Le PAGS et le pays, cinquante années plus tard

Le PAGS et le pays, cinquante années plus tard

Sadek Hadjerès, El Watan, 31 janvier 2016

Un demi-siècle est déjà passé depuis 1966, l’année de la proclamation du PAGS.
Chacun sait qu’une date anniversaire ne peut pas être l’occasion à elle seule d’alimenter des évocations multiples ou une réflexion approfondie. C’est l’affaire, sur la longue durée, de tous ceux qui sont préoccupés par la continuité et l’avenir du mouvement social et démocratique algérien.

Pour aujourd’hui, je réduirai mon évocation à quelques réflexions que je crois essentielles pour l’avenir. Quant à des épisodes et problèmes non moins essentiels, il est possible de se référer à mes publications et interventions, dont nombre d’entre elles ont été consignées ou le seront plus tard sur mon site : Socialgerie.net.
En fait, il ne s’agit pas seulement de l’histoire du parti qui, en 1966, dans des conditions minoritaires très difficiles et complexes nées du coup d’Etat du 19 juin 1965, a pris la relève du PCA, parti de classe, lui-même né trente ans auparavant (1936) et aguerri par les luttes de Libération nationale.

Avec les 24 années d’action du PAGS et au-delà des débats et polémiques partisanes, il s’agit aussi en parallèle et en toile de fond du devenir d’un peuple, d’un Etat, d’une société et d’organisations politiques et associatives. Après l’indépendance, tous ont d’abord vécu (jusqu’en 1990) un quart de siècle marqué d’espoirs ardents mêlés de contradictions et de sérieuses incertitudes, puis (après la disparition du PAGS) un nouveau quart de siècle jalonné de déceptions amères et cruelles.

En cette date symbolique de janvier 1966 et avant d’aborder le fond des basculements politiques et sociaux évoqués, le cœur et l’émotion sont les premiers à parler. Ma pensée et mes sentiments vont à tous les militants et militantes sincères et innombrables, souvent anonymes, qui ont partagé nos épreuves communes. Ils n’ont écouté que leur cœur et leur conscience pour s’engager dans la cause de la justice et de la libération sociales. Ils n’ont marchandé ni leur temps, ni leur santé, ni leur statut professionnel.
Ils n’ont malheureusement pu protéger suffisamment le sort immédiat et à long terme de leurs familles et pour nombre d’entre eux jusqu’au sacrifice de leur vie.

Dans des cercles très larges de travailleurs et d’intellectuels, ce patrimoine humain et politique d’abnégation a laissé des traces indélébiles dans les cœurs et les mémoires. Avec l’expérience et le recul du temps, il a laissé aussi, après coup, à de larges milieux des enseignements positifs ou critiques de plus en plus reconnus comme dignes de réflexion, pour l’avenir d’une nation et d’un peuple confrontés aujourd’hui à de graves périls régionaux et mondiaux.

Quant à l’analyse des évolutions, j’ai été frappé par le fait global suivant qui dépasse le cadre du seul PAGS. Si on exclut les couches et cercles parasitaires, autoritaires et opportunistes, on peut considérer que toutes les composantes et forces vives politiques et sociales de la nation ont été simultanément touchées dans leur ensemble et à des degrés divers, d’abord par les évolutions ascendantes, puis par la dégradation générale survenue en Algérie. Jusqu’à sombrer, par étapes, vers la situation actuelle, face à des enjeux et processus internationaux et nationaux qui pour nombre de compatriotes paraissent inexplicables.

Que faut-il en penser si on ne veut pas rester prisonniers de la nostalgie des moments les plus fastes de notre histoire, ou révulsés et tétanisés par les épisodes les plus sombres ?

Le premier quart de siècle après l’indépendance comportait dans les couches sociales laborieuses et populaires des capacités potentielles importantes de mobilisations démocratiques et pacifiques à l’encontre du grave préjudice porté à ce potentiel par les coups de force militaires de l’été 1962 et du 19 juin 1965.

Malgré le néfaste système de répression et de caporalisation de la société et de la vie politique, un espace restait ouvert à d’importantes batailles de masse pacifiques pour imposer un contenu social et démocratique plus grand aux tâches d’édification nationale devenues objectivement nécessaires, y compris pour le système antidémocratique en place. Le rapport des forces international de cette époque et les vives aspirations des masses populaires, nourries aux espoirs engendrés par la guerre de Libération, rendaient possible de mener ces luttes à grande échelle.

On sait l’importance stratégique des mesures de l’époque telles que les nationalisations des grandes ressources naturelles tombées auparavant dans les mains de grandes sociétés capitalistes étrangères, la réforme agraire, les mesures importantes dans les domaines de l’enseignement, de la santé, la production industrielle, l’emploi, etc.

Contrairement aux affirmations officielles, elles n’avaient pas un caractère socialiste, et leur orientation comme leur application n’étaient pas exemptes de sérieuses contradictions et déformations.

Mais elles avaient initié, malgré les dérives et les sabotages, un socle ou un poumon économique et social sur lequel l’Algérie a survécu jusqu’à ce jour, malheureusement de plus en plus précaire pour toutes les raisons de classe et de prédation internationales et nationales bien connues. Il était vital pour les Algériens d’édifier un secteur d’Etat comme support et moteur d’une économie nationale productive, y compris pour le privé, au service de leur développement social et culturel.

C’est pourquoi au long de la décennie 1970, le PAGS, quoique clandestin et sévèrement réprimé, s’est honoré, en appui sur les travailleurs des villes et les campagnes, les étudiants et les cadres de participer et d’appeler à une participation résolue à cet effort. Il le faisait non pour les beaux yeux du pouvoir, d’ailleurs divisé et en partie hostile à ces orientations, mais pour leur imposer, sur le terrain, un contenu démocratique et de classe plus favorable aux intérêts nationaux et populaires.

Des batailles mémorables et fructueuses ont été menées par les militants et militantes du PAGS avec la paysannerie (cf. Le grand mouvement du volontariat), les travailleurs industriels, les syndicats et les associations de jeunes et de femmes en proie à la caporalisation, les cadres de l’économie et d’autres secteurs de l’activité nationale.

Cette position n’était pas incompatible, bien au contraire, avec la dénonciation et la résistance concrètes, tout aussi résolues, contre l’arbitraire du système répressif du parti unique.

Le PAGS en souffrait lui-même et luttait pied à pied en actes et sur le terrain pour arracher les libertés syndicales et démocratiques, faire reculer les manifestations d’intolérance et de régression culturelle et idéologique, combattre les remises en cause des acquis démocratiques et sociaux de l’indépendance, ainsi que le démantèlement du secteur d’Etat, comme ce sera de plus en plus le cas dans les années 1980 qui déboucheront sur le chaos tragique de la décennie suivante.

Malheureusement, le PAGS fut l’une des rares organisations à engager ce type d’efforts concrets à la base avec les forces syndicales non domestiquées et quelques courants nationalistes ou personnalités minoritaires.

Les forces politiques les plus influentes dans l’opposition sont ainsi la plupart du temps passées à côté d’une grande bataille. L’une des raisons est que le champ politique était submergé par les positionnements «identitaires», dans les domaines linguistiques et religieux notamment, les différences de sensibilités idéologiques, etc., que les tenants du pouvoir et les couches parasitaires leur opposaient. Ils attisaient et brandissaient en permanence ces diversions pour éluder les problèmes économiques et sociaux qui étaient au cœur de la question nationale à cette nouvelle étape.

La question reste d’une brûlante actualité. L’opposition conséquente a un pouvoir autoritaire ou illégitime n’est en aucune façon incompatible, bien au contraire, avec les efforts constructifs en direction de la société laborieuse et populaire, consistant à élever le niveau de conscience et la combativité à la base pour faire émerger et converger des actions consensuelles autour des intérêts sociaux et nationaux communs. Avec le recul du temps et l’expérience, cette orientation se confirme aujourd’hui par les appels et les efforts plus nombreux visant à forger sur des bases de principe et dans l’action un «consensus national» qui contribue à sortir le pays d’une impasse aux contours tragiques.

Ce qui reste à faire dans les années et décennies à venir n’est pas des plus simples ou des plus faciles. En cela, l’expérience du PAGS elle aussi peut nous éclairer. Pas seulement par les élans et les luttes unitaires de masse qu’elle a suscitées, mais aussi, comme pour d’autres formations, par ses limites, ses défaillances ou ses erreurs d’appréciation dont la complexité des situations traversées n’était pas seule responsable. On peut dire en effet que si par certains côtés ou à certains moments cette expérience fut exaltante et exemplaire dans sa justesse, elle fut aussi limitée, entravée, inachevée ou même décevante dans d’autres rapports des forces nationales. Ce fut particulièrement le cas au début des années 1990.

J’en ai tiré, pour ma part, deux enseignements de base liés entre eux. Ils me paraissent expliquer les limites et les faiblesses constatées pour le PAGS, mais restent valables pour toute formation progressiste.

 

D’abord, c’est l’intervention massive des composantes de l’Algérie profonde (et non le seul poids ou comportement des états-majors politiques) qui reste la condition sine qua non des changements substantiels souhaités. En même temps, pour que cette condition fructifie, une conscience politique et idéologique accrue est indispensable autour de deux volets. Ce sont ces deux volets qui se sont avérés insuffisants chez tous les acteurs concernés, y compris pour le PAGS dont les efforts ont été pourtant notables dans ces deux directions.
La première de cette insuffisance est la sous-estimation des facteurs et des environnements régionaux et internationaux. Les évolutions nationales restent étroitement dépendantes, sous diverses formes, des rapports de force dans la lutte des classes mondiale et régionale. La montée sauvage de l’hégémonisme néolibéral et néocolonial est le dernier avatar des formes de domination précédentes de l’impérialisme. Son poids, même s’il ne s’est manifesté qu’à travers des relais indirects et non ouvertement, a beaucoup pesé dans la crise qui a affecté toutes les formations nationales et pas seulement le PAGS.

La question est : se soumettre à la barbarie moderne multiforme du capitalisme néolibéral, sous prétexte de sa prétendue toute puissance ? Ou trouver toutes les façons de lui résister et s’en dégager dans l’intérêt national et populaire ? Les camouflages tentent d’éluder la question, mais l’enjeu est incontournable, décisif si on veut dès aujourd’hui et dans les formes appropriées à chaque pays commencer à tracer les chemins d’une alternative plus humaine.

La deuxième prise de conscience nécessaire concerne le front intérieur. C’est-à-dire la façon dont les luttes sont à mener sur le terrain par toutes les forces intéressées à un avenir politique et social de liberté et de justice.
La question concerne au premier plan les travailleurs et les déshérités des villes et des campagnes, en particulier les couches les plus conscientes et les plus combatives des jeunes, des femmes et des intellectuels. L’enseignement longtemps méconnu réside dans l’impératif suivant : comment conjuguer l’existence et les positions autonomes de chaque courant et formation politique progressiste et démocratique, quelle que soit sa sensibilité idéologique ou identitaire, avec les efforts pour l’unité d’action et les convergences de ces formations autour des intérêts concrets communs des couches et milieux qu’elles représentent.

La prise de conscience assez forte de cet impératif fut le secret et la raison principale de l’aboutissement heureux de notre guerre d’indépendance malgré toutes les insuffisances de ce mouvement national, parfois graves et aujourd’hui mieux connues.
Malheureusement, après l’indépendance cet impératif unitaire et démocratique a été soumis au nom de la pensée et du parti unique, à des campagnes de plus en plus virulentes de discrédit et des manœuvres de diversion et de division. Cela était «normal» de la part des cercles autoritaires et prédateurs. Par contre, il fut regrettable et catastrophique que des cercles se réclamant de l’intérêt national soient tombées dans le piège de sous-estimer et combattre cette exigence salutaire au détriment de la mobilisation unie et consciente d’une société impatiente de réalisations sociales et démocratiques à son profit.

C’était méconnaître, inconsciemment chez les uns, délibérément chez d’autres, la nécessité de l’indispensable Front uni dont avait besoin la société de l’Algérie indépendante. C’était ignorer également un mode politique fécond et constructif de gestion de la riche diversité nationale objective.

On lui a substitué les faux arguments, les procès d’intention, les diabolisations réciproques au détriment de la solution des vrais problèmes vitaux. C’était aussi brandir l’arme fatale de démolition des espoirs d’une Algérie heureuse et solidaire.

Ce n’est pas un hasard si quatre mois seulement après l’indépendance, le premier parti à être officiellement interdit a été le Parti communiste algérien. Laminé dans ses effectifs par les sacrifices de la guerre de Libération, mais en rapide développement depuis quatre mois, il effrayait les autorités nouvellement auto-installées par l’écho positif grandissant que réservait la société à ses appels répétés pour les solutions pacifiques et démocratiques, ainsi qu’aux positions mobilisatrices et rassembleuses qu’il défendait sur l’ensemble des problèmes économiques, sociaux et culturels de l’Algérie nouvelle. Les autres courants politiques et idéologiques, y compris ceux qui se soumettaient à l’idée et la réalité du parti unique, auront rapidement constaté après cette interdiction que l’arbitraire, sous prétexte anticommuniste, allait les frapper à leur tour et préparait les sombres péripéties des décennies suivantes.

Le même mécanisme s’est reproduit après l’émergence à la légalité du PAGS en 1989 après vingt-quatre ans de difficile clandestinité. Sous devanture faussement démocratique, le système étatique, en appui sur son appareil policier, craignait par dessus tout la mobilisation autonome et démocratique de la population. Il a joué à fond, contre le parti fragilisé par sa réorganisation en cours, la carte de la division et de la caporalisation des rangs militants en attisant les peurs, les méfiances et les amalgames identitaires face à la montée des mouvements islamistes, dont les plus intolérants et les plus hégémonistes d’entre eux (contre tout Etat, toute Constitution, etc.).

Ce fut notamment l’argumentaire spécieux des campagnes de panique remplaçant l’analyse, alimentées par une partie de l’instance exécutive du PAGS dont l’infiltration et les motivations ne tardèrent pas à se confirmer. Elle utilisa la mainmise sur des leviers organiques pour fragmenter les saines réactions militantes et étouffer les débats démocratiques au nom d’une urgence sécuritaire. Le PAGS, ne pouvant plus être interdit comme le fut le PCA en novembre 1962, est devenu la cible première des forcings de «redressement» ou de domestication auxquelles seront confrontées pratiquement toutes les formations politiques agréées après 1989.

Les pressions et intrigues devinrent particulièrement brutales aussitôt après l’échec d’une première tentative d’arracher au PAGS, dès juin 1990, un appel précipité à annuler le résultat des élections municipales et à l’interdiction du FIS qui venait de remporter ces élections.

Or, les auteurs de ces pressions avaient été, quelques jours auparavant, les plus ardents et les plus optimistes à préconiser une participation franche du PAGS à ces élections. Ils tentèrent un «argument-choc» auprès des cadres et militants pour justifier leur revirement et l’abandon de l’autonomie politique du PAGS : la situation nationale, disaient-ils, venait d’atteindre, après ces élections, une exacerbation très dangereuse et l’armée n’attendait qu’un appel du PAGS pour intervenir et sauver le pays d’un péril imminent. Je me suis opposé à ce montage cousu de fil blanc, qui tournait le dos à la raison d’être du parti et le menaçait de devenir l’auxiliaire inconditionnel d’appareils du pouvoir hostiles à notre autonomie politique et organique depuis des décennies.

De surcroît, la sur-dramatisation de la situation pour justifier une décision précipitée s’est avérée artificiellement gonflée. Et surtout la violence terroriste potentielle ou déclarée ne peut être prévenue ou neutralisée par les seules mesures ou ripostes sécuritaires. Le terrorisme ne peut être prévenu ou vaincu que par l’éradication de ses causes, par les solutions et moyens économiques, sociaux, politiques et culturels appropriés et suffisants, en appui sur la mobilisation et la conscience populaires.

Le scénario de caporalisation de juin 1990 préfigurait celui de fin-décembre 1991 et début-janvier 1992, dix-huit mois plus tard, pendant lesquels les apprentis-sorciers multiplièrent les déclarations alarmistes et les chantages au nom de la sauvegarde nationale, alors que le champ restait ouvert aux efforts de clarifications et de mobilisations unitaires.

Ce déni des traditions de lutte politique du parti provoqua avant comme après le congrès de décembre 1990 la désaffection massive des militants et plus tard la fin du PAGS lui-même. Je ne décrirai pas ici les mécanismes de cette dégradation progressive, plusieurs épisodes ont été déjà ou seront exposés dans différents écrits. Il reste à en tirer l’enseignement essentiel, car la question reste d’une brûlante actualité, à l’heure où les «déballages» médiatiques confirment les nuisances d’un mode d’exercice du pouvoir et des méthodes généralisées qui ne sont plus de notre temps et de l’intérêt national. La finalité de ces méthodes est multiple. Elle consiste à justifier l’abandon de la lutte politique indépendante comme axe essentiel.

Elle vise à entraver ou bloquer la lutte sociale et la mobilisation syndicale et associative autonome. Elle vise encore à entraver et discréditer les efforts unitaires entre partis, préconiser l’alignement inconditionnel sur les appareils sécuritaires de l’Etat. Elle pousse à rallier les thèses libérales et à discréditer les luttes sociales. Elle cherche à museler les rangs pour paralyser les initiatives militantes au plus près de la société. Son objectif est aussi d’empêcher de dévoiler au grand jour les pratiques obscures et les dérives anormales occultées dans les conditions de clandestinité. Elle encourage enfin le dénigrement des militants et des cadres honnêtes et pleins d’abnégation, ainsi que les anathèmes en lieu et place de débats ouverts et respectueux des militants, alors que de tels vrais débats purent se dérouler même dans la clandestinité.

Ces facteurs pervers se conjuguaient avec un contexte dominé par le regain conservateur et réactionnaire à l’échelle internationale. Ils poussaient à déboucher sur la désaffection du parti, faute d’une prise de conscience assez massive dans les rangs militants et dans le pays, des graves dessous et dangers apparus. Certes, les méthodes de l’infiltration policière, ainsi que le désarroi entraîné par la dislocation du système des Etats socialistes ont facilité la déstabilisation du parti. Mais la cause la plus profonde a été une capacité politique et idéologique insuffisante pour mettre en échec l’abandon des bases de principe qui avaient assuré la cohésion du PAGS et lui avaient valu la considération et le soutien d’une partie appréciable de l’opinion nationale.

Ainsi, sur la double toile de fond nationale et internationale, il est possible, avec d’autres courants politiques à vocation démocratique, eux aussi gravement endommagés, paralysés ou dévoyés, de dresser un bilan et des leçons communes après les vingt-cinq ans d’existence du PAGS et les vingt-cinq ans de son absence sur la scène politique après son implosion.

Dans l’immédiat, ces leçons incitent davantage toutes les forces et courants du champ politique progressiste à intervenir, séparément ou ensemble, dans les enjeux quotidiens à partir des enseignements tirés par chacun d’eux. Ces prises de conscience ont fait de substantiels progrès dans la récente période où se sont davantage démasqués les mécanismes antidémocratiques, antisociaux et antinationaux.
Quant au plus long terme, qu’en sera-t-il de la nécessaire recomposition des forces de liberté et de justice sociale les plus conséquentes ?
Chacun comprend qu’elle sera un long processus. Les luttes communes unitaires éclaireront mieux les rythmes et les modalités, dans le contexte évolutif du champ politique et géopolitique national et international.

A travers les espaces chaque jour conquis en faveur du débat démocratique et de l’action unie autour des intérêts communs, c’est toute une nouvelle culture politique qui reste à forger et faire fructifier ensemble. Pour cette tâche historique, une responsabilité particulière incombe à toutes les forces où qu’elles se trouvent, attachées à l’idéal de suppression de l’exploitation de l’homme par l’homme, seul espoir de sauver la dignité et la survie des habitants de notre planète.

Pour terminer, je ne peux m’empêcher de dire en cet anniversaire à tous mes compagnons sincères des longues luttes passées : bien que l’expérience à l’échelle historique et mondiale ne soit pas terminée, vous avez accompli un parcours de courage, d’honneur et de dignité, à contre-courant des régressions dominantes. Je partage avec vous la fierté d’avoir œuvré au sein d’un mouvement qui a enfanté tant d’actes généreux.

Pardonnez-moi si, par besoin incontournable pour nous tous d’analyser de sang-froid les questions du passé, les analyses à elles seules ne peuvent rendre compte de l’élan vivant et chaleureux qui nous a portés avec notre société. Je suis sûr qu’ils sont nombreux ceux d’entre vous en mesure de restituer cette chaleur et cette foi humaniste aux nouvelles générations, dans ce pays si riche de valeurs matérielles et morales, mais en proie aux injustices explosives et sources de désarrois. Chaque fait de votre lutte que vous tirerez de l’oubli, chaque problème vécu par vous dans l’enthousiasme ou la souffrance, chaque évocation du mouvement que vous avez porté avec ses hauts et ses bas, sera une arme, un stimulant, un enseignement pour tous les jeunes qui se sentent orphelins d’un avenir possible.

Par Sadek Hadjerès

Premier secrétaire du PAGS de 1966 à 1990(1)

Le 28 janvier 2016

1) Sadek Hadjerès : premier secrétaire du PAGS (Parti de l’avant-garde socialiste) de 1966 à 1990, membre du secrétariat du Comité central du parti communiste algérien avant 1966.
Sadek Hadjerès