La planche à billets affole le marché informel des devises: Le dinar au plus bas

La planche à billets affole le marché informel des devises: Le dinar au plus bas

par Sofiane M., Le Quotidien d’Oran, 30 septembre 2017

Le dinar continue sa descente aux enfers sur le marché parallèle de devises.

Cette dégringolade de la monnaie nationale ne présage rien de bon pour l’avenir de notre économie. Le marché informel des devises est à l’affût du moindre aléa. Le cours reste très volatile. Il évolue de jour en jour parfois d’heure en heure et certains n’hésitent aucunement à profiter de la panique des acheteurs pour faire le maximum de gains. Un euro se négocie entre 196 et 203 dinars à l’achat, alors que pour la vente le taux varie entre 197 et 210 dinars. Cette dégringolade de la monnaie nationale risque d’empirer dans les semaines à venir, prévient un intervenant dans le marché parallèle qui promet un cours d’un euro pour 300 dinars en 2018 si rien n’est fait par le gouvernement pour sauver le dinar. La baisse de la monnaie nationale est certes liée à une conjoncture économique difficile du pays en raison de la chute drastique des recettes pétrolières et l’explosion de la facture des importations, mais pour de nombreux observateurs avisés, cette situation est une conséquence logique d’une perte de confiance des Algériens dans leur monnaie nationale. Que vaut un dinar? Les Algériens ont-t-il confiance dans leur monnaie nationale ? Faut-t-il sauver le dinar ou le laisser sombrer pour opter pour la démonétisation? Avoir confiance dans un bout de papier, c’est surtout avoir confiance dans l’institution qui le légitime. Le mot fiduciaire signifie d’ailleurs confiance en latin. La confiance institutionnelle et politique qui lie un Etat à un billet de banque est malheureusement rompue en Algérie. Et ce n’est pas ces milliers de cadres et dirigeants politiques qui ont acquis des biens immobiliers et ouvert des comptes bancaires à l’étranger qui diront le contraire. La dégringolade du dinar est en fait un symptôme d’une crise plus profonde. La chute du dinar s’est aggravée après la sortie médiatique du Premier ministre qui avait annoncé le recours à la planche à billets pour résorber le déficit budgétaire. Depuis, le marché des devises est suspendu aux déclarations des membres du gouvernement. Il suffit aujourd’hui d’une déclaration mal interprétée ou d’un mot mal placé pour affoler le marché. La balle est désormais plus que jamais dans le camp des politiques. La ruée des Algériens vers l’euro crée un début de pénurie sur le marché parallèle. Les cambistes arrivent difficilement à satisfaire toute la demande. « Il faut connaître la bonne adresse pour acheter une somme moyenne de 5.000 euros sur le marché parallèle », avoue un courtier. Des «grossistes» du marché parallèle trouvent actuellement des difficultés pour satisfaire leurs clients. «L’euro se fait rare à cause de l’assèchement de la principale ressource du marché : la contrebande. Le marché informel était approvisionné régulièrement en devises par les contrebandiers. Le renforcement des contrôles sur les frontières provoque une rareté des devises», confie un autre cambiste.

Le moral des opérateurs économiques au plus bas

Le moral des opérateurs économiques est au plus bas depuis le début de 2017, face à la poussée de l’inflation, nourrie par la chute du cours officiel et informel qui renchérit le coût de tous les biens importés ou produits localement. Récession économique, durcissement du commerce extérieur, hausse des coûts des produits, promesses de hausse des taxes… il n’y a pas de quoi être optimiste dans ces temps plus qu’incertains. «Le marché plonge dans la récession. Je grignote les marges bénéficiaires pour tenir tête à la concurrence. Mes marges bénéficiaires ont chuté de 15 à 5% en raison de la baisse du cours de change officiel du dinar. L’euro a frôlé la barre des 135 dinars dans les banques (133 dinars à l’achat et 134 à la vente), ce qui a faussé tous les calculs des opérateurs du commerce extérieur. Aujourd’hui, je n’arrive plus à satisfaire mes engagements avec mes fournisseurs étrangers. Je vais annuler des commandes en raison de la baisse du cours officiel. Les prix des produits importés devront exploser dans les mois à venir. On est dans une situation où tout le monde sera perdant : les consommateurs devront payer plus cher, les commerçants verront leurs chiffres d’affaires chuter et le gouvernement souffrira d’un recul de la fiscalité», avertit cet investisseur. Le gouvernement a ainsi opté pour une politique monétaire dangereuse et contre-productive pour résorber les déficits budgétaires. Les couches déshéritées et « moyennes » de la société seront les premières victimes de ces errements économiques.