Crise économique : Le «plan d’urgence» de Nabni

Crise économique : Le «plan d’urgence» de Nabni

par Z. Mehdaoui, Le Quotidien d’Oran, 17 juin 2015

Le collectif Nabni (Notre Algérie bâtie sur de nouvelles idées) est revenu hier sur la crise économique qui frappe notre pays du fait de la chute du prix du pétrole et propose un «plan d’urgence» pour éviter de s’écraser sur l’iceberg.

Dans une conférence de presse organisée au siège de Maghrebemergent, le collectif, constitué d’experts, d’économistes et d’universitaires, affirme que le plan en question propose que tous les efforts soient concentrés sur une liste restreinte de 12 chantiers prioritaires qui s’articulent autour de quatre lignes directrices, à savoir: «Arrêter les politiques inefficaces et coûteuses», «Bâtir les fondations d’une action publique transformée» «Démarrer les réformes les plus difficiles» et enfin «Accélérer les chantiers en suspens».

«Ces douze chantiers prioritaires visent à générer un choc positif pour faire enfin démarrer la diversification économique, d’engager les finances publiques et le commerce extérieur vers un retour à la soutenabilité et d’améliorer la gouvernance publique», soutient ce collectif dans un communiqué qui souligne en ce sens que la chute du prix du baril de pétrole ne rend que plus visible l’iceberg ou les sérieuses difficultés auxquelles le pays sera confronté.

«Nous faisons face, comme en 1985, à un nouveau choc pétrolier et les indicateurs économiques suffisent à prendre la mesure de l’urgence de la situation», pensent savoir les animateurs du collectif non sans rappeler que «le statu quo» n’est pas soutenable

«Le Fonds de Régulation des Recettes s’épuisera avant 2020, peut-être même en 2017, de même que les réserves de change qui fondraient à 9 milliards de dollars dans quatre ans si le baril chutait à 50 dollars. Le solde de la balance des paiements est devenu négatif en 2014. Les tentatives de diversification ont échoué », ajoute par ailleurs le communiqué qui note que la compétitivité et le climat des affaires ne cessent de se dégrader. Les investissements directs étrangers sont en baisse. Peut-être qu’au cours de la décennie 2020 nous n’aurons plus de gaz à exporter. Mais la réaction des pouvoirs publics face à la crise n’augure pas d’une prise de conscience de la gravité de la situation.

Pour le collectif, il ne s’agit pas d’agir dans la précipitation pour remédier aux symptômes de cette baisse durable de nos recettes d’exportation. Il ne s’agit pas non plus d’entamer un plan d’austérité et de freiner les investissements et les projets de développement de notre économie. Le problème est plus profond et n’est pas conjoncturel. Conformément aux propositions du rapport NABNI 2020, il s’agit au contraire de commencer à mettre en place les premiers jalons d’un changement de voie durable, indique le collectif qui avoue que la tâche du changement est immense. L’important, selon les membres du collectif est de commencer.

Montrer que le changement est possible. Faire ce que l’on n’a pas fait depuis quinze ans. Commencer petit s’il le faut, mais commencer, notamment les réformes difficiles.

Commencer, impulser et générer des ruptures fécondes. L’objet est d’impulser un nombre limité de ruptures profondes à même de déclencher une dynamique positive.

«En plus de l’impact attendu sur les objectifs fixés, nous proposons que l’amorce de ces ruptures se fasse selon quatre lignes directrices, chacune représentant une rupture avec le statu quo », souligne le collectif qui propose d’arrêter les politiques inefficaces et coûteuses en expliquant qu’il s’agit d’inverser les décisions qui ont clairement échoué, qui ont montré leur inefficacité ou qui sont trop coûteuses ou injustes et mènent au gaspillage.

«Arrêter les dégâts» en permettant d’initialiser immédiatement des changements d’approche conséquents qui freinent la détérioration de la situation. Faire ce que l’Etat fait si rarement: admettre que certains choix étaient mauvais et les inverser. Bâtir les fondations d’une action publique transformée. Il s’agit d’identifier des mesures fondamentales de réforme de l’Etat et de la gouvernance, qui jettent les bases d’un Etat moderne, d’un Etat de DROITS (Détaché de la rente, Redevable, Ouvert, Inclusif, Transparent et Stratège). Il s’agit d’identifier quelles mesures structurelles peuvent être mises en œuvre en trois ans. Réaliser un bond qualitatif dans la gouvernance publique comme nous n’en avons pas vécue depuis plus d’un quart de siècle, sont quelques-unes des propositions de Nabni qui conseille d’engager sans attendre, même à petites doses et de façon progressive, les réformes les plus difficiles que nous savons inévitables. Profiter de l’opportunité que nous avons encore d’étaler dans le temps ces réformes afin d’en limiter le coût social et de mettre en place les mécanismes compensatoires pour les citoyens les plus affectés afin de réduire efficacement la pauvreté. Même de manière graduelle, le but est de commencer ces réformes jamais entamées. Engager des réformes qui peuvent être impopulaires mais qui sont inévitables.

Le plan d’urgence de Nabni propose en outre de décaler la programmation de certains grands projets d’infrastructure et geler la croissance réelle des dépenses de fonctionnement jusqu’en 2018, mettre fin à trois entraves majeures à l’investissement productif et interrompre les subventions indues, les niches fiscales et autres transferts inefficaces aux entreprises privées et publiques. En matière de réforme, Nabni suggère également d’amorcer la refonte du système de redistribution sociale en lançant un programme de transferts monétaires directs ciblé vers les plus démunis en entamant une augmentation progressive et différenciée des prix des biens et services subventionnés. Pour ce qui est de la réforme bancaire, le collectif écrit dans son «plan d’urgence» de réaliser un choc de simplification administrative pour les entreprises, transformer le cadre du commerce extérieur: douanes et politique commerciale.

Enfin, pour réussir la mise en œuvre d’un tel plan d’urgence, Nabni propose la mise en place d’une « Delivery unit», unité spécialisée en charge de la conduite des réformes clés, rattachée au président ou au Premier ministre, afin d’assurer une coordination interministérielle efficace, une exécution et un suivi régulier des réformes et un appui aux ministères concernés pour identifier les blocages et les soumettre à l’arbitrage des plus hautes autorités.