L’opposition à l’exploitation des gaz de schiste tente de s’organiser en Algérie et au Maghreb

L’opposition à l’exploitation des gaz de schiste tente de s’organiser en Algérie et au Maghreb

Nejma Rondeleux, Maghreb Emergent, 01 Janvier 2013

Contrairement aux prédictions de l’hebdomadaire français Le Point, nombre de collectifs algériens ont réagi aux récentes révélations sur un futur accord autorisant des recherches françaises en Algérie sur des « alternatives à la fracturation hydraulique » pour l’exploitation des gaz de schiste. Ailleurs au Maghreb aussi, les militants de l’environnement et des droits citoyens sont animés de la même volonté d’empêcher la « catastrophe environnementale » que provoquerait, selon eux, l’exploitation de cette problématique source d’énergie.

La révélation, mi-décembre dernier, par la presse française, d’un futur accord permettant à la France d’expérimenter, sur le territoire algérien, une « alternative à la fracturation hydraulique » pour l’exploitation du gaz de schiste a suscité une vague de protestation en Algérie. Cette contestation s’est manifestée sous la forme de communiqués, de déclarations et d’appels émanant de personnalités publiques mais surtout de collectifs mobilisés de longue date contre la très problématique exploitation de cette source d’énergie et dont cette révélation est venu resserrer les rangs.

« Les Algériens ne risquent pas de râler », prédisait l’hebdomadaire français Le Point dans un court article paru le 20 décembre. Le démenti ne s’est pas fait attendre. Le jour même, dans un article intitulé « Gaz de schiste : la France les exploitera en Algérie » publié sur son blog, le Collectif national pour les libertés citoyennes (CNLC) réagissait aux « confidences » du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, révélées par Le Point. Dénonçant une « perspective scandaleuse et condamnable », il a mis en doute l’existence d’une technique « alternative à la fracturation hydraulique » qui a servi de justification à la décision de l’accord. Il a comparé les « recherches » envisagées » par avec les Français en Algérie aux essais nucléaires français à Reggane, dans le Sahara algérien ; en 1960.

« Nous refusons que l’Algérie soit un champ d’expérimentation sous prétexte que la fracturation hydraulique horizontale est interdite en France », martèle le porte-parole du CNCL, Kader Affak. « Nous nous sommes mobilisés dans le but de débattre d’un plan d’action pour nous opposer aux projets d’exploitation du gaz de schiste qui révèle toute l’opacité entourant la pratique du pouvoir », explique-t-il.

Appel au vote d’une loi interdisant l’exploitation du gaz de schiste

Les premières réactions à chaud passées, une déclaration paraissait deux jours plus tard appelant à une « loi interdisant définitivement toute fracturation hydraulique ». Signée à Oran à l’issue d’une conférence ayant pour thème « la problématique du gaz de schiste entre le droit à l’information et le droit à la décision », cette déclaration avait été initiée par le Collectif euromaghrébin anti-gaz de schiste. Elle prenait acte des deux forages d’exploration exécutés par la société Sonatrach appelant à l’annulation des permis les autorisant.

« Cette déclaration publique s’inscrit dans la droite ligne de nos activités », explique Moussa Kacem, coordinateur de ce collectif. « (Notre) mouvement a commencé en juin 2012 par une pétition contre le lancement du premier forage de gaz de schiste dans le bassin de l’Ahnet. Puis nous sommes entrés en contact avec des activistes anti-gaz de schiste au Maghreb et en Europe et nous avons organisé plusieurs rencontres et conférences », poursuit cet enseignant à l’Université d’Oran, spécialiste en environnement, mines et carrières.

Outre le travail de terrain, le Collectif, animé par une cinquantaine de personnes en Algérie et soutenu par plusieurs ONG françaises, publie régulièrement, sur son blog, des articles et vidéos de la presse nationale et internationale sur la question de l’exploitation du gaz de schiste.

Mobilisation maghrébine

Des voix s’élèvent contre l’exploitation du gaz de schiste au Maroc et en Tunisie aussi. Les militants de cette cause environnementale tentent de se rassembler sur le web en priorité mais aussi d’organiser des activités communes dès que l’occasion s’en présente.

Ainsi, le 8 décembre dernier, une Conférence maghrébine pour lutter contre la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste s’est-elle tenue à Oujda, au Maroc. Organisée par l’association Espace de solidarité et de coopération de l’oriental (ESCO), elle s’est achevée par une déclaration affirmant une « ferme opposition à l’emploi de la technologie de fracturation hydraulique pour l’exploitation du gaz de schiste au Maghreb et ailleurs ». Elle a appelé « les gouvernements des pays maghrébins à opter pour le principe de précaution (…) et pour un mix énergétique respectueux de l’environnement et de la santé publique, humaine et animale ».

« La déclaration de la Conférence maghrébine d’Oujda est née dans ce climat de concertation et d’échange entre nos amis maghrébins », raconte Mohamed Benata, président de l’ESCO qui tente de mobiliser la société civile marocaine, par le biais des réseaux sociaux, d’Internet et de campagnes d’information.

Lire aussi : « Gaz de schiste : une confidence de Fabius sur un accord avec l’Algérie fait des vagues »