Industrie: «Il n’existe pas de stratégie nationale»

INDUSTRIE

«Il n’existe pas de stratégie nationale»

Le Quotidien d’Oran, 19 janvier 2006

L’Algérie a-t-elle une stratégie industrielle ? En a-t-elle besoin ? C’est à ces deux questions que l’on peut résumer le débat organisé hier au forum El Moudjahid. Pour les représentants du ministère de l’Industrie, le travail de prospective a été fait du moment que la réflexion a été menée sur la stratégie du secteur selon les filiales. La nouvelle orientation du pays a induit un bouleversement qui dicte la nécessité de mise en place de nouveaux mécanismes normatifs et incitatifs afin d’impulser une dynamique de développement de l’entreprise et pour faire face à la concurrence découlant des engagements de l’Algérie avec l’UE et l’OMC. Le représentant de l’Industrie propose un diagnostic plus approfondi pour «voir comment se repositionner» dans le marché mondial. Un autre représentant du ministère rappellera que le dispositif législatif, normatif national a été adapté à la nouvelle donne et que les textes sont désormais compatibles.

Pour M. Bensaci, président du conseil consultatif pour la promotion de la PME-PMI qui considère que le secteur privé a pris la relève dans le développement économique, l’accord d’association avec l’UE et l’adhésion à l’OMC «ne devraient pas être un motif pour oublier l’essentiel, à savoir avoir une véritable stratégie industrielle». Il a souhaité, par ailleurs, que le développement de la PME s’oriente vers la sous-traitance. Cela va sans dire que cette action devra s’appuyer sur le règlement de tous les problèmes rencontrés par les investisseurs tels que le foncier industriel, les lourdeurs bureaucratiques, le poids de la fiscalité, la formation…

Plus optimiste, un autre intervenant a mis l’accent sur les potentialités du pays en matière de disponibilité financière, ressources humaines et en tant que marché. «L’Algérie a une chance», dit-il tout en insistant sur la stratégie devant mener surtout à gagner des parts du marché intérieur et à s’installer dans le marché extérieur. Directement concerné, M. Chehboub, patron de la SNVI, a déploré le temps perdu pour l’élaboration de la stratégie des filières. Il a émis le souhait que soit réunie l’expertise nationale puisqu’elle existe. Le patron de Gipec, Mustapha Merzoug, a relevé de son côté «l’insuffisance de cadres de concertation». Il a suggéré «une approche concertée et négociée».

L’économiste et représentant de l’UGTA, Chafik Ahmin, a rappelé que «la centrale syndicale a toujours revendiqué une stratégie industrielle devant être intégrée dans le cadre global du développement national». Preuve de l’absence d’une stratégie, «l’Algérie continue de fonctionner avec des lois de finances annuelles». La stratégie économique nécessite, selon lui, avant tout «une politique industrielle». Il faut également, a-t-il insisté, déterminer les filiales, les moyens et les instruments pour ces filiales, le rôle de l’Etat, le secteur public, privé, les services publics. «La seule stratégie que l’on nous propose est la privatisation. C’est comme s’il s’agit d’une stratégie industrielle», a-t-il indiqué en précisant qu’on ne peut pas négocier une place dans l’OMC sans une stratégie industrielle. Il a dénoncé, d’une manière à peine voilée, la marginalisation des partenaires. «Les partenaires sociaux ne sont même pas associés dans les opérations de privatisation», dit-il.

L’Algérie est obligée de se mobiliser et faire des efforts dans la formation, a estimé M. Parlatori, représentant de l’Onudi. Il considère que la confrontation internationale est une opportunité pour l’Algérie. Il a par ailleurs rappelé les instruments mis en place tout en reconnaissant que les choses vont doucement. Toutefois, a-t-il précisé, c’est aux acteurs économiques, aux entrepreneurs de faire un effort pour imposer le changement politique. On aura compris qu’effectivement, d’après les propos des uns et des autres, malgré les efforts, il n’existe pas de prospective industrielle, de stratégie et de politique industrielles.

Ce qui donne une certaine légitimité aux soucis des opérateurs et des partenaires sociaux.

R. N.