Omar Belhouchet: « Ce sont les islamistes qui tuent »

« Ce sont les islamistes qui tuent »

OMAR BELHOUCHET, éditorialiste algérien

Propos recueillis par Catherine Tardrew, Le Parisien, 12 février 2001

OMAR BELHOUCHET est directeur de la rédaction d’« El Watan », l’un des plus importants quotidiens francophones d’Alger.

Les attentats font de nouveau rage en Algérie. Comment expliquer cette recrudescence de la violence ?

Omar Belhouchet. La situation, en matière de sécurité, s’est considérablement dégradée, surtout depuis la deuxième semaine du ramadan. L’explication est simple. Les groupes armés ont refusé la politique de main tendue, de concorde civile, du président Bouteflika. Leur message est fort et net. Ils veulent obtenir plus du pouvoir algérien. Ils veulent la libération des dirigeants du FIS encore détenus (NDLR : dont Ali Belhadj, numéro deux du Front, et l’un de ses chefs les plus radicaux). Et ils veulent que la communauté internationale fasse davantage encore pression pour que la politique vis-à-vis des islamistes soit plus conciliante. En fait, les activistes armés veulent être reconnus politiquement, soit avec un FIS remis en selle, ou avec la création d’un autre parti qui en serait l’émanation.

Habib Souaïdia, qui se présente comme un ancien officier de l’armée algérienne, vient de publier un livre, « la Salle Guerre », qui accuse l’armée de s’être livrée à des massacres de civils…

Ce livre n’est pas publié en Algérie, mais il en a été largement rendu compte dans la presse. Le livre reprend la thèse : « c’est l’armée qui tue » et pas les islamistes. Cette campagne est très largement médiatisée en France. Mais il ne faut pas tout confondre. S’il y a eu infiltration des maquis, arrestations arbitraires, exécutions sommaires et dérapages de la part des militaires, il ne faut pas se tromper d’ennemis. En Algérie, ce sont les islamistes qui massacrent, éventrent, violent les femmes et égorgent les bébés.

Deux ans après son élection, on a l’impression que le président Bouteflika n’a pas fait grand-chose.

Ce n’est pas tout à fait exact. Il a brisé des tabous, parlé, chose extrêmement rare pour un président algérien. Mais maintenant, on a l’impression de ne pas savoir ce qu’il fait, d’une incohérence à la tête de l’Etat. Bouteflika voudrait être un nouveau Boumediene, alors qu’il n’en a pas l’étoffe, et que le pays a changé. Il vit en vase clos, en dehors de la société, et dirige le pays depuis l’étranger. Il ne dialogue ni avec les partis qui s’étaient engagés à ses côtés ni avec la société civile. Les Algériens sont désorientés… Et très déçus.

Hubert Védrine, le ministre français des Affaires étrangères, se rend demain à Alger…

Tant mieux. Cela montre que les autorités françaises ont décidé de maintenir le dialogue avec l’Algérie, quelles que soient les difficultés. Et il y a beaucoup à faire.

 

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