Procès Khalifa: La colère de Soltani

La colère de Soltani

El Watan, 11 février 2007

Bouguerra Soltani, ministre d’Etat sans portefeuille, ancien ministre du Travail, a été entendu hier en tant que témoin par le tribunal criminel de Blida dans le cadre de l’affaire Khalifa sur le volet des placements effectués par les caisses de la Sécurité sociale.

Le numéro un du parti du MSP était nerveux et parfois s’emportait au point d’être rappelé à l’ordre par la présidente. Le premier incident avec le tribunal est provoqué par un de ses gardes du corps, resté debout en plein milieu de la salle. La présidente ordonne qu’il quitte la salle. « Nous n’avons pas besoin de gardes du corps dans la salle. Ici c’est un tribunal », dit-elle aux agents de l’ordre présents. Ces derniers dirigent le garde du corps vers la sortie. Avec un arabe très châtié et une voix qui porte, il commence par relever que la composante du conseil d’administration de la Cnas lui posait problème du fait qu’elle était constituée de 18 membres de l’UGTA sur 29 et que l’Etat n’était représenté que par deux personnes. Il est catégorique à propos des placements qui auraient eu lieu selon lui après son départ. Il déclare n’avoir jamais été informé par Abdelmadjid Sidi Saïd de la résolution du 12 février 2002. « Les seules lettres que je recevais de Sidi Saïd étaient celles des félicitations à l’occasion de ma nomination, du 5 juillet, du 24 février, du 1er novembre », explique-t-il. La présidente lui fait savoir qu’en sa qualité de ministre avait-il demandé des comptes au président du conseil. Bouguerra Soltani : « Lorsque j’ai reçu la résolution portant sur les augmentations de 46% des salaires du personnel des caisses, je n’étais pas d’accord, d’autant que la Fonction publique venait de procéder à un relèvement de 10% des salaires. J’ai attiré l’attention des membres du CA et ils m’ont répondu qu’ils sont les seuls responsables du respect de l’équilibre financier des caisses. Il est important que le tribunal sache que l’empire Khalifa est apparu bien après moi et non pas durant mon mandat. Je défie quiconque de m’apporter une preuve que les placements ont été effectués à mon époque. » La présidente lui demande s’il a été informé un jour des dépôts. Bouguerra Soltani : « Si les membres du CA ne m’informent pas, comment voulez-vous que je sois au courant ? Nous ne gérons pas les institutions de l’Etat avec de l’espionnage. » Le procureur général lui fait savoir que le premier dépôt de la Casnos a été effectué en mai 2001. Le ministre conteste. Le magistrat revient à la charge et lui rappelle les propos du DG de la Casnos, Hacène Boubetra, qui déclarait que c’est sur ordre du ministre que les dépôts ont été effectués. « Ce n’est pas vrai. Boubetra se plaignait des agissements du SG de l’UGTA à son encontre du fait qu’il n’était pas confirmé dans son poste. » La juge : « Avez-vous été informé par d’autres canaux de ces dépôts ? » Le ministre : « J’ai eu vent d’intentions, mais celles-ci ne peuvent être condamnées par la loi. » Il affirme avoir eu écho de ces placements bien après son départ du ministère. La juge : « Qu’avez-vous fait ? » Le ministre : « Quand je quitte mon poste, je n’y reviens plus. C’est comme une femme qui une fois divorcée, je ne retourne plus la voir. » Le procureur général revient sur les propos de Boubetra, et le ministre déclare qu’il s’agit de propos creux et insensés. Au sujet de l’instruction du ministre des Finances, Bouguerra Soltani déclare qu’elle a été faite fin 2001, alors qu’il n’était plus en poste. Me Meziane, avocat de la banque El Khalifa en liquidation, l’interroge sur une correspondance signée de sa main et portant sur l’approbation du placement des avoirs des caisses dans les banques, sans préciser bien sûr El Khalifa. Le ministre réagit violemment. « Je conteste ce document. C’est un faux et je demande qu’une enquête soit ouverte », déclare-t-il. La présidente précise à l’avocat que le document n’existe pas dans le dossier et n’a donc pas à être pris en considération. Interrogé sur la signature du contrat avec Abdelmoumen portant sur le financement des micro-crédits destinés aux jeunes, le ministre répond : « Posez cette question à l’Agence du développement social. » Me Meziane : « Avez-vous ordonné cela ? » Le témoin sort de ses gonds. « Jamais je n’ai donné d’ordre. Il n’y a jamais eu de dépôt à mon époque ya soubhane Allah (que Dieu est grand ) », dit-il en colère. La présidente lui demande de ne pas s’emporter et de répondre avec respect. Me Aït Larbi lui demande si des personnalités politiques sont impliquées dans cette affaire, et avant même qu’il ne donne la réponse, la présidente rejette la question. Au sujet de ses rencontres avec Abdelmoumen, il déclare qu’il l’a vu qu’une fois au Hilton lors de la cérémonie de remise des certificats de transport aérien. « J’ai même regretté d’être allé parce qu’il y avait trop de monde. Il y avait de tout, une khalota (l’anarchie). C’était au mois d’août, il faisait chaud et tout le monde était autour de la piscine », explique-t-il.

Salima Tlemçani