Procès EL Khalifa Bank : Trois ex-ministres font défaut, le juge se contente de lire leurs dépositions

Procès EL Khalifa Bank : Trois ex-ministres font défaut, le juge se contente de lire leurs dépositions

El Watan, 28 mai 2015

Le tribunal criminel de Blida a poursuivi hier l’audition de 17 témoins, sur une cinquantaine, représentant les sociétés publiques qui ont déposé leurs fonds à El Khalifa Bank à des taux d’intérêt allant de 9,5 à 14%. Tous affirment avoir retiré leur argent des banques publiques en raison de la chute des taux d’intérêt de 12% à 3,5%.

Des dépôts de 10 millions à 3 milliards de dinars que les sociétés n’ont pu récupérer. Le juge s’est contenté de lire une trentaine de PV d’audition, dont ceux des anciens responsables, Mourad Medelci, Karim Djoudi et M’hamed Terbèche, alors qu’il s’était engagé à ramener tous les témoins, quels que soient leur rang ou leur statut.

Une trentaine de témoins, dont d’anciens responsables, comme Mourad Medelci (ex-ministre des Finances), M’hamed Terbèche (qui lui a succédé) et Karim Djoudi ont brillé par leur absence, hier au tribunal criminel de Blida, qui les avait convoqués pour les entendre dans le cadre du procès El Khalifa Bank. Après l’audition d’une vingtaine de témoins présents, le président s’est contenté de lire les procès-verbaux d’audition des témoins absents, devant le juge d’instruction. Aucun des avocats présents n’a contesté ou exigé le recours à la force publique, comme cela a été le cas en 2007, pour ramener les témoins ne répondant pas aux convocations du tribunal.

Ainsi, après avoir limité le débat sur les billets de voyage gratuits, les laptops et les voitures non restitués, le président du tribunal a raté l’occasion historique de confronter les responsables de l’Etat à Abdelmoumen Khalifa pour comprendre comment ce dernier a pu prendre autant d’argent sans éveiller les soupçons, expliquer la passivité des instruments de contrôle de l’Etat et éclairer les lanternes sur le recours des institutions de l’Etat au soutien financier de Khalifa, au moment où de nombreux indices auguraient d’un tsunami financier, comme l’a si bien expliqué un membre de la commission bancaire.

Hier, le premier témoin entendu est Mourad Cherami, directeur par intérim de la mutuelle de Sonelgaz. Il avait placé 50 millions de dinars à El Khalifa Bank, provenant du fond de retraite des travailleurs en exécution d’une résolution du conseil d’administration sur le dépôt à terme d’un montant de 50 millions de dinars. Son prédécesseur avait déjà placé 50 millions de dinars à un taux d’intérêt de 10%.

En contrepartie, Khalifa Airways accordait des réductions de 50% sur les prix des billets au profit de 30 membres de la mutuelle. Le juge appelle ensuite Abdennour Bensaidane, directeur par intérim de la même mutuelle. Selon lui, il y a eu deux dépôts d’un montant de 100 millions de dinars, à des taux d’intérêt de 10% à 14%, qui n’ont pu être récupérés. Hamid Derkaoui, ex-PDG du bureau d’étude d’urbanisme et de construction de Sétif, déclare qu’un montant de 80 millions de dinars a été placé en 2002 par un de ses prédécesseurs.

Selon lui, le montant global des dépôts a atteint 130 millions de dinars, dont 50 millions de dinars ont été récupérés. Farouk Mustapha Hamed Abdelwahab, directeur général de l’Entreprise nationale de navigation aérienne (ENNA), explique lui aussi que c’est son prédécesseur, Mouloud Ait Si Ali, qui a placé 50 millions de dinars qu’il n’a pu retirer. Le procureur général l’interroge sur le contentieux avec Khalifa Airways et le témoin affirme que la compagnie ne s’est pas acquittée de ses redevances, d’un montant de 80 millions de dinars. Maître Alouche revient sur la convention entre l’ENNA et Khalifa Airways relative à la maintenance de l’avion laboratoire servant au contrôle au sol de la flotte. «Lorsque j’ai été nommé, l’appareil était cloué au sol à Londres.

En 2001, une convention entre Khalifa Airways et l’ENNA a été signée pour le rapatrier, le réparer et l’utiliser», révèle le témoin. Son collègue, Mouloud Ait Si Ali, directeur général de l’ENNA, confirme ses propos, précisant que la convention avec Khalifa Airways pour des réductions de 50 et 90% sur les prix des billets, est intervenue en 2001, avant le placement des fonds. A une question de maître Allouche, sur le paiement des redevances par Airways, il dément son collègue, en affirmant : «Cette compagnie a toujours honoré ses factures. Notre seul problème était avec Air Algérie, qui payait souvent avec des retards.»

Le juge appelle Fadila Berkane, directrice de l’Entreprise nationale des systèmes informatiques (ENSI), qui précise qu’elle n’état pas en poste lors du placement de 100 millions de dinars. Son prédécesseur, Ali Belkhiri, ancien DG de l’ENSI, confirme ses propos, et déclare avoir vendu une parcelle de terrain de l’entreprise pour 500 millions de dinars afin de s’acquitter d’une dette auprès de la BNA, et un montant de 100 millions de dinars a été placé, le 8 juin 2002.

Saïd Ibouchoukane, directeur de la mutuelle autonome des fonctionnaires d’Alger, dit avoir été rassuré par l’Association des banques et établissements financiers (Abef) sur la fiabilité d’El Khalifa Bank, pour placer des bons de caisse de 20 millions de dinars, que la mutuelle n’a pu récupérer. Abdelkrim Hammouche, ex-PDG de l’Entreprise nationale de presse (ENAP), affirme avoir retiré 20 millions de dinars de la BNA pour les placer, en 2002, à El Khalifa Bank, contre un taux d’intérêt de 9%, dont les revenus ont permis, selon lui, d’avancer les salaires des travailleurs, mais seulement 3 millions de dinars ont pu être récupérés.

Mohamed Saïd Baghoul, directeur général d’une entreprise algéro-américaine (51% algérienne et 49% américaine), qui dépend de l’Entreprise nationale des services aux puits (ENSP), filiale de Sonatrach, déclare que c’est son prédécesseur qui a placé la somme de 150 millions de dinars à l’agence de Hassi Messaoud, pour un taux d’intérêt de 5 à 7%, mais qui a été perdue par la suite. Hocine Idir, PDG de la société Chimca (équipement de nettoyage et d’hygiène), une filiale de l’ENAD, explique que l’entreprise avait un excédent de trésorerie important, qu’il plaçait au CPA, mais après la baisse des taux d’intérêt, il a retiré un montant de 100 millions de dinars qu’il a placé à El Khalifa Bank, pour bénéficier d’un taux d’intérêt de 9%, qu’il a perdu.

Mohamed Menaceur, directeur de la mutuelle générale des travailleurs des finances, révèle que c’est le conseil d’administration qui a décidé de placer 20 millions de dinars, pour un taux d’intérêt de 10%, mais qu’il n’a pu reprendre. Hazbellaoui, président du conseil d’administration de la mutuelle des pétroliers, a placé dès 2000, la somme de 2,93 milliards de dinars à Chéraga, non récupérée. Hamid Azouz, directeur du Contrôle technique de construction (CTC) a déposé 70 millions de dinars à l’agence de Douéra pour un taux d’intérêt de 12%, en exécution d’une résolution du conseil d’administration. Mais, la somme déposée n’a pu être reprise.

Abdelkader Mechat, PDG de la Société d’impression d’Alger (SIA), explique que le CPA lui devait un montant de 700 millions de dinars et ne voulait pas lui accorder un crédit pour acheter des équipements. Il a opté pour un placement à la banque Khalifa de 100 millions de dinars, qui lui a permis d’acquérir pour 60 millions les équipements et le reste, 40 millions de dinars n’ont pu être récupérés. Abdelkrim Djaafri, PDG de la Compagnie algérienne des assurances de transport (CAAT), explique qu’en 2000, une convention d’assurance du personnel navigant avait été signée avec Khalifa Airwyas.

«Quelque temps après, les directeurs généraux chargés du développement et des finances m’ont informé qu’Airways exige des relations avec El Khalifa Bank pour reconduire la convention. J’ai saisi le conseil d’administration, qui m’a demandé de ne pas faire de différence entre le privé et le public et de voir l’intérêt de l’entreprise. J’ai saisi le ministère, qui ne s’est pas opposé au placement au niveau de la banque Khalifa. En 2003, nous avons déplacé 50 millions de dinars, et Khalifa Airways a signé le contrat d’assurance pour 50 millions de dinars. Il n’y a eu que 7 millions de dinars de sinistralité.» Maâmar Habbach, directeur général de l’OPGI de Annaba, confirme avoir signé les conventions de placement pour un montant global de 250 millions de dinars, après avoir informé le ministre de l’Habitat et obtenu la validation du conseil d’administration.

Il précise que les cadres qui ont obtenu des crédits au niveau d’El Khalifa Bank, n’engagent que leur personne. En 2002, il a été nommé à la tête de l’OPGI de Batna, et il décide de reconduire le dépôt de 480 millions de dinars, effectués par son prédécesseur, en confirmant que l’office a signé une convention avec la banque pour l’obtention de crédits bonifiés. Au procureur général, il déclare que des cadres de Khalifa, dont Belaïd Kechad, directeur de l’agence de Blida, sont venus le voir à deux reprises pour lui faire des propositions sur les placements.
Salima Tlemçani