Ports algériens : Djendjen en attente, Alger en casse-tête, Oran en essor

Ports algériens : Djendjen en attente, Alger en casse-tête, Oran en essor

par Nejma Rondeleux, Le Quotidien d’Oran, 19 novembre 2013

Le nouveau terminal à conteneurs du port de Djendjen a été inauguré fin octobre mais les travaux de rénovation prévus piétinent. Alger reste un casse-tête. Oran est en essor. Globalement, les choix stratégiques portuaires du pays restent peu lisibles.

Le trafic maritime en Méditerranée ne cesse d’augmenter depuis quinze ans avec 50 % de capacité de transports supplémentaire entre 1997 et 2006, mais l’Algérie reste à l’écart des opportunités offertes aux ports méditerranéens en raison d’hésitations stratégiques. A la différence des égyptiens et marocains qui se sont rapidement dotés de hubs de transbordement, l’Algérie attend toujours le sien, porté par le projet d’agrandissement du Port de Djendjen, qui fera décoller le trafic portuaire du pays. Port Saïd en Egypte et Tanger Med au Maroc font ainsi partie des six premiers plus grands ports à conteneurs de la Méditerranée ; aucun port algérien ne figure dans le classement 2010 des 20 plus grands ports à conteneurs de la Méditerranée en millions d’EVP.

« Mieux vaut améliorer l’efficacité des différents ports méditerranéens plutôt que de créer des nouveaux hubs », préconise Xavier Moiroux dont l’« Atlas des villes portuaires du sud et de l’est de la Méditerranée » réalisé pour le compte de l’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise (AGAM) dresse un diagnostic éclairant accompagné de nombreuses préconisations. Il existe ainsi un risque de sous-exploitation dû à la multiplication des grands projets de ports de transbordement, en Méditerranée, au-delà des besoins, indique l’étude effectuée dans six pays du pourtour méditerranéen : l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, l’Egypte, la Turquie et le Liban. « Pour éviter la concentration sur les ports les plus performants, il faut accélérer les réformes portuaires », souligne l’étude.

Or, à ce niveau-là, l’Algérie navigue à vue. La multiplication des entreprises portuaires – actuellement au nombre de dix malgré la publication de décrets exécutifs portant organisation et création de trois autorités portuaires (est-ouest-centre) – ralentit les prises de décisions et, par conséquent, les projets de modernisation. La rénovation du port de Djendjen, confiée en 2009 au manutentionnaire émirati Dubaï Ports World (DPW) avec l’objectif d’un trafic de 2 millions d’EVP pour un coût annoncé en 2008 de 1,4 milliards d’euros, s’éternise. Faute d’investissements de l’Etat dans des infrastructures lourdes telles que la construction d’une digue de protection, l’extension des quais et des aires de stockage, la connexion à l’autoroute, etc., précise l’« Atlas des villes portuaires du sud et de l’est de la Méditerranée » rendu public en juin dernier mais réactualisé depuis avec une nouvelle version sortie en octobre.

LE CASSE-TETE DU PORT D’ALGER

Bien que tous les discours parlent de délocaliser le port d’Alger à l’extérieur de la ville, celui-ci n’est encore qu’à l’état d’étude. « Le plan stratégique d’aménagement « Alger 2030 » prévoit la délocalisation du port d’Alger pour 2016 mais aucune étude de port en eau profonde n’est vraiment avancée », pointe Xavier Moiroux qui connaît bien le pays pour y avoir effectué plusieurs visites de terrain. Et les tergiversations sur la localisation du port n’aident pas à accélérer le chantier. « Ce projet qui a émergé en 2007-2008, baptisé « Cap 2015 », était prévu au départ à 50 km à l’est d’Alger, à Cap Djinet, par deux investisseurs privés, Cevital et CMA-CGM, qui proposaient un port clé en main, rappelle Xavier Moiroux, mais l’Etat n’a pas agréé le projet ». Résultat : ce dernier a lancé une nouvelle étude en mars 2012 avec un bureau d’études coréen pour l’identification d’un autre site, à l’ouest cette fois-ci, entre Alger et Ténès.

A défaut d’une véritable alternative aux difficultés du port d’Alger – bien identifiées dans l’étude à savoir « l’obsolescence des infrastructures, des temps de chargement, déchargement, d’attente en rade et de séjour à quai excessivement élevés par rapport à Casablanca ou Tunis, un port saturé et des coûts de passage portuaire très élevés » -, les ports secs se multiplient aux alentours de la capitale. « L’Algérie a développé une stratégie de ports secs destinée à décongestionner les ports algériens », souligne l’économiste originaire de Marseille. Les principales compagnies maritimes mondiales possèdent désormais leurs ports secs dans la banlieue d’Alger comme la compagnie maritime française CMA CGM qui a créé en 2005 un port sec à Rouïba situé à 22 km à l’est de la capitale. « En 2012, 70 % des conteneurs sous-douanes se trouvaient dans les ports secs », précise le rédacteur de l’atlas. « Nos clients nous demandent presque exclusivement d’orienter leurs marchandises vers les ports secs car c’est dans ces ports secs qu’ils arrivent à être le plus performant en ce moment en termes de dédouanement et prestations locales » confirme Céline Roussel, commerciale au sein de l’entreprise transitaire Globetransit installée à Marseille.

L’ESSOR DU PORT D’ORAN

Pendant qu’Alger se « noie » dans son histoire de port en eau profonde, Oran, elle, profite de l’attractivité de son site pour développer le troisième port à conteneurs du pays. Son attractivité tient à l’important foyer de populations concentrées sur Oran- Arzew et les petites plaines littorales et le pôle économique structurant composé du complexe industrialo-portuaire d’Arzew-Bethioua. Grâce à l’acquisition en 2013 de nouveaux matériels pour le chargement des conteneurs, le port a déjà augmenté sa productivité passant de 10 conteneurs par heure à 30 conteneurs par heure. La modernisation du port s’accompagne aussi d’un agrandissement des quais. L’objectif de ces travaux de rénovation étant de passer de 200.000 EVP par an actuellement à 1,5 millions, prochainement. Si l’Algérie connaît donc quelques avancées en matière de développement de ses infrastructures portuaires, le pays, riche de ses 1.200 km de côtes, souffre de l’absence d’un projet portuaire d’envergure réel. Or, le temps presse. L’influence de Tanger Med se fait de plus en plus sentir et l’Egypte et la Turquie captent de plus en plus de trafics de la Méditerranée grâce à la mise en place d’une stratégie de développement portuaire rapide et efficace.