Des aides directes à la place des subventions

L’application prévue dans 2 ans

Des aides directes à la place des subventions

El Watan, 26 octobre 2017

Le ciblage projeté des subventions publiques devrait s’articuler autour de l’instauration d’un revenu mensuel dit complémentaire de pouvoir d’achat.

Le ciblage tant débattu des subventions publiques devra commencer à prendre effet d’ici deux ans, si l’on s’en tient aux récentes déclarations du ministre des Finances, Abderrahmane Raouia, qui intervenait en début de semaine à l’Assemblée populaire nationale (APN) pour défendre le projet de loi de finances 2018.

Ainsi, selon le ministre, le ciblage des subventions qui, faut-il rappeler, pèsent pour près d’un quart du budget de l’Etat, passera tout simplement par l’élaboration d’un fichier national qui permettra de répertorier, un peu comme le fichier du logement, les catégories de citoyens jugées vulnérables, et qui devront donc être seules à pouvoir bénéficier du soutien direct de l’Etat.

Insistant sur l’impossibilité de renoncer brusquement au système actuel des subventions, le grand argentier du pays a tenu à assurer que ce fameux fichier est déjà en cours d’élaboration et devra être prêt dans deux ans, pour être ensuite appliqué dans une wilaya-pilote avant d’être généralisé.

Cependant, s’il est vrai que la réforme des subventions devient désormais inéluctable, au regard notamment de leurs poids sur le budget de l’Etat et de la crise financière que connaît le pays, il n’en demeure pas moins que la transition vers un processus de ciblage reste à la fois complexe à mettre en œuvre et surtout socialement et politiquement délicate à faire accepter…

De par son caractère généralisé, le système actuel de soutien aux prix, déplorent des institutions financières internationales, induit plutôt des iniquités sociales, car profitant davantage aux riches qu’aux démunis, qui consomment forcément moins, compte tenu de leurs modestes revenus.

Sauf que dans un pays comme l’Algérie où l’informel et la thésaurisation sont très répandus, la mise en place d’un fichier national des ménages à soutenir directement par l’Etat risque de donner lieu à bien des abus, en l’absence surtout de procédures d’évaluation et de données statistiques fiables et vérifiables.

Un revenu complémentaire de pouvoir d’achat…

Consultant en finances et ancien délégué général de l’Association des banques, Abderrahmane Benkhalfa admet que le passage d’un système de subventions généralisé à une logique de ciblage ne peut être que complexe et délicat. Néanmoins, explique-t-il, une telle transition devra être opérée de manière graduelle, sur une période de trois à cinq ans, et suivant une étude approfondie, basée sur une évaluation et une critériologie exhaustive et rigoureuse. En ce sens, ajoute-il, il s’agira de parvenir au final à fixer «un revenu mensuel, bancarisé et complémentaire de pouvoir d’achat», qui sera distribué directement aux ménages éligibles au soutien de l’Etat.

Ce revenu, précise notre interlocuteur, découlera d’un certain nombre de critères, à savoir, notamment, le panier de la ménagère, soit ce que consomme ordinairement un ménage algérien moyen, le revenu par ménage, et non par individu, et enfin, la sensibilité sociale des biens composants ledit panier, car le lait par exemple ne peut avoir la même importance que le sucre, ni la poire celle de la pomme de terre.

Interrogé sur la fiabilité du fichier à mettre en place pour répertorier les familles éligibles à cette forme de subvention, notre interlocuteur avance que celui-ci pourra être élaboré grâce à une synergie de plusieurs fichiers déjà existants, dont notamment celui relatif au numéro d’identification national, celui d’identification fiscale, ainsi que les fichiers respectifs des emplois aidés et des personnes nécessiteuses, déjà disponibles auprès des collectivités locales.

Une fois mis en place, le fichier national des ménages à soutenir par des transferts monétaires directs, indique en définitive notre interlocuteur, devra être géré de façon active, mis à jour régulièrement pour en contrôler les bénéficiaires et, dans un deuxième temps, il pourrait même être confié à un sous-traitant privé, un peu comme ce qui se fait actuellement pour les visas. Quoi qu’il en soit, la transition vers une politique de ciblage des subventions semble bel et bien mise en branle et au vu du poids de l’informel dans l’économie nationale, le principe d’une politique sociale plus équitable ne sera sans doute pas facile à faire valoir.
Akli Rezouali