Loi relative à la lutte contre le blanchiment d’argent

LOI RELATIVE A LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT D’ARGENT ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME

Un texte qui reste inapplicable

Le Soir d’Algérie, 25 janvier 2006

Une année après son adoption par le Parlement, la loi relative à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme reste inapplicable. La cause ? Le texte d’application réglementant la déclaration de soupçon, élément indispensable dans la lutte contre le blanchiment d’argent, qui a fait l’objet d’un décret exécutif n’a toujours pas été publié au Journal officiel.
Tarek Hafid – Alger (Le Soir) – Il est de notoriété publique que le système bancaire algérien est une véritable blanchisserie de fonds. Une situation qui a largement profité — et qui profite toujours — aux trafiquants en tous genres et aux réseaux terroristes. L’Algérie est en effet l’un des rares pays au monde où on peut déposer de fortes sommes d’argent dans des banques sans être inquiété. Les pouvoirs publics ont finalement décidé de mettre un terme à cette situation. Dans le cadre des réformes engagées dans le système judiciaire et le système financier, le gouvernement a élaboré une loi relative à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Ce texte vient en application de la Convention de 2000 des Nations unies contre le crime transnational organisé, dite Convention de Palerme, ratifiée par l’Algérie le 9 novembre 2003. Les pouvoirs publics se dotent donc d’un arsenal juridique efficace pour lutter contre le blanchiment d’argent. Les dispositions de cette nouvelle loi sont considérées comme révolutionnaires par les spécialistes de cette lutte. Tout paiement excédant un seuil réglementaire doit être effectué par voie bancaire. Cette mesure entrera en vigueur le 1er septembre prochain, le gouvernement ayant fixé le seuil légal à 50 000 dinars. Une cellule de renseignement financier est également créée. Cet organe spécialisé est chargé de collecter et de traiter les informations afin de lutter contre le blanchiment d’argent. “L’organe spécialisé est chargé d’analyser et de traiter les informations que lui communiquent les autorités habilitées et les déclarations de soupçon auxquelles sont assujettis les personnes et organismes mentionnés à l’article 19 ci-dessous. Les informations communiquées à l’organe spécialisé sont confidentielles, elles ne peuvent être utilisées à d’autres fins que celles prévues par la présente loi”, peuton lire dans l’article 16 de cette loi. L’article 19 définit les institutions et les professions qui doivent se soumettre à l’obligation de déclaration de soupçon : “Les banques et établissements financiers, les services financiers d’Algérie Poste, les autres institutions financières apparentées, les compagnies d’assurances, les bureaux de change, les mutuelles, les paris et jeux et les casinos. Toute personne physique ou morale qui, dans le cadre de sa profession, conseille et/ou réalise des opérations entraînant des dépôts, des échanges, des placements, conversions ou tout autre mouvement de capitaux, notamment les professions libérales réglementées, et plus particulièrement les avocats, les notaires, les commissaires- priseurs, les experts-comptables, les commissaires aux comptes, les courtiers, les commissionnaires en douane, les agents de change, les intermédiaires en opérations de Bourse, les agents immobiliers, les entreprises d’affacturage ainsi que les marchands de pierres et métaux précieux, d’objets d’antiquité et d’œuvres d’art”. Concrètement, la cellule de renseignement financier ne peut entrer en action que sur la base d’une déclaration de soupçon. Mais voilà, une année après l’adoption de la loi relative à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, le texte censé régir cette disposition n’a toujours pas été promulgué officiellement par le gouvernement. Pourtant, cette question était inscrite à l’ordre du jour du Conseil de gouvernement du 21 septembre 2005. “Le Conseil de gouvernement a examiné et adopté un décret exécutif fixant la forme, le modèle, le contenu ainsi que l’accusé de réception de la déclaration de soupçon, présenté par le ministre des Finances. Pris en application des dispositions de la loi de février 2005 relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent, le décret exécutif vise à préciser les modalités d’établissement de la déclaration de soupçon à laquelle sont tenues toutes personnes physiques ou morales qui seraient amenées à douter de la légalité de l’origine ou de la destination de fonds manipulés. La déclaration de soupçon est, ainsi, rendue obligatoire, y compris dans le cas où il a été impossible de surseoir à l’exécution des opérations concernées ou postérieurement à leur réalisation. Le texte comporte, en annexe, un modèle de déclaration de soupçon qui constitue le document officiel et unique par lequel les établissements bancaires ou financiers et l’ensemble des assujettis à cette procédure signalent à l’organe spécialisé, en l’occurrence la cellule du traitement du renseignement financier, les informations relatives à toute opération douteuse”, indique le communiqué officiel sanctionnant la tenue de ce conseil. Mais depuis, ce décret exécutif n’a toujours pas été publié au Journal officiel en vue de son application. Pour quelle raison? La question reste posée. Interrogé à ce sujet, hier, en marge des travaux du Conseil de la nation, le ministre de la Justice, garde des Seaux, a été très évasif. “La loi relative à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme est entrée en application. Reste quelques dispositions qui feront l’objet de textes d’application”, s’est-il contenté de préciser. Pour sa part, le ministre des Finances, dont le département est concerné en premier lieu par cette nouvelle loi, a évité de répondre à cette question.
T. H.