Khalifa: Retour sur le faux acte et le vrai agrément

AFFAIRE KHALIFA

Retour sur le faux acte et le vrai agrément

par T. Mansour, Le Quotidien d’Oran, 28 février 2007

Le tribunal criminel de Blida a continué, hier, d’entendre les plaidoiries des avocats de la défense. C’est toujours avec ceux dont les clients sont poursuivis pour des délits que nous nous retrouvons.

Le premier Me Fekri Med, défenseur d’Aït Belkacem Mahrez, DG de la Caisse nationale d’assurance chômage (CNAC) et de la Caisse de garantie des micro-crédits. L’avocat a rappelé que son client avait nié dès le début avoir reçu quelque avantage que ce soit. A noter que Aït Belkacem est poursuivi pour corruption et trafic d’influence. Le défenseur dira au tribunal que son mandant avait averti la tutelle pour tous les DAT qu’il a effectués. Il poursuivit en informant la cour que son client avait reçu la carte de thalassothérapie des mains du directeur financier. «Mon mandant a effectué les DAT de manière légale et en respectant la procédure en vigueur, même le ministère de tutelle a été informé !». Il fit remarquer que le ministère du Travail et des Affaires sociales n’avait pas répondu ni fait de remarques.

Le défenseur ajouta: «Il y a eu beaucoup de faux témoignages et puis mon client avait la responsabilité de 2 caisses ?». Il reprit en affirmant que M. Aït Belkacem a effectué les DAT selon les lois et décrets en vigueur et que Khalifa Bank a profité du manque total de contrôle à tous les niveaux pour s’accaparer les énormes fonds déposés. Il s’interrogea par la suite sur le fait que le liquidateur de la banque Khalifa se soit constitué partie civile et en qualité de personne morale alors que son rôle est bien défini par les textes régissant le travail d’un liquidateur. Le défenseur affirma ensuite que son client n’a reçu ni billet gratuit ni commission et qu’il n’a même pas utilisé cette fameuse carte de thalassothérapie pour laquelle il se retrouve ici. A la fin de sa plaidoirie, Me Fekri dira à la cour que son client est blessé moralement et demanda sa relaxe puisque aucune preuve de sa culpabilité n’a été établie.

Le remplaça ensuite Me Abdelhafid Belkhidher au nom de trois accusés – Larbi Salah Adnane, Aggoune Majda et M’djelli Med – qui commença par s’en prendre à la Banque d’Algérie qui s’est empressée de délivrer un agrément à Khalifa Bank pour se rendre compte sept ans après que les actes de constitution étaient des faux ! Il incrimina par la suite le ministère des Finances qui même après avoir reçu plusieurs rapports sur les dépassements de la banque n’a rien fait pour y mettre fin. Concernant son mandant Salah Adnane, qui est président de la mutuelle de la sûreté nationale, l’avocat dira qu’il a fait des DAT en toute légalité dans une banque agréée par l’Etat algérien et que son mandant n’avait aucunement l’intention ou le désir d’avoir un billet gratuit ou quoi que ce soit. D’autre part, il affirma que le taux d’intérêt proposé par Khalifa Bank – entre 10 et 21% – aurait dû mettre la puce à l’oreille des responsables, mais il n’en fut rien. A la fin de sa plaidoirie, et à l’instar de ses prédécesseurs, l’avocat demanda la relaxe pure et simple de ses trois clients pour manque de preuves. Me Ouassini fut ensuite appelé à plaider pour le DG de la mutuelle de P et T, M. Tchoula, lui aussi poursuivi pour les mêmes chefs d’inculpation. L’avocat commença par revenir à la conjoncture de l’époque et demanda: «Qui pouvait, en 99, 2000 et 2001, douter de Khalifa Bank et de sa santé financière ?». Il poursuivra envers le PG et affirma: «J’aurai aimé que le parquet fasse la différence entre les institutions selon leurs statuts: une mutuelle n’est pas une entreprise publique ni une institution comme la CNAS, même si elle lui est apparentée». Il déclara que, puisque la mutuelle de la police, qui est censée nous mettre en garde, est tombée dans le piège, donc ils n’ont fait que suivre.

Pour son mandat, Me Ouassini affirma lui aussi que les DAT ont été effectués selon les lois en vigueur, notamment la loi 90/33 relative aux associations qui lui permet, outre de placer les fonds pour les faire fructifier, de recevoir des dons en espèces ou en nature. Il fit alors remarquer que même la voiture ou les cartes de gratuité étaient des dons et que la loi permettait de les recevoir. En outre, il affirma que les cartes de gratuité ont été remises à des personnes qui n’avaient aucune relation avec la banque, donc il n’y avait pas lieu de dire qu’il y a corruption. L’avocat rappela que le conseil d’administration avait décidé de ces dépôts dans sa majorité et que le DG n’avait fait qu’exécuter cette décision, «ce qui était sa fonction!». Lui aussi demanda la relaxe pure et simple de son client.

Ce fut ensuite l’avocat Me Miloud Brahimi, en charge de la défense de Rahal Reda, le P-DG d’ENAGEO qui a perdu la somme de 10 millions de dollars chez Khalifa Bank. Après un hommage appuyé à la cour et à la presse qui «a montré son professionnalisme», l’avocat fit plusieurs remarques au PG et lui dit: «Vous représentez le pouvoir exécutif et vous avez parlé des chouhada lors de votre réquisitoire. Laissez les chouhada dormir en paix. En plus, il ne faut pas oublier que certains ont voulu utiliser l’islam en politique et vous voyez ce qui est arrivé. Alors, s’il vous plaît, n’utilisez pas l’islam en justice».

Me Brahimi continua ensuite en déclarant que «c’est une affaire d’Etat, qu’on le veuille ou pas, puisque des ministres et des personnalités en fonction sont passés devant la cour, en témoins certes, mais c’est ça. Vous avez raison de dire que vous ne dépasserez pas le cadre de l’arrêt de renvoi car la loi vous y oblige, mais l’opinion publique fait aussi la part des choses». Il énuméra ensuite des «curiosités» dans le procès. Il parla de l’acte notarié qui était un faux et qui a été accepté par la BA, pour une association de malfaiteurs, laquelle reçoit un agrément et la constitution de liquidateur en partie civile. Il rappela à la présidente que le chef de l’Etat avait fait allusion dans un de ses discours aux pressions militaires et politiques sur la justice et qu’il s’est promis d’éradiquer. Me Brahimi dira ensuite que le PG a consacré entre 30 et 40 secondes à son client et qu’il s’est trompé. «Mon client n’a pas de relation avec les agences d’El-Harrach ni de Cheraga. Il a déposé l’argent à Hassi Messaoud». Et de continuer: «Il (le PG) avait l’air de lui reprocher de s’appeler Rahal et il lui a même demandé s’il avait un lien de parenté avec le notaire Rahal Omar». Il mit en garde contre ce genre de jugement. Me Brahimi entreprit ensuite de démontrer l’innocence de son client et demanda lui aussi la relaxe.