Conclusion de la commission d’enquête sur le séisme de Boumerdès

Conclusion de la commission d’enquête sur le séisme de Boumerdès

4 000 entrepreneurs devant la justice

Par Badreddine Khris, Liberté, 14 avril 2005

Ces entrepreneurs qui ont construit les immeubles effondrés, suite au séisme du 21 mai 2003, doivent répondre de la conformité de leurs réalisations et expliquer les malfaçons constatées après la catastrophe.

Quatre mille responsables d’entreprise ainsi que des responsables d’organisme, activant dans le domaine de la construction, sont auditionnés depuis six mois par le parquet de Boumerdès dans le cadre de l’enquête diligentée par le ministère de l’Habitat et del’Urbanisme (MHU) relative aux effondrements d’immeubles provoqués par le séisme du 21 mai 2003, a confié une source proche du parquet de Boumerdès. Suite au rapport élaboré par la commission d’enquête (administrative), nommée par le MHU, et au dépôt de plainte de ce dernier, une enquête a été ouverte depuis six mois. Les personnes convoquées (concernées par l’acte de bâtir) travaillent dans diverses entreprises, des bureaux d’études, à l’OPGI, l’EPLF, le CTC et les bureaux de contrôle.
Les unes sont entendues pour des clarifications et les autres afin de situer leurs responsabilités dans la catastrophe du 21 mai 2003. Elles ont été appelées pour répondre à des questions précises qui touchent directement la problématique des sinistres enregistrés lors du séisme. Des explications et des justifications sont demandées à chaque responsable.
Les questions concernent d’abord la fiabilité du zonage sismique de la région du littoral centre (Alger, Boumerdès et Tipasa). Il s’agit, en fait, de savoir si cette région a été sous-classée et sous-estimée sur le plan de l’intensité sismique probable ou bien, serait-ce la faute humaine liée à la construction, aux mauvais matériaux, à l’inadéquation des études et de la conception qui sont la cause des effondrements et de la perte en vies humaines.
L’autre question : est-ce que la réglementation, qui était en vigueur avant le séisme du 21 mai 2003, était assez préventive du point de vue scientifique pour éviter le basculement d’immeubles et des mécanismes “en mille feuilles” de plusieurs dizaines de bâtiments ?
Le parquet s’est également interrogé sur les études géotechniques qui représentent la base fondamentale pour la conception des infrastructures d’ouvrages. Celles-ci sont-elles correctes ? Selon le langage des scientifiques, ces études étaient-elles dynamiques ou statiques ? Les effets de site ainsi que ceux induits tels que la liquéfaction de sol, l’éboulement, les glissements en grande masse ont-ils été pris en charge lors des études de projets lancés dans la région de Boumerdès et d’Alger ? Il s’avère que tous ces éléments, confirme notre source, ont été occultés dans les différentes conceptions d’ouvrages tels que les grands équipements, les immeubles d’habitation, les barrages… Ils sont totalement ignorés et ne sont nullement quantifiés dans un quelconque code ou DTU (règle technique) ; ils représentent les causes principales de l’ensemble des sinistres préjudiciables des effondrements spectaculaires d’ouvrages. La qualification des entreprises réalisatrices et des bureaux d’études concepteurs des immeubles qui se sont effondrés a été également remise en cause par le parquet de Boumerdès.
À titre illustratif, certaines sources avancent qu’un ancien marchand de fruits et légumes s’est reconverti en entrepreneur dont les bâtiments sont tombés comme un château de cartes.
Cet état de fait est l’une des conséquences de la réglementation pré-séisme. Il est vrai que le tremblement de terre, qui a frappé plusieurs contrées du littoral au Centre, a été à l’origine de dégâts importants. Il n’en demeure pas moins qu’il a permis de renverser la situation, de disqualifier des entreprises et des bureaux d’études non qualifiés et de situer les responsabilités de chaque personne impliquée dans l’acte de bâtir en Algérie. Par des questions précises, concises, posées par le parquet et auxquelles toute personne impliquée doit apporter des réponses adéquates sans philosophie ni démagogie, il apparaît clairement que la procédure d’enquête est menée avec minutie, avancent notre source.
Par ailleurs, la rigueur du magistrat chargé de ce lourd dossier a été observée.
D’ailleurs, le fait que le juge a consulté des scientifiques et des spécialistes de renommée nationale, voire mondiale semble renseigner, si besoin est, que le parquet de Boumerdès est animé, aujourd’hui, d’une volonté d’aller jusqu’au bout de ses investigations, c’est-à-dire démasquer les responsables des négligences en matière de construction qui ont coûté tant de vies lors du séisme violent qui a frappé Boumerdès et Alger le 21 mai 2003.