme ont été soumis à tous les membres et parties qui voudraient en faire partie pour être finalisés ce week-end.

Juristes, théologiens et même des députés et sénateurs visent à travers cette initiative la mise en place d’un front qui s’opposera à l’amendement du code de la famille tel que conçu dans les propositions émises par la commission installée par le ministre de la Justice, M. Tayeb Belaïz, au mois d’octobre dernier.

L’appel et la plate-forme, après adoption, seront rendus publics à travers la presse nationale dans les jours qui viennent, accompagnés des noms des signataires, qui tiennent actuellement à garder l’anonymat avant l’aboutissement du projet.

Dans son premier jet, ou ce qui a été appelé «brouillon de l’appel», les initiateurs appellent «tous les Algériens et Algériennes à bouger pour défendre leurs familles et à se mettre face aux tentatives d’abrogation du code de la famille et son remplacement par des mesures importées ou imputées à des courants islamiques, sorties de leurs contextes», peut-on lire dans le document susmentionné.

Dans le texte, les initiateurs appellent à l’adoption de trois slogans «oui à l’évolution et à l’amendement, non à l’abrogation « «oui pour tirer profit de la pluralité et la richesse de la jurisprudence (fiqh) et la diversité des courants, non à la sélectivité et aux allégations».

Les rédacteurs appellent également «à l’organisation d’un référendum populaire sur un sujet qui touche tous les Algériens, refusant les décisions émanant des hautes sphères». Ce qui motive la création de cette entité, dont la dénomination n’est pas encore définitive, est le débat biaisé autour du code de la famille, indique le document.

«Nous, nous parlons du code de la famille en Algérie dont la Constitution stipule que l’islam est religion d’Etat. Et eux nous parlent du code de la femme dont l’intérêt, selon eux, n’est que dans l’annulation des dispositions du fiqh, qu’ils présentent aux gens comme étant à l’origine de tous les malheurs.

Les rédacteurs du projet de la plate-forme considèrent que le code de la famille algérienne concerne tous les Algériens et à cet effet il est impératif d’exposer tout amendement ou changement à un débat public. Les membres de cette nouvelle «instance nationale « estiment que l’amendement auquel il s’adhèrent dépasse les prérogatives et les compétences de cette commission et même celles du ministère de la Justice, et pour cela il faut impliquer les experts.

L’une de ses premières démarches est la collecte d’un million et demi de signatures qui seront adressées au président de la République.

N. B.

Un black-out total et incompréhensible

par Mustapha A.
En vigueur depuis 1984, le code de la famille n’a fait l’objet, jusqu’à preuve du contraire, que de vives et passionnelles réactions en lieu et place d’un véritable débat, sérieux et positif, à même de contribuer à son enrichissement effectif.

Après tant d’années de tergiversation et de fuite de responsabilité, le président Bouteflika a inscrit le texte, jugé obsolète par certains, dans le cadre des grandes réformes entreprises par l’Etat dans le but d’en lever, «dans la sérénité, loin des surenchères et des fonds de commerce politiciens», toute imperfection et lacune.

Cependant, depuis l’annonce médiatique des nouvelles dispositions (quatre amendements), pour «rééquilibrer les droits et devoirs des deux conjoints», un black-out total et incompréhensible entoure la nouvelle mouture. Hormis l’annonce de la remise au ministre de la Justice du rapport préliminaire de la commission de révision du code, personne ne connaît les contours exacts de ces quatre amendements aux articles jugés «prioritaires».

Il est admis qu’il faut réunir, pour ce texte qui concerne toute la société algérienne, le maximum de consensus afin d’éviter, dans le contexte algérien, tout éloignement des fondements de la religion musulmane qui, en principe, s’adapte à l’évolution de l’homme et de son environnement immédiat.

Mais il est déplorable que les amendements soient frappés par «le sceau de la confidentialité», ce qui suscite, auprès de la population, un climat de suspicion et de doute. Aucun débat public n’est venu éclairer les Algériens sur ces amendements pour qu’ils expriment leurs points de vue sur cette question qui les concerne en premier lieu.

Les réactions relevées ici et là ne sont en fait que des expressions formelles et principiales. Certains imams ont réagi, de manière sporadique, aux rapports de presse sans pour autant connaître les propositions. Pourquoi ce silence et ce black-out ? De quoi a-t-on peur ? Un débat sérieux sur le devenir de la famille algérienne mérite d’être lancé surtout en cette période de sécheresse politique.

Accepter l’avis contraire et contradictoire est un acte civilisationnel, même s’il s’agit de textes controversés, notamment ceux concernant la société et son organisation. A moins que, pour ce texte précis, chaque Algérien adopte «son propre» code de la famille…

M. A.