La facture salée de l’OMC

La facture salée de l’OMC

Le Quotidien d’Oran, 3 février 2007

L’adhésion de l’Algérie à l’OMC n’est pas pour demain! Les négociations butent sur l’ouverture des services énergétiques à la concurrence étrangère et l’unification des prix du gaz et du pétrole sur les prix internationaux.

Avant de pouvoir adhérer à l’OMC, l’Algérie sera appelée à ouvrir ses services énergétiques à la concurrence internationale et à renoncer au double prix de l’énergie sur le marché domestique et à l’étranger, a estimé la chef de la section des négociations commerciales à la Commission des Nations unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED), Mina Mashayekhi, lors du séminaire organisé, de lundi à mercredi, par le ministère des Affaires étrangères sur le thème: «La diplomatie commerciale et l’accès à l’OMC». «L’Algérie, qui s’emploie à réhabiliter son tissu industriel, ne va pas compromettre les intérêts de ses entreprises, notamment les PME, en imposant un prix unique de l’énergie juste pour hâter son entrée à l’OMC», a-t-elle expliqué, soulignant ainsi que l’échéance de son admission n’en sera que plus retardée. En fait, le gaz est au coeur de la nouvelle politique industrielle du gouvernement qui compte l’utiliser pour attirer les investisseurs étrangers. En plus, un alignement des prix du gaz et du pétrole sur les prix internationaux conduirait à d’importantes augmentations des prix des carburants. Une telle mesure aura des conséquences économiques et sociales catastrophiques, en Algérie où le salaire minimum avoisine les 12.000 DA. En réponse, le ministre du Commerce Hachemi Djaâboub s’est élevé contre «ceux qui prétendent que l’Algérie soutient ses entreprises de production en leur appliquant des prix des produits énergétiques beaucoup moins importants que ceux fixés à l’exportation». «Ils n’ont qu’à apporter la preuve de leurs allégations, et il s’agit, en réalité, d’un malentendu sur les modes de calcul du prix»,

a-t-il ajouté, en demandant l’ouverture de négociations sur le sujet. «Nous refusons catégoriquement le fait que certains membres (de l’OMC) veuillent nous imposer des règles nouvelles en cours d’élaboration et qui ne sont donc même pas adoptées par l’Organisation», a averti le ministre.

Concernant le déroulement du processus de négociations avec l’OMC, Djaâboub a précisé que l’Algérie a eu à répondre, durant les 9 rounds déjà épuisés, à quelque 1.500 questions des pays membres sur son système économique et sa législation commerciale, ce qui fait qu’elle a parcouru, selon lui, 95% du chemin. Dans le détail, l’Algérie a déterminé avec l’OMC les conditions d’accès aux fournisseurs étrangers dans 87 sous-secteurs de services, a indiqué à l’APS le directeur des relations avec l’OMC au ministère du Commerce, Belarima Mohamed. «Il y a certains services, à l’instar du service de distribution de l’énergie, qu’on ne peut ouvrir aux fournisseurs étrangers car il est créateur de valeur ajoutée, a expliqué M. Belarima. L’Algérie a reçu une requête de l’OMC portant sur l’ouverture des services de distribution, mais nous avions exclu de la distribution du commerce de détail et de gros tous les produits qui ont trait à l’énergie comme le gasoil et le gaz». Les requêtes émanant de l’OMC ont également porté, a ajouté ce responsable, sur le transport maritime qui comporte le transport des hydrocarbures et sur lequel «nous travaillons actuellement», a-t-il dit. Il existe 11 grands secteurs de services (transports, tourisme, assurances, audiovisuel, construction, distribution…) décomposés en 161 sous-secteurs, qui sont négociés par chacun des Etats voulant intégrer l’OMC. Parmi les autres obstacles à l’admission de l’Algérie à l’OMC, ces experts ont cité celui relatif à la protection de la propriété intellectuelle. Experte également de la CNUCED, Elisabeth Tuerk a souligné que les Occidentaux «deviennent de plus en plus exigeants» sur la protection de la propriété intellectuelle. L’Algérie a pris, depuis 2003, des dispositions sévères pour la protection des droits d’auteurs, brevets et marques déposées.

En vue de développer les échanges commerciaux avec le reste du monde, le ministère «procède actuellement à l’examen du projet d’établissement d’une zone de libre échange avec l’Association européenne de libre échange (AELE) en vue d’aboutir à un accord sur la création de cette zone». L’Algérie a, en outre, engagé des négociations bilatérales avec la Tunisie et la Turquie et, à un degré moindre, avec les Emirats Arabes Unis (EAU), a indiqué le ministre. Concernant la Tunisie, le ministre a souligné qu’en attendant la conclusion d’un accord préférentiel entre les deux pays voisins, la Tunisie a demandé à obtenir des avantages similaires à ceux accordés par l’Algérie à l’Union européenne (UE) dans le cadre de l’accord d’association. «La Tunisie cherche à aboutir à un accord avec l’Algérie en raison du gel du projet de zone arabe de libre échange, à la suite de désaccords sur les règles d’origine, survenus notamment entre l’Egypte et les pays du Maghreb», a fait savoir le ministre. Le plus important, selon Djaâboub, serait la levée des barrières non tarifaires telles que les conditions excessives en matière de normes que l’on cherche à imposer à nos marchandises pour les empêcher, en définitive, d’investir les marchés extérieurs, sans compter les entraves non écrites.

Avec des exportations insignifiantes en dehors des hydrocarbures, moins d’un milliard de dollars, l’Algérie ne semble pas pressée de rejoindre l’OMC. Le gouvernement veut prendre le temps nécessaire pour relancer l’industrie, développer l’agriculture et réduire la dépendance de l’économie vis-à-vis des hydrocarbures. Des objectifs tracés pour 2009. L’amélioration de la situation financière est accompagnée d’une amélioration de la situation sur le plan sécuritaire: deux atouts qui permettent au gouvernement de négocier convenablement l’adhésion de notre pays à l’OMC.

Hamid Guemache