La rue s’enflamme de nouveau

TIZI OUZOU

La rue s’enflamme de nouveau

El Watan, 28 décembre 2002

Après vingt-six jours de grève de la faim, Belaïd Abrika et ses cinq compagnons, qui auraient refusé de rencontrer le procureur de la République, ont été séparés et mis au cachot, selon leurs proches, dans un état de santé très inquiétant, depuis jeudi. Deux d’entre eux ont été évacués d’urgence vers le CHU de Tizi Ouzou.

Rachid Allouache, qui a été reconduit en prison mercredi dernier, a été une nouvelle fois réadmis aux urgences de l’hôpital jeudi à 2 h du matin, avant d’être ramené dans sa cellule en milieu de journée. Hier, c’était au tour de Mouloud Chebheb, souffrant d’ulcère, qui a été admis aux urgences. Sur place, il paraissait très affaibli, n’arrivant même pas à s’exprimer. Il a simplement confirmé à ses proches leur mise au cachot, qui pourrait avoir des répercussions néfastes sur leur état général. Les délégués qui l’ont approché ne comprennent pas le pourquoi d’une telle mesure. Toujours est-il que l’inquiétude est grande et de folles rumeurs ont circulé ces deux derniers jours, sans toutefois être confirmées. La mise au cachot des grévistes a fait réagir la coordination de Tizi Ouzou, qualifiant cette mesure de dépassement de la ligne rouge, pouvant «accélérer la mort» des détenus. Elle (la coordination) interpelle «la population, les forces vives de la nation à réagir vite, très vite avant qu’il ne soit trop tard». Jeudi, la rue s’est de nouveau enflammée, lorsque la police a voulu empêcher la tenue d’un rassemblement de la coordination au rond-point de la ville. Les forces anti-émeutes n’ont pas attendu que le rassemblement commence pour sortir arroser l’avenue principale de gaz lacrymogènes, créant une véritable panique parmi les passants, qui couraient dans tous les sens pour échapper aux effets des gaz. Des femmes, des enfants, des personnes âgées et les commerçants ont été surpris par la réaction des CNS qui n’ont pas hésité à balancer les gaz lacrymogènes sans discernement. Les jeunes du quartier des Genêts ont alors répliqué avec des jets de pierres et en barricadant la rue Lamali qui mène vers l’hôpital. Les policiers ont chargé à plusieurs reprises. Ils ont également investi l’avenue principale sur toute sa longueur pour la vider de ses passants et des quelques jeunes émeutiers qui avaient mis le feu à des pneus. Quelques personnes, qui n’avaient rien à voir avec les affrontements, ont été interpellées par les patrouilles de la BMPJ, avant d’être relâchées quelques heures plus tard. Les affrontements au quartier des Genêts ont duré jusqu’à la tombée de la nuit, et hier la ville de Tizi Ouzou a renoué avec le calme. Par ailleurs, un jeune garçon de 14 ans, C. Djamel, a été blessé par une balle en caoutchouc. Un autre jeune interpellé mercredi après la répression du meeting des archs a été placé sous mandat de dépôt.Les délégués de la CADC devaient se retrouver hier en fin de journée à Aït Oumalou pour décider des actions urgentes à entreprendre au courant de cette semaine pour la libération des détenus. Tous les délégués rencontrés estiment que l’heure est grave et qu’il faut des actions d’envergure à mettre en pratique au plus tard dimanche ou lundi. De son côté, la coordination de Tizi Ouzou, dans le cas où la CADC «temporise», est décidée à multiplier les actions au chef-lieu de wilaya malgré la répression.

Par Mourad Hachid

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Des délégués en grève de la faim à El Kseur

Un délégué du comité de la société civile d’El Kseur est entré en grève de la faim depuis jeudi dernier, en signe de solidarité avec les animateurs des archs détenus à Tizi Ouzou.

L’action observée sur l’esplanade de l’APC, et à laquelle devaient se joindre d’autres délégués de la localité dans la soirée d’hier, intervient au 23e jour de grève de la faim menée par Abrika et ses pairs en détention et se veut un cri d’alarme face aux dangers qui guettent les grévistes. Dans le même propos, le comité d’El Kseur avait, depuis quelques jours, entamé une série d’actions, qui ne se sont pas déroulées sans de marginales confrontations avec les forces de sécurité. Dans le sillage du meeting populaire tenu mardi dernier et de la marche organisée le lendemain, des jeunes, pas nombreux, sont allés harceler les policiers à coups de pierres et provoquer des face-à-face qui sont demeurés circonscrits. Un comportement vis-à-vis duquel les membres du même comité ont tenu à se démarquer, en l’attribuant à des «pyromanes tapis dans l’ombre». Les dernières déclarations de l’animateur en chef des archs à El Kseur, M. Ali Gherbi, ont d’ailleurs contenu des allusions claires sur l’existence de forces voulant faire dévier les actions menées de leur nature pacifique vers une agitation stérile que rebute la population.Ces déclarations s’ajoutent à un document produit par le comité, le 18 décembre dernier, à travers lequel les rédacteurs ont dénoncé «l’opposition farouche» de certains délégués de la coordination de wilaya à Béjaïa (CICB), à «toute proposition honorable et digne de la grandeur du mouvement».

Par M. S.