Affaire Khalifa,les zones d’ombre persistent

Affaire Khalifa,les zones d’ombre persistent

par Yazid Alilat, Le Quotidien d’Oran, 23 juin 2015

L’affaire Khalifa connaîtra son épilogue aujourd’hui avec l’annonce du verdict final. L’annonce de ce verdict attendu avec impatience par les familles des prévenus comme celles qui veulent une réhabilitation de leurs proches, si bien entendu celui-ci a été déterminé, pourrait être repoussée à une autre date, et cela est parfaitement plausible, puisque la sentence dans plusieurs autres grosses affaires a été ajournée à plusieurs reprises.

Tout récemment, le procès de l’affaire Sonatrach1, avec ses ramifications politiques, a été reporté à la prochaine session criminelle. La prudence est donc de mise même si, en réalité, la cour de Blida devra se prononcer aujourd’hui par l’annonce d’un verdict qui devrait confirmer tous les griefs portés contre l’ex-golden boy algérien.

Le représentant de la partie civile avait requis la perpétuité contre Abdelmouène Rafik Khalifa, principal accusé dans cette affaire liée surtout à une banqueroute de la banque Khalifa, qui avait capté l’argent d’institutions publiques qui avait servi ensuite au magnat du groupe pour créer une chaîne TV, une compagnie aérienne et un ensemble de sociétés. Au final, on retrouve l’accusation massue du procureur général: une opération planifiée d’escroquerie et la spoliation des déposants de leur argent.

Pour autant, le principal accusé dans cette affaire nie en bloc et accuse certaines parties au sein du pouvoir d’avoir planifié la banqueroute de sa banque. Ce qui, à l’évidence, a donné une tournure politique à ce procès, d’autant que des ministres et même le SG de l’UGTA ont été entendus lors des audiences à la cour de Blida, mais par écrit. Ce qui a achevé de donner des contours politiques au procès de Khalifa, ramené en Algérie au bout d’une longue procédure judiciaire, comme dans un vrai polar américain, et mis en taule où il attend le verdict final. Mais, des zones d’ombre hantent encore cette affaire, pas totalement éclaircie, comme si tout le monde avait hâte d’en finir. Et que l’on classe définitivement le dossier quelque part dans les rayons de l’histoire judiciaire algérienne.

L’affaire Khalifa, au-delà du verdict final, au-delà des souffrances des familles, autant celles qui avaient été ruinées que celles entraînées dans un maelström judiciaire dramatique, ne peut laisser qu’amertume. Des interrogations également car les responsabilités dans cette affaire ne sont pas tellement claires. Comment peut-on, mieux qu’un coup de baguette magique, monter une banque qui croule sous les liquidités et les dépôts de sociétés et caisses nationales, une compagnie aérienne qui faisait de l’ombre au pavillon national, une chaîne TV offshore, et d’autres entreprises, sans que les clignotants ou les cloches ne fonctionnent, comme dans une salle de Bourse pour éviter le crash ?

Bizarre est par ailleurs cette absence de réaction du gouvernement face pourtant à une grosse affaire de détournement des dépôts de clients de la banque. Et cette attitude désintéressée, absente parfois, du principal accusé durant tout le procès. Avait-il déjà abandonné la bataille judiciaire ou avait-il quelques indices sur la tournure finale du procès ? Abdelmoumène Rafik Khalifa est fini, il n’intéresse plus personne aujourd’hui. Même s’il avait promis des révélations durant le procès qu’il n’a jamais faites. Son air énigmatique durant ce procès laisse-t-il pourtant place au doute sur le verdict final, à savoir la prison à vie ? Les peines demandées par le procureur général prononcées contre les autres accusés, ils sont 75 dont 21 détenus, vont de 20 ans à 18 mois de prison. Les peines, réduites ou maintenues, auront quand même une saveur politique.