Visas pour El Hadj, sectes et conversion au christianisme

AFFAIRES RELIGIEUSES ET WAKFS

Visas pour El Hadj, sectes et conversion au christianisme

Le Quotidien d’Oran, 25 décembre 2005

Le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs a affirmé que l’Arabie Saoudite a accepté d’augmenter le nombre de pèlerins algériens avec des conditions.

Il a en outre fait savoir que Sandouk Ezzakat a collecté cette année près de 60 millions de dinars dont 10 proviennent de Zakate El-Fitr.

C’est lors de son passage hier au forum de l’ENTV que Bouabdellah Ghlamallah a précisé les conditions acceptées par les autorités algériennes de celles saoudiennes pour réviser à la hausse le nombre de pèlerins pour cette année qui est passé ainsi de 32.000 en 2003 à 35.000 en 2005. «Les autorités saoudiennes nous ont posé des conditions dont l’une d’elles est qu’elles n’acceptent pas de délivrer le visa aux pèlerins qui voyagent à titre privé», a déclaré le ministre. Il fait savoir que le nombre toléré de pèlerins répond à des critères en vigueur dans le monde musulman et qui prennent en considération le nombre d’habitants des pays demandeurs. «Nous avons 120.000 demandes et nous ne pouvons pas répondre à toutes ces demandes, le tirage au sort sert à cela», a-t-il noté tout en reconnaissant «qu’il est évident que chacun a le droit d’aller au pèlerinage à titre privé mais ça dépasse le ministère et l’Algérie, c’est l’Arabie Saoudite qui refuse d’accorder le visa aux pèlerins qui n’ont pas réussi à obtenir le passeport par le biais de l’opération du tirage au sort qu’organise la commission nationale du Hadj». Le ministre affirme que c’est depuis ces trois dernières années que le royaume wahhabite applique cette directive à tous les pays musulmans. «S’il y a des personnes qui ont pu aider des pèlerins à obtenir le visa, je n’y vois pas d’inconvénient» a-t-il répondu à une question sur «les recommandations qui viennent de la Présidence» et autres. «Tous les visas pour La Mecque sont centralisés au niveau du centre informatique de Djeddah. C’est un pays qui veut s’organiser, nous n’avons pas le droit de nous immiscer dans ce qu’il décide», a-t-il ajouté pour plus de clarifications. Au propriétaire d’une agence de voyages privée qui l’a interrogé sur la possibilité d’affréter des avions pour la période du pèlerinage, le ministre lui répondra: «je ne suis pas chargé du transport, demandez-le aux ministère et compagnies concernés. J’ai souhaité qu’il y ait d’autres moyens de transports pour les pèlerins mais…» A propos des accompagnateurs, Ghlamallah indiquera qu’il en existe 3 pour 500 pèlerins. Il refusera de croire que des pèlerins algériens n’ont pas bénéficié de soins médicaux et exhortent ceux qui s’en plaignent de lui donner des noms, «parce que tout est informatisé, du nombre de hadjs auscultés au nombre de médicaments distribués».

Pour ce qui est du niveau de Sandouk Ezzakat, le ministre a estimé ces «avoirs» en 2004 à près de 50 millions de DA et à près de 60 pour cette année. «L’année dernière, ce sont 234 jeunes filles et jeunes hommes qui en ont bénéficié pour créer leur propre entreprise, et cette année, elles sont 620 personnes à l’avoir fait» a-t-il affirmé tout en lançant un appel à tous les citoyens pour participer à l’augmentation du niveau de Sandouk Ezzakat.

L’évangélisation a été le thème qui a suscité le plus de questions. Le ministre a commencé par présenter ses voeux sincères aux chrétiens à l’occasion du réveillon de Noël, tout en appelant à «l’instauration d’un dialogue constructif entre les religions et les civilisations». Il affirmera cependant, que «nous n’avons enregistré aucun musulman converti au christianisme et même s’il en existe, il ne relève pas d’un phénomène et je m’en tiens à la réalité pour dire ça». Le ministre s’est référé pour cela, au Chargé culturel des chrétiens en Algérie qui a déclaré, selon lui, à propos des «convertis de Mascara», que «personne ne s’est converti au Christianisme». A ce qui est dit par les médias européens au sujet de l’évangélisation en Algérie, le ministre rétorquera que «ce qui inquiète en France, c’est bien le nombre de Français qui se convertissent à l’Islam». Il n’a pas manqué de dire que «je ne suis pas contre ceux qui se convertissent au Christianisme ni à la religion juive mais qu’ils en soient convaincus».

A propos de la constitution de «sectes» religieuses, Ghlamallah lancera «qu’il n’est pas dans notre intérêt de donner de l’importance à l’évangélisation plus qu’elle n’en a», et reconnaîtra l’existence «de tentatives de constitution de sectes, ce n’est pas nouveau, nous avons 74 nationalités étrangères, il est évident que ce genre de choses existe à l’image de l’apparition du kamis et de la barbe». Il se dit persuadé, cependant, de la disparition de ce phénomène en raison, dit-il, «d’une prise de conscience et du sens de responsabilité chez nos imams et chez certains de nos professeurs d’universités». Il expliquera que les sectes ont commencé «dans les écoles et sont aujourd’hui dans les mosquées».

Pour y remédier, il appelle à une coordination entre les écoles, les lycées et les mosquées pour donner les orientations selon les normes religieuses telles qu’enseignées au niveau national. L’importation de la Bible a été possible, selon le ministre, sur autorisation des autorités concernées en réponse à une demande des responsables des églises en Algérie. «Nous n’avons pas peur de la Bible mais nous condamnons le fait qu’il soit remis à des «missionnaires» algériens de retour de pays étrangers, des textes audiovisuels enseignant le Christianisme, qu’ils distribuent à leur arrivée au port, c’est comme si on voulait faire comprendre que l’Algérie est un pays fermé et qu’il faut aider à son ouverture, c’est contraire à la morale !» estime-t-il. Les douanes algériennes en ont, selon lui, saisi un grand nombre «mais cela pose problème».

Enclenchant sur le rôle des mosquées, le ministre a souligné que «ce sont les imams qui font les prêches, mais les groupes, c’est terminé et l’imam qui a ça dans sa mosquée sera convoqué et devra rendre des comptes». Sur le sort des imams en Europe, le ministre estimera qu’il ne relève pas des autorités algériennes «tant que ces imams sont arrivés à ce poste à titre personnel sans passer par l’Etat algérien». Pour ce qui est de la formation des imams, il a avoué que la France a exigé des pays musulmans de les former conformément aux fondements de la République française. «Nous avons un programme de formation commun sur la base de ces références», a dit le ministre. «Nous n’avons pas d’imams en formation en Arabie Saoudite», a-t-il affirmé. La fermeture de l’école saoudienne à Alger lui fera dire que «comme les écoles privées, les écoles d’ambassades étrangères si elles sont ouvertes aux Algériens, doivent enseigner les programmes scolaires nationaux». Le ministre fera savoir que son secteur participe dans l’élaboration de la politique nationale scolaire ainsi que dans les programmes.

Le Mufti de la République est une institution dont le ministre souhaite la création. «C’est à l’étude, on attend et on souhaite qu’elle soit érigée prochainement», a-t-il déclaré.

Ghlamallah a estimé à 3.400 le nombre de projets de construction de mosquées. Pour ce qui est de celui d’une grande mosquée à Alger, il a indiqué que c’est la commune de Mohammedia qui va l’abriter «pour que la mosquée soit face à la mer et pour cela, nous avons lancé un avis pour choisir le bureau d’études et le 15 janvier prochain, nous le saurons». Le financement de ce projet qu’il qualifie de «grandiose» sera mixte, une partie à charge de l’Etat et une autre proviendra des participations des citoyens. Sa nécessité ? «Chaque époque a sa mosquée et celle de l’Indépendance n’en a pas à ce jour», répond le ministre.

L’Algérie possède, selon lui, 4.621 biens wakfs en plus des 15.000 mosquées. «Le problème réside dans le niveau de leurs rentrées financières qui reste faible parce que leurs loyers sont faibles», reconnaît-il tout en signalant que «la direction des Wakfs a 200 affaires devant la justice, soit pour la restitution de biens ou alors pour augmenter leur loyer». Elle cherche, selon lui, à investir pour augmenter ses ressources financières. A cet effet, à l’étude, la création d’une société de taxi-radio, la location de bus à Saouela pour une enveloppe de 150 milliards, de 140 commerces et logements en plus d’un centre commercial.

Ghania Oukazi