L’informel et la contrefaçon connectés à l’importation

Selon les résultats d’une investigation de l’UGCAA

L’informel et la contrefaçon connectés à l’importation

El Watan, 14 août 2011

Les liens étroits entre l’importation, le marché informel et la contrefaçon menacent de venir à bout de ce qui reste de l’économie algérienne.

Certains importateurs sont les vrais gestionnaires des réseaux du commerce informel et de la contrefaçon en Algérie. A en croire les constatations de l’Union générale des commerçants et des artisans algériens (UGCAA), «les patrons de l’import-export sont les fournisseurs et les gestionnaires du marché noir». Par souci de comprendre les dessous et de lutter contre l’informel, un groupe de commerçants, membres de l’UGCAA, a songé à une investigation auprès des distributeurs et des grossistes. Le résultat de cette mini-enquête est relaté par Boulenouar Hadj Tahar, porte-parole de l’UGCAA : «Le nombre des importateurs qui traitent avec le commerce informel a atteint des chiffres alarmants.» Selon le constat de l’UGCAA, ces hommes d’affaires préfèrent le marché noir pour les facilités qu’il présente. «Il est plus facile et plus rentable d’écouler la marchandise par les voies informelles. Mais c’est aussi une manière de fuir le fisc», indique M. Boulenouar.

Devant cet état de fait, les commerçants réguliers ont exprimé leurs craintes de voir les «fournisseurs leur tourner le dos» en faveur des commerçants informels. D’après les conclusions de l’UGCAA, l’attitude de ces importateurs nuit davantage à l’économie algérienne, sachant que le commerce parallèle est bourré de produits contrefaits. «Nous avons discuté avec des représentants de l’ambassade de Chine à Alger concernant la contrefaçon. Ils nous ont assuré qu’aucune entreprise chinoise n’est impliquée dans l’importation de marchandise contrefaite vers notre pays. Ce sont des importateurs algériens qui prennent contact directement avec des entreprises chinoises de contrefaçon pour commander des produits à bas prix», révèle le porte-parole de l’UGCAA. Ce dernier indique, à titre d’exemple, que 60% des cigarettes et 40% des produits cosmétiques proposés sur le marché algérien sont contrefaits. Pire encore, dit-il, 20 000 tonnes de pièces détachées sur les 50 000 importées annuellement sont contrefaites.

La cause principale de la prolifération de produits contrefaits importés dans nos marchés est «la passivité de l’Etat avec ces importateurs malsains ; il ne s’occupe que des petits marchands distributeurs», selon l’UGCAA. «Il est vrai qu’une quantité de produits contrefaits est acheminée vers notre pays par des contrebandiers mais la quasi-totalité de la marchandise frauduleuse passe par nos ports», affirme encore M. Boulenouar. Et d’ajouter : «La loi est stricte avec les détaillants mais elle ne l’est pas avec les importateurs. Après les émeutes de janvier dernier, le gouvernement a fait plus de concession aux importateurs. Si ça continue comme cela, quelques importateurs pourront, d’ici quelques mois, prendre en otages toutes les décisions émanant du gouvernement. D’ailleurs, on a fait marche arrière concernant la généralisation de l’utilisation du chèque dans les transactions qui dépassent les 500 000 DA.»
Les liens étroits entre l’importation, le marché informel et la contrefaçon menacent de venir à bout de ce qui reste de l’économie algérienne. Les chiffres dévoilés par l’UGCAA sont plus expressifs : plus de 100 milliards de dinars, en devises, circulent dans le marché parallèle et 30 000 sociétés d’import-export sont déclarées en Algérie dont 25 000 ne font que de l’importation.
Samir Ghezlaoui