«L’Algérie a choisi d’investir sa rente»

Augmentation des salaires ou investissement?

«L’Algérie a choisi d’investir sa rente»

Le Quotidien d’Oran, 12 décembre 2005

Pour les experts de la Banque mondiale, l’Algérie a deux manières de dépenser sa rente: «soit qu’elle la distribue directement aux citoyens, soit qu’elle l’investisse dans son économie».

Venu à Alger pour présenter le rapport sur le développement dans le monde 2006, sur le thème de «Equité et Développement», l’économiste en chef et premier vice-président de cette institution, François Bourguignon a expliqué qu’il est clair que «l’Algérie a pris la décision d’investir sa rente dans le long terme». Et ce, à travers un premier plan de soutien à la croissance et un deuxième pour la consolidation de la croissance doté d’une enveloppe financière de 60 milliards de dollars.

Ne voulant visiblement pas rentrer dans le débat sur l’opportunité ou non d’une augmentation de salaires, qui a valu au directeur général du FMI une mise au point du gouvernement algérien, cet économiste a estimé que «la Banque mondiale n’a pas à intervenir dans cette question». Il indique, cependant, que «le gouvernement algérien n’a pas opté pour une solution de facilité» qui est, évidemment, celle des augmentations des salaires. Il a préféré, ajoute M. Bourguignon, «intervenir dans l’économie». Et «si les investissements décidés et financés par l’Etat sont couronnés de succès, on peut s’attendre qu’ils profitent à la société», conclut l’expert de la BM.

Plus clair, si besoin est, il explique qu’«une distribution immédiate de la rente pétrolière va pénaliser le secteur hors-hydrocarbures», de part l’impact que cela aura sur «le coût du travail». En d’autres termes, si le gouvernement consent à augmenter les salaires, le marché algérien perdra l’un des éléments qui le rend attractif vis-à-vis des investisseurs étrangers.

En l’occurrence le coût de la main-d’oeuvre. Rappelons que les opérateurs nationaux , notamment ceux du Forum des chefs d’entreprises (FCE), ont défendu l’idée d’une relance de l’économie à travers une relance du pouvoir d’achat des citoyens. Ils avaient, pour rappel, revendiqué un SNMG à 15.000 DA. S’agissant du rapport de la Banque mondiale sur le développement dans le monde, M. François Bourguignon a expliqué que le travail des experts sur le thème susmentionné les a amenés à conclure qu’un accès équitable de tous les membres de la société à une éducation de qualité, aux soins, aux crédits,… donne une économie plus efficace et une croissance qui contribue à réduire la pauvreté. «Quand une population n’a pas accès à des facilités, c’est un potentiel économique qu’on perd», affirme-t-il. Le principal message, lit-on dans le rapport de la BM, «est que l’équité est un élément complémentaire de poursuite de la prospérité à long terme. Les institutions et les politiques qui visent à promouvoir l’égalité des chances, autrement dit à donner à tous les membres de la société les mêmes possibilités de devenir socialement actifs, politiquement influents et économiquement productifs, contribuent à promouvoir une croissance et un développement durables». En Algérie, remarque le vice-président de la banque, «les caisses sont bien remplies et l’économie en pleine croissance». Pourtant, poursuit-il, «le chômage demeure important». Ce qui veut dire, conclut M. Bourguignon, qu’il existe un problème évident d’équité et d’inégalité d’accès à l’emploi. Un état de fait qui peut s’expliquer par «l’inadéquation entre le système éducatif et les besoins du marché de l’emploi». Mais, le problème peut être pris en charge car «le gouvernement algérien a ouvert le débat et la réflexion sur le système éducatif», ajoute ce même responsable.

Ce même constat est valable dans l’accès aux crédits bancaires. A ce propos, les experts notent qu’en fait c’est «tout le système bancaire algérien qui est inefficace et qui donne des résultats contraires aux objectifs qui lui sont assignés».

Ghania Amriout