Le gouvernement veut-il relancer la privatisation des entreprises publiques ?

Face à l’amenuisement des ressources financières

Le gouvernement veut-il relancer la privatisation des entreprises publiques ?

Liberté, 13 juin 2017

Cette option est utilisée lorsqu’un pays rencontre des difficultés budgétaires.

Le gouvernement veut-t-il relancer le programme de privatisation des entreprises publiques ? La dernière sortie médiatique du secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), Ahmed Ouyahia, laisse entrevoir cette possibilité. M. Ouyahia a appelé, dimanche, à la “nécessité” d’accélérer le processus des réformes économiques pour faire face aux conséquences de la chute des prix du pétrole. Il a préconisé, dans ce cadre, “la privatisation d’un nombre d’entreprises publiques dont la situation financière se détériore en raison des problèmes liés au plan de charge et à la gestion”, citant, à ce titre, des hôtels et minoteries qui “doivent être rachetés par des acquéreurs locaux”.
Le secrétaire général du RND a estimé qu’il y a un “risque” pour l’Algérie de connaître des “années très compliquées”, avant de relever que le pays tient encore l’équilibre grâce aux réserves de change qui vont en s’amenuisant du fait de la chute des prix du pétrole. “L’Algérie est confrontée à des défis, et si on ne se remet pas debout sur le plan économique, on risque de se retrouver en 2024-2025 chez le FMI, et ce sera la tronçonneuse”, a-t-il averti, rappelant que le pays a déjà vécu la situation de l’ajustement structurel, notamment la révision à la hausse du taux d’intérêt et la dévaluation du dinar au début des années 1990. Il faut le reconnaître, les nombreuses et importantes mesures financières adoptées par le gouvernement n’ont pas réglé les problèmes structurels des entreprises publiques, alors que le coût pour le Trésor public est considérable. L’ancien ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, a estimé, dans son livre Sortir de la crise, que le financement récurrent des déficits des entreprises publiques est un autre aspect de la dérive budgétaire en raison des ressources qu’il mobilise et des distorsions de marché qu’il crée. Les mesures d’assainissement financier, prises en charge par le Trésor sous la forme de rachat des découverts des entreprises publiques et de recapitalisation des banques, ont été la cause essentielle de l’accroissement de la dette publique. Depuis 2010, le gouvernement a mis en place un nouveau plan de soutien à l’investissement des entreprises publiques, financé par les banques publiques, mais implicitement garanti par le Trésor. En dépit de ce soutien financier massif, “beaucoup d’entreprises publiques, au lieu de participer à la création de richesse, restaient des consommateurs nets de ressources et gèlent des actifs de production si nécessaires à la croissance”. Une épargne réelle importante reste oisive et ne participe pas au développement. À cela s’ajoute le mode de nomination des dirigeants. Le clientélisme continue, encore aujourd’hui, à présider au choix des cadres dirigeants et des administrateurs. Pis, en 2015, l’industrie manufacturière hors hydrocarbures a compté pour environ 5% du PIB, alors qu’elle en représentait environ 35% à la fin des années 80, “indiquant une certaine désindustrialisation de l’Algérie au cours des trois dernières décennies”, relève un rapport de la Banque africaine de développement. Trois décennies après l’amorce des réformes, l’industrie en Algérie reste dominée par les hydrocarbures, qui constituent sa principale ressource. Aujourd’hui, l’État n’a pas plus les moyens de maintenir en état de réanimation des entreprises en difficultés. La chute des cours du pétrole depuis juin 2014 a eu un impact notable sur les finances publiques algériennes depuis 2015. L’épargne publique que représente le FRR s’est contractée de 65%, pour s’établir 740 milliards de dinars algériens à fin 2016. Cet amortisseur de chocs extérieurs mis en place dans les années 2000 ne représente plus que 4,5% du PIB en 2016, contre environ 26% en 2014, avant la baisse drastique des cours du pétrole. Le FRR va arriver, selon les prévisions, à un quasi tarissement, dès cette année. Cette situation montre tout le défi du financement budgétaire pour cette année et surtout pour l’année prochaine. L’endettement ne sera sans doute plus un choix alors, mais une obligation. D’où, peut-être, l’option d’une privatisation des entreprises publiques en difficultés financières. En privatisant ces entreprises, l’État est doublement gagnant. Il encaisse des recettes issues des privatisations, et en même temps, il ne sera plus obligé de consentir des dépenses d’assainissements financiers pour maintenir artificiellement en vie ces entreprises pour préserver une certaine paix sociale.

Meziane Rabhi