Smain Kouadria : « Haddad représente l’Etat parallèle »

Smain Kouadria : « Haddad représente l’Etat parallèle »

El Watan, 12 juin 2015

Les barons de l’import-import sont en train d’instaurer, via le FCE et avec la complicité du gouvernement, un véritable Etat parallèle, estime Smain Kouadria, député et ancien leader syndical. Entretien.

Vous avez avancé que la mafia de l’importation était derrière la fermeture de deux usines de production de la levure en Algérie. Le gouvernement parle, lui, de problème de pollution. Pourriez-vous nous donner plus de détails ?

Oui, les deux complexes de production de la levure de Bouchegouf à Guelma et de Oued Semmar, à Alger ont été fermés depuis 2009 à cause des lobbies de l’importation. D’ailleurs la facture d’importation de la levure en Algérie a atteint 130 millions de dollars. Le problème de la pollution ne se pose pas actuellement parce qu’on peut protéger l’environnement avec l’investissement technologique dans les process de production.

La cause réelle de la fermeture est la mafia de l’importation de la mêlasse de sucre de canne. Le fournisseur des deux complexes, le tarder J. Lion faisait les achat auprès de l’égyptien Delta Sugar, un des plus grands producteurs de sucre de canne, au prix de 111 dollars la tonne et revendait aux Algériens pour 170 dollars la tonne. C’est le groupe Eriad qui s’occupait des achats auprès du fournisseur privilégié J. Lion. La mafia de l’importation détenait le monopole de ces transactions d’achat en bénéficiant d’une marge de bénéfice de 50 dollars la tonne. Comment voulez-vous que ces complexes soient rentables ?
Quand le gouvernement parle de la rentabilité financière, il faut penser à la mauvaise gestion et aux transactions douteuses.

Vous avez évoqué aussi des négociations autour de l’ouverture du capital de l’usine de fabrication de cycles et motocycles Cycma de Guelma…

J’ai des informations sûres. Le président de la SGP et le directeur général de Cycma ont entamée, il y a environs deux mois, des négociations pour l’ouverture du capitale de l’entreprise, avec un importateurs de fauteuils roulants qui possède un hangar et 4 travailleurs à Ain Taghrout Bordj Bou-Arréridj. Cet opérateur qui importe des pièces détachées qui il revend en tant que fauteuils roulant made In Algeria devrait acquérir 63 % du capital de Cycma en offrant 1 milliards de centimes. Le ministre de l’Industrie a démenti cette information mais il y a réellement des négociations.

Qu’en est-il du projet de partenariat avec BMW ?

Le projet de fabrication de motocycles de marque BMW à Guelma est tombé à l’eau. Personne ne veut donner les raisons. Il y a eu aussi un Vietnamien qui a présenté un dossier pour entrer dans le capital de Sigma. Son dossier a été refusé tout comme celui présenté par l’italien Scooter. On attend toujours l’arrivée éventuelle d’un partenaire étranger sur la base de la règle 15/49 %.

Ces opérateurs étrangers n’ont pas accepté la règle 51/49 % ?

Je n’ai pas les détailles mais on ne sent pas une volonté politique réelle de la part du gouvernement pour relancer l’industrie. Le ministre voyage à Washington, Londres, Paris etc, mais sur le terrain il n’y a rien de concret, plus particulièrement dans le domaine de l’industrie.

Pourquoi cette absence de volonté politique ?

Il y a un contre-pouvoir qui veut empêcher la réhabilitation du tissu industriel national pour maintenir les créneaux juteux de l’importation dans tous les domaines. Cette force, la nouvelle oligarchie, est organisée dans le cadre du FCE. Elle pèse de tout son poids pour que des décisions révolutionnaires de relance économique ne soient pas prises.

Le FCE est, pourtant, une organisation d’industriels et d’investisseurs …

Quels industriels ? Mis à part Rebrab, qui a d’ailleurs quitté le FCE, et deux ou trois autres investisseurs sérieux, la majorité de ses membres sont des opérateurs véreux qui veulent s’accaparer l’argent public sous couvert de l’investissement. Ils sont, pour la plupart, des barons de l’import-import qu’on doit combattre.

Comment expliquez-vous la montée de l’actuel président du FCE, Ali Haddad ?

C’est le pouvoir politique qui lui a ouvert ses portes. Il se permet de rencontrer des ambassadeurs et de leur parler de l’économie algérienne. Il est allé très loin encore en convoquant des ministres. Il n y a que Youcef Yousfi (ex-ministre de l’Energie ndlr) qui a eu l’audace de ne pas le recevoir. Sinon, les autres ministres font la queue pour qu’il les reçoive.
Cet individu représente un Etat parallèle qui est entrain de s’instaurer. Il représente la nouvelle oligarchie de l’argent sale qui investit la politique. Il faut s’attendre au pire !

Farouk Djouadi