La flambée des cours mondiaux plombe l’importation

Hausse des produits de large consommation

La flambée des cours mondiaux plombe l’importation

Par : Meziane Rabhi, Liberté, 27 Août 2007

Pour autant l’Exécutif, s’il ne peut agir directement sur les prix, est capable d’influer indirectement à travers le réaménagement de la Taxe sur la valeur ajoutée.

La rentrée sociale s’annonce, cette année particulièrement, tendue en raison de la flambée des prix des principaux produits de large consommation, comme l’huile, le sucre, la semoule, les produits laitiers, les pâtes, pour ne citer que ceux-là. La rentrée scolaire et le mois de ramadhan risquent de miner davantage le pouvoir d’achat du citoyen algérien. Les denrées alimentaires connaissent, depuis des mois, un niveau rarement égalé en termes de tarifs, et cette flambée a toutes les chances de se maintenir, en raison de l’envolée des prix des matières premières sur le marché mondial.
Et l’Algérie subit en fait les mutations en cours du secteur agricole mondial, avec l’utilisation de plus en plus grande qui est faite des céréales, de la canne à sucre, des graines oléagineuses et des huiles végétales pour produire des combustibles de substitution, de l’éthanol et du biocarburant. Du coup, les prix du blé, de la poudre de lait et de l’huile montent vers des niveaux insoupçonnés. Les cours du blé tendre ont presque doublé en un an. Vendredi, ils se sont envolés en un record historique absolu, sa récolte malmenée par les bouleversements météorologiques, rendant plus chers des aliments de base comme les pâtes. Le boisseau de blé (environ 27 kilos) pour livraison en septembre a terminé sur le marché des matières premières de Chicago à 7,2575 dollars, marquant son troisième record de clôture consécutif. Mais le blé, céréale alimentaire de premier ordre, n’a quasiment pas cessé de grimper, coincé entre une demande vivace et une offre réduite. De nombreux pays producteurs ont été frappés par des perturbations climatiques, qui ont mis en péril les récoltes. Pour le lait, les spécialistes expliquent la flambée des prix par l’appétit des pays émergents, notamment la Chine, l’Inde et la Russie. La sécheresse en Australie, l’un des plus gros exportateurs de lait, a amputé la quantité disponible sur le marché mondial de 1 milliard de litres en 2007. Sur un marché aussi étroit, cela suffit à créer un déséquilibre : la hausse des matières premières agricoles, les céréales et le lait en tête — et son impact sur les produits de grande consommation. Touchés de plein fouet, les industriels de l’agroalimentaire tentent de répercuter les augmentations de coûts qu’ils subissent. Le sac de semoule de 25 kg est passé de 780 DA à plus de 1 200 dinars. L’huile de table enregistre une augmentation de 36 à 45 DA le bidon de
5 litres. Les dérivés du lait connaissent une hausse allant de
3 DA pièce pour le yaourt à 10 DA pour le petit-lait et 25 DA pour le fromage. Le riz et les pâtes alimentaires ne sont pas du reste. Selon l’enquête menée par l’office national des statistiques, l’indice global des prix à la consommation a enregistré une hausse de 3% durant les sept premiers mois de l’année en cours. L’ONS estime que les prix des huiles et graisses ont grimpé de 6,8%, les sucres et les produits sucrés de 1,4%, le café et le thé ont augmenté de 3,2%. Ce sont des produits indispensables dont la ménagère ne peut se passer. Le hic est que cette tendance risque de durer, et le gouvernement a raison de souligner que “la hausse des prix est due à des raisons exogènes qui échappent à tout contrôle”. Une mauvaise nouvelle pour le gouvernement, déjà préoccupé par le faible pouvoir d’achat des algériens. Pour autant, l’Exécutif, s’il ne peut agir directement sur les prix, est capable d’influer indirectement à travers le réaménagement de la Taxe sur la valeur ajoutée. Le panier de la ménagère des couches populaires contient 60 à 70% de produits de première nécessité et les prix qu’elle paie pour ces produits sont renchéris par la TVA de 17%. Le prix du sucre hors taxe par exemple est moins cher en Algérie qu’en Tunisie et au Maroc. Mais il est plus cher, toutes taxes confondues, la TVA dans les pays voisins étant largement inférieure à celle appliquée chez nous. C’est le cas aussi pour l’huile, pour n’évoquer que ces deux exemples. En Tunisie, la TVA sur les huiles est de 0%. Le niveau actuel élevé des recettes fiscales pétrolières offre une opportunité aux pouvoirs publics d’approfondir les réformes déjà entamées. Les moins-values financières, qui seront conjoncturellement générées par un processus de révision à la baisse du taux de la taxe sur la valeur ajoutée appliquée, notamment aux produits de large consommation, seront contrebalancées sans grandes difficultés par les importantes augmentations des recettes liées à la fiscalité pétrolière. Ce sont les ménages qui paient, en fin de compte, la TVA, que celle-ci soit supportée ou non par les entreprises dans le cycle des échanges économiques.
La TVA ampute directement le pouvoir d’achat des ménages. En situation normale, elle constitue donc une ponction sur leurs revenus.
A contrario, l’exonération de la TVA pour certains produits de première nécessité est, pour peu que les produits ne subissent pas l’effet de la spéculation par fait de pénurie, un dopage du pouvoir d’achat. Elle permet aux ménages à faibles revenus d’accéder aux produits de base ; ce qui constitue, donc, un élément de formation de la structure de leur consommation.

Meziane Rabhi