Tonic emballage: Le tribunal de Blida prononce la mise en faillite

Tonic emballage

Le tribunal de Blida prononce la mise en faillite

El Watan, 24 juin 2009

L’affaire Tonic Emballage arrive enfin à son dénouement après plusieurs années d’instruction, avec la décision de mise en faillite pour cessation de paiement prononcée le 14 juin par le tribunal de commerce de Blida, sur l’assignation d’un de ses créanciers, la Banque de l’agriculture et du développement rural (BADR).

C’est un juge-commissaire secondé par deux contrôleurs qui se chargeront, en application des articles 235 et 240 du code de commerce, de la poursuite de l’activité du complexe papier et emballage de Bou Ismaïl, en remplacement du séquestre judiciaire, dont la gestion très controversée dure depuis mars 2005. La mise en faillite, ainsi prononcée, ouvre la voie à une nationalisation pure et simple du complexe devenant la propriété exclusive de la BADR qui est, il est bon de le rappeler, une banque à capitaux exclusivement publics. Mais comme une récente disposition de la loi sur la monnaie et le crédit, promulguée dans le sillage de l’affaire Khalifa, interdit aux banques algériennes de détenir du capital dans une de leurs entreprises domiciliataires, tout porte à croire que le gouvernement procédera prochainement à une nouvelle répartition du capital de Tonic Emballage avec, probablement, l’éviction de la BADR et l’entrée de nouveaux actionnaires qui pourraient être des banques ou autres partenaires qu’ils soient de statut public ou privé.

C’est, selon toute vraisemblance, vers une privatisation sous forme d’ouverture de capital à d’autres acteurs économiques que l’on s’achemine. Une action qui ne manquera évidemment pas de susciter les convoitises de nombreux opérateurs économiques et hommes d’affaires, aussi bien nationaux qu’étrangers, tant le complexe dispose d’atouts managériaux majeurs. Il peut en effet à lui seul assurer l’autosuffisance du pays en papier et en emballage de qualité, voire même dégager d’importants excédents à l’exportation. Il a été conçu et réalisé selon les normes internationales en vigueur, ce qui est de nature à faciliter le placement de ses produits sur les marchés étrangers.

En phase d’exploitation optimale, il pourrait atteindre jusqu’à 15 milliards de dinars de chiffre d’affaires par an. A noter que les créances de la BADR sur Tonic Emballage, objet de la saisine du tribunal commercial de Blida, sont constituées d’environ 20 milliards de dinars, au titre des intérêts échus et de près de 60 milliards de dinars au titre du principal. Des dettes garanties à 120% par les actifs de Tonic Emballage, selon les rapports des audits externes (KPMG, INPED), dont le tribunal de Blida n’a apparemment pas tenu compte en prenant option pour la faillite.

Par Nordine Grim


 

Une créance de 60 milliards de dinars auprès de la BADR

Abdelghani Djerrar, PDG de Tonic Emballage qui a créé la société en 1985, dotée d’un capital de 760 millions de dinars, était loin de se douter que quelques années plus tard, les choses allaient mal tourner.

L’entreprise se retrouve avec une créance de la Badr, estimée à plus de 60 milliards de dinars (près de 850 millions de dollars). Cette énorme créance a initialement fonctionné comme un amortisseur à une liquidation rapide mais la société reste en sursis. Une incarcération du PDG de Tonic Emballage, est intervenue après le dépôt d’une requête par les avocats de la Badr, auprès du juge d’instruction près le tribunal d’Alger. La requête porte sur « les anomalies » relevées dans la gestion de la Sarl Tonic et qui, à en croire la banque, « compromettent » le remboursement des créances. Ce constat était prévisible, affirment certaines sources, dans la mesure où l’échéance accordée par la banque à la société venait d’expirer le 30 avril 2007. Le Forum des chefs d’entreprise (FCE), auquel a adhéré ce patron a accueilli à l’époque avec consternation cette nouvelle. L’argument ne tient pas la route, ne serait-ce qu’au regard de l’importance des actifs du groupe (un énorme complexe industriel et 41 ha de terrain à Bou Ismaïl, d’importants équipements de transport et de manutention, une usine de dessalement d’eau de mer, une usine d’électricité ainsi que des filiales toutes solidaires pour rembourser la dette du groupe auquel elles appartiennent.

Tonic Emballage s’étend sur les 25 ha de la zone industrielle de Bou Ismaïl (Alger). Il couvrait plus de 60% des besoins du pays en papier, récupération de 500 tonnes/jour de papier, création de dizaines de milliers d’emplois indirects en plus des 4000 sur site. En 1998, Tonic a opté pour la multiplication des investissements orientée essentiellement vers la production du carton ondulé. Les années 2000 seront particulièrement déterminantes pour le devenir de l’entreprise qui prend désormais un envol qui semblait irréversible. Tonic s’équipe en outils de production de la dernière génération. Le complexe compte sur un vaste réseau de récupération réparti sur l’ensemble du territoire national visant un objectif de 220 000 tonnes de déchets récupérés par an. Ce qui représente un taux de 38%, qui va s’ajouter au taux national actuel de 10 %. En fait, le groupe Tonic Emballage voulait aider, par le biais de l’Ansej et de la Cnac, à la création de coopératives de jeunes spécialisées dans la récupération de déchets. La consommation nationale en papier et carton est de 600 000 tonnes par an pour une production locale, tous produits confondus, ne dépassant pas 50 000 tonnes par an. Chaque année, l’Algérie importe pour 400 millions de dollars de papier et dérivés. Par habitant, la consommation de papier en Algérie est de 15 kg annuellement contre 350 kg aux États-Unis d’Amérique.

Par Kamel Benelkadi