Violences contre les femmes: 12 000 cas enregistrés depuis janvier

VIOLENCE CONTRE LES FEMMES

12 000 cas enregistrés depuis janvier

Par : Ameyar Hafida, Liberté, 27 novembre 2011

La Journée internationale pour l’élimination de toutes les violences à l’égard des femmes a été célébrée, hier, en Algérie, par le réseau Balsam, réseau national des centres d’écoute des femmes victimes de violences, créé en 2008.

À l’issue du séminaire sur la violence du genre, qui s’est tenu à la Maison Diocésaine, au Val d’Hydra (Alger), les organisatrices ont annoncé “la création d’un observatoire national des discriminations faites aux femmes”. Quarante-huit heures après le lancement de la campagne de lutte contre les violences faites aux femmes, par le ministère délégué chargé de la Famille et de la Condition féminine, des écoutantes du réseau Balsam ont lâché des ballons, en début d’après-midi, en présence notamment de représentants de l’ONU, de la Commission européenne en Algérie et de l’Agence de coopération espagnole, donnant le coup ainsi le coup d’envoi de la campagne : “Violences contre les femmes : j’en parle avant de ne plus pouvoir le faire”, cette fois par les associations féminines et les 16 centres d’écoute. Dans son intervention, Nadia Aït Zaï, directrice du Centre d’information et de documentation sur les droits de l’enfant et de la femme (Ciddef), qui est un des membres phares du réseau Balsam, a affirmé que son association ainsi que le réseau Balsam s’inscrivent “dans une campagne mondiale” de lutte contre les violences faites aux femmes pour sensibiliser les pouvoirs publics et la société. Elle a, également, énoncé les objectifs de l’Observatoire des discriminations faites aux femmes (ONDF), précisant que les violences à l’égard des femmes constituent seulement un des aspects des discriminations. Outre la réduction des inégalités entre les hommes et les femmes “dans tous les domaines de la vie”, l’ONDF a pour mission d’améliorer la recherche et les statistiques concernant les droits de la femme et sa présence “dans la sphère publique et privée”, et de permettre “une meilleure connaissance” des femmes rurales et urbaines et des droits que leur confère la législation nationale et internationale. L’observatoire a également pour rôle de former des formateurs spécialisés dans l’égalité hommes-femmes et la lutte contre la violence du genre, dans le but de faire connaître leurs droits aux victimes des violences.
En marge de la rencontre, Mme Aït Zaï s’est exprimée sur les différentes formes de violences dont sont victimes des Algériennes : coups, abus sexuels, etc. S’appuyant sur les derniers chiffres livrés par la DGSN et la Gendarmerie nationale, qui font état de plus de 7 000 plaintes déposées par des femmes auprès de la police, durant les 9 premiers mois de l’année 2011, et de quelque 5 047 plaintes déposées auprès des gendarmes, pour la même période, l’avocate a déclaré : “Au total, nous avons au moins 12 000 plaintes enregistrées auprès de ces deux corps de sécurité et envoyées à la justice.”
Elle a, également, plaidé pour le renforcement de la loi dans le code pénal pour “une meilleure protection” des femmes violentées. Mme Aït Zaï a aussi parlé d’une autre forme de violence, à savoir “la violence juridique” en rappelant que celle-ci est contenue dans le code de la famille. “Aujourd’hui, il faut que ce code soit amélioré, voire modifié complètement”, a-t-elle ajouté.
Hafida Ameyar


Violence faite aux femmes

Quelle parade contre ce phénomène ?

Par : Nadia Mellal

La ministre déléguée chargée de la Famille et de la Condition féminine, Mme Nouara Saadia Djaâfar, a appelé jeudi à conjuguer les efforts des secteurs concernés et des associations féminines pour endiguer la violence contre les femmes.

Nouara Djaâfar, qui a présidé le lancement de la troisième campagne de lutte contre la violence à l’égard des femmes à l’hôtel Mouflon d’or, organisée à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, a évoqué le rôle de l’éducation nationale dans la sensibilisation à la gravité de ce phénomène.
Cette sensibilisation devra être intégrée dans des “cours” sur la violence à l’égard des femmes et l’incitation à la protection de la stabilité psychologique et morale de toute personne, a expliqué la ministre. La ministre, qui a évoqué la stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes et la mise en place d’un plan national d’information dans ce domaine par son ministère, a expliqué l’importance de cette campagne qui s’étalera sur 15 jours.
La ministre a expliqué auparavant que l’égalité entre les sexes et la protection de la femme de toute forme de discrimination est un principe consacré dans la Constitution et le programme du gouvernement depuis 2007. “Cette action a vu la participation de plusieurs secteurs visant l’élaboration d’une politique de prévention et de prise en charge des victimes”, a-t-elle précisé. Dans ce cadre, le département de Nouara Djaâfar a élaboré une stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes en vue de développer les droits de la personne par l’élimination de toutes formes de violence. Cette action s’inscrit dans le cadre du programme quinquennal 2007-2011 et vise au renforcement des capacités techniques et institutionnelles des différents partenaires. Le but étant, selon la même responsable, d’assurer
la prévention et la prise en
charge adéquate des victimes de violences. Pour sa part,
Mme Bouraghda, cadre dans le secteur de la famille et la condition féminine, a présenté les objectifs de la stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes. La représentante du ministère de la Solidarité nationale a rappelé, de son côté, le rôle de son secteur dans la prise en charge des femmes victimes de violence au niveau des centres spécialisés de Bou-Ismaïl (100 lits) et Mostaganem (40 lits).
“Les deux centres visent la réinsertion des femmes et des filles violentées dans la vie socioéconomique et professionnelle”, a-t-elle indiqué, soulignant l’existence de deux autres centres en cours de réalisation à Tlemcen et Annaba. Le secteur a accueilli durant le 1er semestre de l’année en cours, 4 967 femmes violentées au niveau national dont la plupart ont été victimes de violence infligée par leurs conjoints ou un de leurs proches.
NADIA MELLAL


Violences contre les femmes en Algérie

“L’article 240 du code pénal est insuffisant”

Par : Ameyar Hafida, Liberté, 26 novembre 2011

À deux jours de la Journée internationale pour l’élimination de toutes les violences à l’égard des femmes, la rédaction de la radio Chaîne III a reçu hier matin Dalila Iamarène-Djerbal, sociologue et membre du réseau Wassila, un réseau de réflexion et d’action en faveur des femmes et des enfants victimes de violence. Dans son intervention, cette dernière s’est longuement exprimée sur l’expérience du réseau en matière de violence conjugale, d’ailleurs qui a été rapportée dans un livre intitulé : Livre noir de la violence conjugale. Halte à l’impunité ! et présenté l’année passée. En sa qualité de coordinatrice de la rédaction et de la publication, Mme Djerbal avait alors écrit : “Ce livre est dédié à la mémoire de Hamida et de chacune des femmes que les violences conjugales ont fini par tuer, en souvenir de toutes les victimes de crimes impunis dont la tragédie secrète a été ensevelie dans l’anonymat et l’indifférence avec la complicité de tous.”
Hier, l’invitée de la Radio nationale a tenu à préciser que Hamida, la sœur d’une de ses amies, est morte à la suite des violences conjugales et en raison de la non-prise en charge de la santé. “La violence tue, rend malade, stresse et mène à la dépression et au suicide. Le cancer est parfois la conséquence de la violence”, a-t-elle déclaré, en notant plus loin que “les chiffres officiels ne reflètent pas la réalité”. “Nous ne savons pas combien de femmes meurent chaque année en raison de ces violences. Il n’y a pas de chiffres concentrés au niveau d’une institution. Il n’y pas que la violence physique. Il y a le harcèlement, la violence sexuelle, la pression économique…”, a-t-elle soutenu, plaidant pour des “informations fiables dans les institutions”. L’intervenante a, en outre, insisté sur l’implication des professionnels de la santé (médecins, infirmières…) dans “le signalement des cas graves”, car “souvent, la personne est blessée, mal en point, a peur des représailles, d’être séparée de ses enfants”. Mme Djerbal a également fait savoir que “les femmes enceintes sont plus sujettes à la violence” provenant de leur mari. Selon elle, la femme agressée est souvent dissuadée par les membres de sa famille, de la police, voire même de certains magistrats, de déposer une plainte contre son mari. Une situation qu’elle a fini par qualifier de “très grave”. Par ailleurs, la sociologue a observé que l’Algérie “n’est ni meilleure ni pire” que les autres pays en la matière. Pourtant, elle a estimé que l’article 240 du code pénal reste insuffisant parce qu’il ne permet pas à la victime de déposer une plainte contre les agresseurs. “Nous avons besoin d’une loi-cadre”, a suggéré l’invitée de la Chaîne III, appelant à “l’application de la loi” et des mesures d’accompagnement, et en invitant “les institutions à rendre des comptes”.
Décortiquant la société algérienne, Mme Djerbal a reconnu que celle-ci “est très conservatrice”, tournant même le dos à certains fléaux. “Il faut que la société affronte ses tabous (y compris ceux des filles mères et des enfants nés hors mariage, ndlr) et reconnaisse qu’elle a des tares”, a-t-elle souligné, non sans pointer le doigt vers les institutions qui, d’après elle, “peuvent attirer l’attention sur les drames”.
Hafida Ameyar