L’expansion démographique a masqué les progrès de l’agriculture, et ravivé les craintes d’une sous alimentation

L’expansion démographique a masqué les progrès de l’agriculture, et ravivé les craintes d’une sous alimentation

Boualem Alami, Maghreb Emergent, 19 juillet 2016

En dépit d’une amélioration importante de l’offre depuis une dizaine d’années avec les différents plans agricoles mis en place à partir des années 2000, complétés par des programmes d’importations de plusieurs milliards de dollars, la demande en nourriture en Algérie ne peut être satisfaite. En cause, une démographie galopante.

Constat terrible, Malthusien, que fait Omar Bessaoud dans son ‘’Etude sur la sécurité alimentaire en Algérie’’, présentée ce mardi à Alger au cours d’une conférence du FCE. Pour ce chercheur, il s’agit bel et bien d’un profond déséquilibre entre l’offre et la demande de nourriture, et quels que soient les programmes et les politiques publiques mis en place pour combler le déficit, l’offre ne peut combler l’écart d’une trop forte demande de biens alimentaires. ‘’L’agriculture a bel et bien progressé, mais c’est l’expansion démographique sur une courte période historique qui a masqué ces progrès’’, estime Bessaoud. ‘’La population algérienne qui s’est multiplié environ par 4 fois en un demi-siècle seulement, s’est aussi, fortement, urbanisée’’, souligne t-il, avant de relever que les besoins en nourriture vont donc s’accroître plus en milieu urbain qu’en milieu rural, où la demande est en recul avec une fort mouvement migratoire entre 1995-2005. Avec une hausse démographique de 20% entre 2000 et 2010, ‘’le taux d’urbanisation qui était de 58,3% en 2000 est passé à 66,3% en 2011’’, relève Bessaoud, citant l’ONS. Pour lui, ‘’ce changement social va considérablement influencer les comportements alimentaires.’’ Et, fatalement, le rapport rural-urbain s’est inversé, passant du tiers de la population algérienne à deux tiers de la population. Or, estime, t-il, la demande de consommation de produits alimentaires des ménages a augmenté durant cette période de 2,7% à la fin des années 2000, une demande ‘’plus forte dans les milieux urbains (multiplication des dépenses alimentaires de 3 fois) que dans les milieux ruraux (multiplication de 2,5 fois).’’ L’accroissement démographique, en particulier dans les villes, a fait que ‘’près de 42% des dépenses des ménages algériens ont été consacrés aux besoins alimentaires (contre plus de 44,6% en 2000)’’. Le rapport rural-urbain fait que les populations rurales consomment plus de produits alimentaires (46%) que dans les milieux urbains (40,1%). Mieux, cette tendance à la recherche de l’alimentation est encore plus prononcée entre couches sociales, explique l’étude de Bessaoud, selon laquelle environ 53,7% du budget des populations défavorisées vont aux dépenses alimentaires, alors qu’elles atteignent à peine le tiers (32,3%) pour la population la plus riche. En outre, ‘’la population la moins aisée a vu sa part des dépenses alimentaires être multipliée par plus de 3 fois entre 2000 et 2011 : celles-ci est passée en effet de 412,6 milliards de DA à 1 288,3 milliards de DA.’’

Que faire face à une hausse de la démographie ?

Omar Bessaoud explique ainsi que si l’offre de nourriture est en constante évolution depuis 2000, elle reste quand même déficitaire par rapport à une demande dont la courbe de croissance démographique est plus rapide. D’où, souligne t-il, le recours des pouvoirs publics aux programmes d’importation de produits alimentaires. En 2015, l’Algérie a alloué une ‘’ allocation devises-alimentation’’ par habitant de 308 dollars US, supérieure à la dépense alimentaire en devises/habitant/an affecté au Maroc (189 dollars), en Tunisie (270 dollars), en Egypte (190 dollars), Venezuela (286 dollars), mais bien en dessous aux pays arabes comme l’Arabie Saoudite (806 dollars), le Kuwait (1378 dollars) ou les Emirats Arabes Unis (2000 dollars). ‘’L’allocation devises-alimentation qui représentait 26,5% de la dépense alimentaire annuelle moyenne par habitant en 2000, occupait en 2011 plus du tiers (33,6%) de cette même dépense’’, détaille Bessaoud. Pour lui, les pouvoirs publics ont dés les premiers moments de l’Indépendance nationale inscrit la question de l’accès à l’alimentation pour tous parmi les priorités nationales. ET affirme qu’’’en Algérie (…) les questions agricoles et alimentaires sont traitées comme une fonction régalienne de l’État : c’est une affaire d’Etat car la résolution de ces questions est cruciale pour assurer sa pérennité et est décisive pour la stabilité sociale et politique du pays’’. Dés lors, ‘’l’objectif de sécurité alimentaire se retrouve dans tous les documents stratégiques fondateurs des politiques agricoles adoptées par le pays’’, affirme t-il. Après les différentes réformes agricoles des années 1960, 1970 et 1980, l’Etat a mis en place en 2000 une autre stratégie de développement agricole, avec comme toile de fond des programmes de relance soutenu par d’importants financements. Entre 2010 et 2014, les pouvoirs publics ont dépensé plus de 1,7 milliard de dollars en moyenne annuelle pour le soutien des ‘’investissements programmés dans le cadre de la politique agricole. La même dépense est également consentie pour subventionner les produits de large consommation, comme les céréales, le lait, le sucre, la tomate industrielle ou l’huile végétale. Et pourtant, les résultats de ces différents plans agricoles de relance sont bons, même s’ils sont insuffisants pour répondre à une demande alimentaire en hausse constante, puisque les cultures en irrigué sont passées de 512.740 Ha en 2001 (6,2% de la SAU) à 987.005 Ha en 2011 (11,7% de la SAU). La production, céréalière est passée de 3 millions de Tonnes sur la période 2005-2008 à plus de 5 MT entre 2009-2015, la production laitière passe de 1 milliard de litres à près de 4 milliards de litres en 2015, la pomme de terre de 2 millions de tonnes à 4 millions de tonnes et les viandes rouges de 300 000 à 400 000 tonnes. Ce sont là des résultats probants, qui font que l’agriculture algérienne a réussi une profonde mutation, orientée vers une production toujours plus importante, diversifiée. Mais, estime l’étude M. Bessaoud, ‘’insuffisants pour contenir une trop forte demande sur les aliments, d’où le recours à l’importation.’’ Dés lors, les pouvoirs publics doivent se préparer au choc démographique et la baisse tendance de l’offre de produits alimentaires, lorsque la population algérienne atteindra 50 millions de personnes à l’horizon 2030.