PME – Banques algériennes : le désamour

PME – Banques algériennes : le désamour

par Salim Rabia, Le Quotidien d’Oran, 23 mars 2010

L’ambitieux objectif de 200.000 nouvelles PME d’ici 2014 risque de sombrer sur l’écueil du financement. Les banques ont-elles les moyens de devenir un agent actif et de quitter la posture de guichet passif ?

le comité ad hoc pour le «développement des capacités des PME» qui regroupe le Conseil national économique et social (Cnes) et le Conseil national consultatif des PME (CNC PME), installé en décembre dernier a tenu sa seconde réunion. Le discours officiel fait désormais du développement de la PME algérienne un axe essentiel de la politique économique du pays. Mohamed Seghir Babes, président du CNES, a rappelé que «90% des entreprises à travers le monde sont d’envergure PME» et emploient jusqu’à hauteur de 80% de la main-d’œuvre.

En Algérie, on en est loin. Selon Reda Hamiani, patron du Forum des Chefs d’entreprises, au niveau institutionnel tout est «presque parfait», le problème réside dans la traduction des dispositions existantes sur le terrain.

Ce constat vaut particulièrement pour la relation, vitale dans les économies, entre les PME et les banques. Selon la Banque mondiale, l’Algérie se trouve à la 135ème place en matière d’octroi de crédit bancaire. La moyenne des projets financés par les banques publiques ne dépasse pas les 30%. Un niveau bas qui rend illusoire l’objectif de création de 200.000 PME entre 2010-2014. Et qui, selon le gouvernement, permettraient la création de 3 395 000 postes d’emplois.

Renforcer le tissu des PME est un objectif consensuel chez les économistes algériens qui craignent cependant qu’il ne reste lettre morte si la question du financement demeure irrésolue.

Le Maroc compte trois fois plus de PME (1,2 million) que l’Algérie (450.000). Dans une étude du réseau Anima Network Investment sur le financement des PME, l’Algérie a reçu une note de 2,5 que celle de la Tunisie est de 3,8 et celle du Maroc 4,3.

Rattraper le retard est difficile d’autant que le durable dialogue de sourds entre les banques et les porteurs de projets persiste. Pour l’heure, l’existence de la Caisse de garantie des crédits d’investissements (CGCI) dotée d’un capital de 30 milliards de dinars ne suffit pas à lever la méfiance.

L’intelligence économique absente Pour certains spécialistes, le développement des PME est bloqué par une prudence excessive, «administrative et non économique» des banques qui invoquent régulièrement l’inexistence de projets bancables.

Le secrétaire général de l’Association générale des entrepreneurs algériens, Mezine Belkacem, demande aux banques de «réviser à la hausse le volume des crédits alloués aux investisseurs». Il leur reproche d’ailleurs de favoriser les spéculateurs au détriment des entreprises productrices.

A l’opposé, les banques font valoir qu’elles sont tenues par des règles prudentielles et qu’elles doivent préserver leurs intérêts. Pour un ancien cadre financier, les banques algériennes n’évoluent pas. Au lieu de se lamenter sur l’inexistence de projets bancables, elles peuvent s’occuper des projets qui marchent déjà pour les aider à s’agrandir et à se diversifier.

«Les banques devraient constituer des portefeuilles de projets elles-mêmes pour pouvoir jouer le rôle pédagogique, mais fort rentable, que les banques jouent ailleurs. Attendre derrière le comptoir que des investisseurs arrivent avec des projets ficelés sous les bras est une attitude stérile. Ces banques sont un peu comme nos commerçants les plus traditionnels, ils ouvrent le rideau le matin, attendent les clients et le soir venu baissent tranquillement le rideau».

Selon lui, les banques demeurent des guichets passifs en matière d’allocation de ressources alors qu’elles devraient investir dans l’intelligence économique. «Elles ne disposent pas de structures d’études économiques, d’analyses sectorielles, d’études de terrain. Le suivi des activités n’existe pas, les banques ne publient aucune étude d’aucun type. Ni étude macro-économique ni analyses opérationnelles. Ces banques n’ont pas de moyens d’appréhender l’économie de manière dynamique et critique. Elles ne peuvent pas jouer le rôle que l’économie dans sa phase actuelle requiert».