Les avocats de la partie civile exigent que la Banque d’Algérie rembourse les déposants

Invoquant la loi sur la monnaie et le crédit

Les avocats de la partie civile exigent que la Banque d’Algérie rembourse les déposants

Par Faouzia Ababsa, La tribune, 21 février 2007

Les parties civiles ont poursuivi hier leurs plaidoiries pour le compte des victimes d’El Khalifa Bank. Elles ont été unanimes à pointer du doigt la Banque d’Algérie comme responsable civile à laquelle échoit l’obligation de rembourser les déposants, personnes physiques ou morales. C’est Me Hadjar (plaidant pour le compte de la CNAC et du Fonds de garantie des risques de microcrédit) qui soulèvera la problématique en expliquant que ses clients ne pouvaient en aucun cas attendre un quelconque remboursement de la part de la liquidation, parce que celle-ci devra respecter la liste des privilégiés, conformément à l’article 993 du code civil qui dispose que «les créances suivantes ont privilège sur tous les biens, meubles ou immeubles, du débiteur : les sommes dues aux gens de service, aux commis, ouvriers et à tous autres salariés pour leurs salaires et appointements de toute nature durant les douze derniers mois, les sommes dues pour fournitures de subsistance et habillement, faites au débiteur et aux personnes qui sont à sa charge, pour les six derniers mois, la pension alimentaire due par le débiteur aux personnes de sa famille pour les six derniers mois. Ce privilège s’exerce même si les meubles appartiennent à l’épouse du preneur ou à un tiers, tant qu’il n’est pas prouvé que le bailleur connaissait, au moment où ces meubles ont été introduits, l’existence du droit du tiers sur ces meubles et ce, sans préjudice des dispositions concernant les meubles volés ou perdus.
Le privilège s’exerce également sur les meubles et la récolte appartenant au sous-preneur, si le bailleur avait expressément interdit la sous-location. Si la sous-location n’a pas été interdite, le privilège ne peut s’exercer que jusqu’à concurrence des sommes dues par le sous-preneur au preneur, au moment de la sommation faite par le bailleur. Ces créances privilégiées sont payées sur les prix des biens grevés après les créances ci-dessus mentionnées, à l’exception de celles dont le privilège n’est pas opposable au bailleur en tant qu’il est possesseur de bonne foi. Si les biens grevés sont déplacés des lieux loués, nonobstant l’opposition du bailleur ou à son insu et qu’il n’y reste pas de biens suffisants pour répondre des créances privilégiées, le privilège subsiste sur les meubles déplacés sans préjudice des droits acquis par les tiers de bonne foi. Le privilège subsiste, même au préjudice des droits des tiers pendant trois ans du jour du déplacement, si le bailleur a pratiqué sur les biens déplacés une saisie-revendication dans le délai légal. Toutefois, le bailleur doit rembourser le prix de ces biens aux tiers de bonne foi qui en font l’acquisition, soit dans un marché, soit aux enchères publiques, soit d’un marchand qui fait commerce d’objets semblables». C’est pourquoi, estiment les parties civiles, la banque des banques est mise dans l’obligation d’intervenir par le biais de la Caisse de garantie des dépôts conformément à l’article 170 de la loi 90-10 sur la monnaie et le crédit : «Les banques devront souscrire au capital d’une société par actions de garantie des dépôts bancaires en monnaie nationale. La Banque centrale est habilitée à agir comme fondateur unique de cette société sans souscrire des actions de son capital. Outre les actions détenues par elle, chaque banque sera tenue de payer une prime annuelle de garantie de 2% au plus du montant de ses dépôts en monnaie nationale que déterminera le conseil chaque année […]. Cette garantie ne pourra être mise en jeu qu’en cas de cessation de paiement de la banque […]. La garantie des dépôts bancaires constitue une garantie d’intérêt public, à ce titre, elle ouvre droit au paiement d’une prime par le Trésor public, qui sera prévue et payée conformément aux procédures budgétaires en vigueur à la société des dépôts et qui sera égale à celle payée par l’ensemble des banques […].»

«Abdelmoumene Khalifa était protégé par les plus hauts responsables de l’Etat»

Les avocats des victimes qui se sont succédé hier à la barre pour faire valoir les droits de leurs clients victimes ne se sont pas contentés de demander au tribunal criminel d’accepter qu’ils se constituent partie civile. Ils ont tenté d’expliquer les causes ayant produit les effets désastreux dont leurs clients font les frais aujourd’hui. La plupart de ces défenseurs étaient convaincus que Abdelmoumene Khalifa ne pouvait agir seul. «Sous quelle protection était-il ?» s’est interrogé Me Mahfoudi qui agissait pour le compte de l’EDIMCO Chlef : «C’est un véritable nabab qui a agi en plein laxisme. Sous la protection d’un groupe d’escrocs, de corrompus, occupant les plus hautes responsabilités de l’Etat. Ils sont complices de Moumene. Ils sont les héritiers de la cinquième colonne», dira l’avocat.
Nous lui demanderons dans les coulisses à qui il faisait allusion, il nous dira qu’il s’agit en fait de ceux qui ont servi l’armée française. Nous comprendrons qu’il est finalement question de la fameuse promotion Lacoste.
Me Mahfoudi n’y ira pas de main morte dans sa plaidoirie. «La tare n’est pas dans les lois. Celle de la monnaie et du crédit est inspirée de la loi française. Qui, appliquée à la lettre, a évité ce genre de situation. La tare est dans les personnes.»
L’intervenant reprendra l’intervention de Mourad Medelci qui avait déclaré lors de son passage devant le tribunal qu’il n’avait pas été assez intelligent pour réagir et que les inspecteurs n’étaient pas assermentés. «Il fallait invoquer la raison d’Etat devant le danger qui guettait même la sécurité du pays comme l’a affirmé un ministre devant 25 millions d’Algériens.» Et l’avocat de conclure : «Quand on sait avec quelle célérité nos responsables réagissent pour des affaires moins importantes, voire insignifiantes, on ne comprend pas qu’ils aient laissé faire dans ce scandale dont ils connaissaient les tenants et les aboutissants. Mais quand l’argent parle, la loi se tait.» Le même avocat reprochera à la liquidation de ne pas avoir déposé une plainte auprès du pénal et de s’être contentée du commercial. Les représentants des victimes ont, chacun en ce qui le concerne, fait part du préjudice causé. Pour les OPGI, les entreprises économiques ou les caisses, il s’agit de centaines de milliards. Des sommes mirobolantes qui donnent le tournis. «Même les animaux n’ont pas échappé à cette frauduleuse banqueroute», dira Me Abed qui ajoutera que le parc zoologique de Ben Aknoun dirigé à l’époque par Abdelaziz Djouhri a fait les frais de Khalifa, privant ainsi les animaux de repas et de soins.
F. A.