Augmentation du SNMG: Les salariés piaffent d’impatience et les patrons indécis

AUGMENTATION DU SNMG

Les salariés piaffent d’impatience et les patrons indécis

L’Expression, 02 Juillet 2009

Tout le monde reconnaît que le SNMG à 12.000 DA est insuffisant

Les employeurs veulent payer moins de charges sociales en contrepartie d’une hausse du Snmg.

Le patronat est en train de constituer des commissions pour formuler des propositions qui seront soumises à la prochaine tripartite qui le regroupera avec le gouvernement et l’Ugta.
A la Confédération nationale du patronat algérien (Cnpa), on affirme que le Salaire national minimum garanti sera parmi les points les plus discutés lors de cette réunion. Le président Mohand Saïd Naït Abdelaziz ne cache pas que la question des salaires ne doit pas être isolée du contexte économique et notamment de la notion du pouvoir d’achat et celle de la productivité.
Du côté de la Confédération algérienne du patronat (CAP), on va plus loin en estimant que la relation entre les chefs d’entreprise et les travailleurs ne doit pas être dépourvue d’éthique, même en ce qui concerne les salaires. C’est en tout cas ce que nous a souligné le président de l’organisation, Boualem M’rakech.
La donne liée au salaire constitue un point sur lequel focalise le patronat, car il est au coeur de la relation de travail. C’est une compensation du temps et de l’effort mis par le travailleur à la disposition de son employeur. En outre, le salaire est un bon moyen pour les producteurs de biens et des services de trouver un débouché. Les salariés sont en même temps des consommateurs qui dépensent une partie de leurs salaires dans l’achat de diverses marchandises. Aussi, les patrons ne veulent pas que l’Etat intervienne dans cette relation en imputant les salaires d’une partie de leur substance en la transformant en impôt.

Révision de la politique fiscale
Dès que la direction des impôts a annoncé de nouvelles mesures concernant les personnes dont les revenus n’excèdent pas le Snmg, la nouvelle a été bien accueillie. C’est ce que nous rappelle Naït Abdelaziz lorsqu’il a évoqué les déclarations faites récemment par Abderrahmane Raouïa, directeur général des impôts.
C’est en effet devant les patrons que ce responsable a annoncé que le gouvernement a décidé de procéder à une révision de la politique fiscale, notamment sur le plan des différentes taxes imposées, actuellement, non seulement aux individus mais aussi aux sociétés au capital moyen ainsi qu’aux grandes sociétés.
Les nouvelles orientations gouvernementales sont donc en adéquation avec celles du patronat et des syndicats des travailleurs même si chaque partie prêche le même objectif pour des raisons qui lui sont propres. Des syndicalistes affiliés à l’Ugta nous ont annoncé que le sort des travailleurs et de leurs familles mérite d’être amélioré et que l’un des moyens pour ce faire reste celui de la hausse des salaires.
Néanmoins, quelques risques menacent de remettre en cause les améliorations opérées dans ce domaine. Personne, en effet, n’ignore que l’inflation pourrait constituer un ennemi redoutable pour le pouvoir d’achat. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, ne cesse jamais de le répéter à chaque fois qu’il a l’occasion de s’exprimer sur le sujet, notamment lorsqu’il a été interpellé par le député ou par les sénateurs lorsqu’il a eu à présenter le Plan d’action du gouvernement.
Dans quelques années, il sera possible de voir des employés qui touchent le Snmg dispensés éventuellement de la taxe sur le revenu. Cette mesure a déjà été appliquée pour les revenus n’excédant pas 10.000 DA.
Pour l’instant, tout le monde reconnaît que le Snmg fixé à 12.000 DA n’est pas suffisant pour faire face aux besoins des familles des travailleurs. Personne ne veut, non plus, se prononcer sur le niveau souhaité du Snmg. Selon Boualem M’rakach, le problème ne doit pas être pris par ce bout. Car, selon lui, cette question est indissociable des capacités de production des entreprises.
Un tas d’autres paramètres doivent aussi être analysés en collaboration avec le syndicat des travailleurs et le gouvernement. Quelques événements majeurs mettent à nu le degré de fragilité des bourses des citoyens. C’est le cas lors du mois de Ramadhan et de la rentrée scolaire. Les salaires sont tellement insuffisants pour faire face aux dépenses des familles que le gouvernement a mis en place des mécanismes pour aider celles qui sont les plus démunies.
Tous les avis des spécialistes, y compris les rapports du Conseil national économique et social sont unanimes à dire que la pauvreté guette toujours les foyers algériens. 10% des 34 millions seraient dans cette situation et que les revenus des salariés sont régulièrement mis à rude épreuve. C’est aussi souligner l’imbrication de la question des salaires avec les autres donnes de l’économie nationale comme le chômage et les modes d’insertion des sans-emploi.
Tous ces constats ont poussé l’Ugta à effectuer une étude du budget d’une famille de 7 personnes, taille moyenne de l’unité domestique algérienne.
L’organisation est arrivée à un montant minimum de 24.790 DA, soit le double du Snmg. L’augmentation prochaine pourrait atteindre, au mieux 18.000 dinars. Ce qui sauve les foyers algériens est le fait que dans certains cas, les deux conjoints occupent un poste de travail.
De nombreuses situations où plusieurs membres de la famille occupent des emplois informels sont aussi effectives faisant que l’analyse basée sur le seul Snmg ne peut pas rendre compte de la réalité. Pourtant, des revalorisations régulières sont effectuées dont la dernière remonte à 2006. A cette date, la masse salariale affectée aux travailleurs a été de 1493 milliards de dinars. Le secteur économique en a bénéficié pour 719,8 milliards, l’agriculture 544,5 milliards et l’administration 685 milliards. Hormis les emplois offerts par la Fonction publique et le secteur agricole, on se rend compte que dans le secteur économique, ce sont les PME qui occupent le plus grand nombre de salariés. C’est pour cette raison que le gouvernement ainsi que les syndicats des travailleurs et du patronat ne cessent d’imaginer des plans pour augmenter leur nombre. Les PME sont actuellement au nombre de 309 578 dans le privé et de 637 dans le secteur public.

Une forte concurrence
Au regard du salaire, les PME ne peuvent pas offrir les plus grosses enveloppes. Celles-ci, on les retrouve dans le secteur des hydrocarbures. Alors, même si les Algériens sont égaux devant le Snmg, c’est loin d’être le cas pour les autres composantes du salaire.
Pourtant, à force de focaliser sur un seul élément, le risque est grand de voir échapper à l’analyse les autres facteurs qui font peser des tensions sur le marché du travail, car les travailleurs peuvent aussi être en compétition entre eux et non seulement vis-à-vis du patronat, ce qui conduit à une concurrence pour obtenir les meilleures opportunités.
Ce n’est pas sans risque lorsqu’on sait que lors des périodes où ce genre de scénarios se produit, les employeurs profitent pour proposer des bas salaires. Ainsi, en 2006, on constate que ceux évoluant dans des secteurs faisant appel à la rente plutôt qu’à la productivité étaient les plus nantis. 54.000 dinars est le salaire moyen dans les hydrocarbures. Il est de 41.000 dans les services et travaux pétroliers.
Dans l’industrie du cuir, il n’est que de 17.000 dinars, un peu plus que le Snmg. Les emplois dans le commerce et les services de transport et de télécommunications sont, quant à eux, bien rémunérés avec respectivement 32.000 et 31.000 dinars.
Même les établissements financiers, pourtant bien notés par les travailleurs et les chercheurs d’emploi, se situent en dessous de ce seuil avec 28.000 dinars en moyenne, selon les données de la Cnas. Au milieu du tableau, on trouve l’industrie agroalimentaire avec 25.000 dinars. Si ces donnes occupent une place importante dans les analyses des économistes, des chefs d’entreprise et du gouvernement, c’est que ce sont parmi les éléments sur lesquels se base l’acte d’investir.
C’est ce qui est désigné sous le terme de coût des facteurs au même titre que le coût du transport ou de l’énergie. D’ailleurs, le niveau relativement bas des salaires est un argument utilisé en filigrane pour attirer l’investisseur étranger. Or, à croire certains patrons comme Réda Hamiani, président du Forum des chefs d’entreprise (FCE), l’Algérie a perdu son avantage dans ce domaine, comparativement à d’autres pays comme la Chine.
Dans certains pays, le simple fait d’évoquer une éventuelle hausse des salaires provoque une levée de boucliers des employeurs qui crient à la perte de compétitivité. En Algérie, c’est un débat qui risque de sortir rapidement des cercles restreints pour occuper l’espace public.

Ahmed MESBAH