Réagissant à la menace de Grève du Cnapest

RÉAGISSANT À LA MENACE DE GRÈVE DU CNAPEST

Benbouzid hausse le ton

L’Expression, 28 février 2005

Le ministère accuse ouvertement ce syndicat de défendre des intérêts contraires à ceux des enseignants qu’il est censé représenter.

Le ministère de l’Education nationale vient de déployer la grosse artillerie dans le but de prévenir la grève que compte initier «une organisation dénommée Cnapest», pour reprendre les propres termes du communiqué musclé transmis hier à notre rédaction. Le débrayage, prévu le 1er mars prochain, a donc toutes les chances d’être annulé. Le fait que le ministère aille dans le sens du durcissement de ton, nous indiquent des sources gouvernementales, n’est pas étranger au fait que «la grève, censée être l’exception et le recours ultime, est devenue la règle, mais aussi un expédient facilement entrepris même dans le cas où le dialogue n’est pas rompu». Ajouter à cela la sortie du président de la République faite la semaine passée à partir de la Maison du Peuple, durant laquelle il avait clairement signifié ne reconnaître qu’un seul syndicat, l’Ugta en l’occurrence. La Centrale, qui ne rechigne pas à recourir aux débrayages en cas de besoin, reste malgré tout un «partenaire fiable» avec lequel «le dialogue demeure toujours permis» et qui est «en train d’accompagner sereinement et efficacement les réformes en cours dans le but d’éviter le maximum de casse en direction du monde du travail et de la situation sociale globale du pays». Depuis que la grève dans les lycées avait failli conduire, en 2004, à une année blanche, les pouvoirs publics ont changé de méthode, non sans se référer à la loi 90-14, laquelle établit des règles très précises concernant le recours à la grève. Des règles qui, il faut le dire, ne sont que peu ou prou respectées par les syndicats autonomes, à commencer par les assemblées générales et la rupture du dialogue, dûment constatée par l’inspection du travail territorialement compétente. Toujours est-il que le ministère de l’Education nationale, tenu par des obligations de résultats depuis que les réformes ont été bien mises sur orbite, brandit l’épée de la loi afin d’éviter que le pourrissement n’advienne de nouveau. Dans son communiqué, en effet, il est clairement stipulé que «la journée de protestation est considérée comme un arrêt de travail», et non pas de grève. Cela sous-entend que cette journée, dans le cas où l’arrêt de travail venait à être observé, «ferait l’objet d’une retenue automatique sur salaire, nonobstant la mise en oeuvre des procédures prévues par les textes réglementaires en matière de suspension de la relation de travail». La menace de licenciement, ici, est à peine déguisée. L’année passée, il avait fallu recourir à la même menace, laquelle avait même touché quelques meneurs, avant que le bras de fer ne prenne fin, au grand soulagement des élèves et de leurs parents. Le ministère, dans ses mises en garde, ajoute que «le boycottage des conseils de classe, la rétention des notes d’examens et d’autres manquements à des obligations faisant partie intégrante de l’acte pédagogique des enseignants, conduiraient leurs auteurs, non seulement à des retenues sur salaire, mais engendreraient également la mise en oeuvre des dispositions prévues par les textes réglementaires en matière de rupture de la relation de travail». Visiblement excédé par ces grèves perlées qui remettent en cause les réformes et induisent des retards dans le déroulement des cours, le ministère va encore plus loin en lançant des accusations d’une extrême gravité à l’adresse de ce syndicat. Nous pouvons, en effet, lire dans le communiqué que «le ministère de l’Education nationale dénonce fermement les appels, devenus systématiques, aux arrêts de cours et boycottage des conseils de classe, émanant d’instigateurs agissant en dehors de la loi et avec des objectifs aujourd’hui avoués, ne reflétant nullement les intérêts des enseignants». Nous avons tenté de prendre attache avec Meziane Meriane, secrétaire général du Cnapest, afin de voir sa réaction par rapport à ces mises en garde musclées de la part des pouvoirs publics. Celui-ci, semble-t-il en déplacement à l’étranger, était demeuré injoignable toute la journée durant. Outre les mesures administratives que la loi permet de prendre, le ministère de l’Education nationale a également enrôlé deux plaintes, l’une en référé auprès de la chambre administrative de la cour d’Alger, et l’autre en pénal auprès du procureur de la République, contre les auteurs de cet appel à la grève. Le ministère, de son côté, lance, à la fin de son communiqué, «un appel aux professeurs de l’enseignement secondaire afin de faire preuve de responsabilité face aux agissements extrémistes d’une organisation mue par une volonté manifeste de nuire aux élèves, aux enseignants et à l’institution éducative».

Mohamed ABDOUN