La Proximité des boîtes de nuit soulève l’ire des résidents

La Proximité des boîtes de nuit soulève l’ire des résidents

Alcool, filles et coups de poing

El Watan, 6 novembre 2002

Alcool, filles, combines et coups de poing dans les gueules de bois d’après-minuit constituent le quotidien nocturne des cabarets, des boîtes de nuit «clandestines» et des dancings «tolérés».

Les cabarets sont tolérés par les autorités à condition de ne pas franchir la «ligne rouge» : l’exploitation des mineurs, le tapage nocturne, la consommation de la drogue et, accessoirement, le meurtre. Théoriquement, l’activité des «cabarets» est réglementée par les textes régissant l’activité commerciale. Mais, paradoxalement, le terme «cabaret» n’existe pas dans la nomenclature des activités commerciales en Algérie. Ces établissements, qualifiés généralement de bars-restaurants, dancings et night-clubs, travaillent sous autorisation spéciale de la wilaya, avec un cahier des charges déposé au niveau des communes. Fin août 2002, le wali d’Alger a souhaité faire du «ménage» dans la sphère vaporeuse des boîtes de nuit. Aucune mesure notoire n’a été prise à ce jour. «Réclamez leur cahier des charges à l’APC : leurs contrats de location sont dépassés. Et ils achètent la licence de débit de boissons contre 14 millions de centimes», accusait un riverain des patrons des cabarets de l’est d’Alger. «Pour 700 DA, l’un des cabarets te fourgue une fille et une chambre, ils font ça même avec des mineures… Je ne peux même pas rester avec mes enfants devant mon propre restaurant avec ce manège», ajoutait-il. Le commandant Mendil du groupement de gendarmerie d’Alger, joint hier par téléphone, a indiqué que ses services ont contrôlé 136 établissements de débits de boissons, night-clubs, dancings, salles des fêtes, salle de jeux, etc. Ce bilan concerne les dernières activités de la gendarmerie dans la région ouest d’Alger. Parmi les établissements contrôlés, deux ont été proposés à la fermeture. Les motifs ? «Dépravation des mœurs», «fréquences des incidents» et «non respect du cahier de charges». La gendarmerie transmet ses propositions à la wilaya. A charge à la commission de sécurité de wilaya de décider de la fermeture ou non de l’établissement par voie d’arrêté.«Ce n’est qu’un bilan provisoire. Les opérations de contrôle se poursuivent toujours et font partie des missions de routine de la gendarmerie», a précisé le commandant Mendil. Hier, le ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, a souligné la mauvaise exploitation des «bars et des discothèques» par leurs propriétaires. Il a annoncé, cité par l’APS, que l’administration est en train de recenser ces locaux pour amener les gérants à «agir dans le cadre de la loi et de la réglementation en vigueur». Il a ajouté que cette question sera prise en charge d’une manière «plus stricte», sans plus de détails. Dans les faits, l’existence de ces antres de la nuit semble reposer sur un «réseau» de complicités officieuses et de «tolérances» officielles. Il arrive qu’un élément de cet ensemble cède, et là, c’est la pagaille. Les affaires mystérieuses de meurtres connaissent une certaine croissance aux abords et au sein de quelques-uns de ces établissements. Citons l’assassinat de l’attaché sécuritaire de l’ambassade de Tunisie début août 2002 près d’un «bar-restaurant» à Ryadh El Feth, le meurtre d’un ex-officier de la police aux environs d’une discothèque à Chéraga, sans parler des vols, viols et autres larcins du genre. Parallèlement au climat de tension dans la région d’Alger créé après les incidents, à la mi-juillet 2002, survenus à Bordj El Kiffan où cinq bar-restaurants ont été saccagés, plusieurs établissements ont baissé rideaux. El Bahdja et Yasmine de Chéraga, le Miami Beach d’Azur-Plage à Zéralda, le G3 de Cavaignac à Alger, les Dunes qui a changé de vocation et devient un restaurant familial, etc., autant de cas de fermetures qui restent inexpliquées. Domaine exclusif des hypothèses : concurrence déloyale, nouvelles délimitations des zones d’influence, affaires d’Etat maquillées en rixes de bas-fonds, etc., toutes les pistes sont envisageables.

Par Adlène Meddi

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Boite de nuit Zriba de Moretti / la colère des riverains

Le village balnéaire de Sidi Fredj, situé à 3 km de Staouéli, a été la nuit du lundi à mardi le théâtre de manifestations et de rixes. Des bombes lacrymogènes, des armes blanches et des pierres ont été utilisées.

Tout a commencé lorsqu’une bagarre éclate, selon les riverains, aux environs de 18 h entre un jeune et des «videurs» du Studio 7 (Zriba) qui se trouvaient aux abords de l’établissement. Le jeune en question, selon des témoins, a demandé aux «videurs» d’exiger des clients (femmes et hommes) un peu de retenue vis-à-vis des riverains de passage à toute heure par cet endroit. Ce dernier, selon nos interlocuteurs, s’est fait tabasser, d’autant que des jeunes avaient déjà tenté de brûler la bâtisse la veille. Un geste qui a fait réagir la population déjà en grogne contre cet établissement assimilé à «un lieu de débauche». A 19 h 30, des dizaines de jeunes criant vengeance se sont attaqués au Studio 7. «Nous avons repoussé une trentaine de videurs armés d’épées et de couteaux qui sont venus au village. Ils ont même mis le feu à la forêt pour nous faire endosser cet acte. Nous n’avons pas répondu à la provocation et nous avons calmé les jeunes tendus. Mais au moment où ils ont tenté de nous intimider et de salir notre honneur, nous nous sommes défendus. C’est de notre droit. Nous ne sommes pas des terroristes, encore moins des islamistes», soutient un jeune. La boîte de nuit est prise alors pour cible. Le portail est saccagé et une voiture, garée à proximité, calcinée. L’enseigne portant le nom de la boîte est brisée ainsi que les deux poteaux de soutènement. La route menant à Staouéli est bloquée et la circulation automobile s’est arrêtée près de trois heures. La gendarmerie est alors intervenue utilisant des bombes lacrymogènes et des chiens. Des tirs de sommation ont été entendus. Ce n’est qu’aux environs de 23 h que le calme est revenu. Hier matin, les portes du Studio 7 étaient fermées, des débris de verre et des pierres jonchaient le sol. Des traces d’un échange de tirs avec des pierres et des bouteilles sont visibles. Il n’y avait personne dans les parages. Au village, les familles étaient dans la rue pour s’enquérir des nouvelles de leurs fils arrêtés. «Les gendarmes ont lancé des bombes lacrymogènes à l’intérieur des maisons et lâché leurs chiens. C’était abominable. En plus, ils sont venus prendre nos enfants à 4 h du matin», s’indignent les habitants. Sous le choc, une mère de famille soutient que ce sont «ces débaucheurs qui doivent être arrêtés et non les jeunes innocents». «C’est un dancing qui dérange beaucoup les habitants de la région. En dehors du tapage nocturne, nos filles et nos femmes se font agresser tous les jours sur ce tronçon qui mène vers le village en venant de l’arrêt de bus. Des pétitions ont été déjà signées et une plainte a été déposée en mai dernier à la gendarmerie de Sidi Fredj. En vain. Nous avons discuté plusieurs fois avec le patron, lui suggérant de fermer dans la journée. Il est libre de travailler toute la nuit si la loi le lui permet. Mais rien n’a été fait», raconte un quadragénaire dont un de ses enfants, âgé de 26 ans, a été arrêté au petit matin. «Des gendarmes cagoulés sont venus ce matin, ils ont interpellé tous les jeunes. On ne sait pas où ils sont. Ils les ont traités de terroristes alors qu’ils n’ont fait que se défendre face à des hommes armés d’épées et de bouteilles d’essence», a-t-il signalé. Au total, 22 arrestations ont été enregistrées depuis la nuit du lundi. Selon certaines informations, les jeunes seraient en détention à Zéralda. Un rassemblement a été organisé dans la matinée à l’APC de Staouéli où de nombreux citoyens sont venus exiger la libération des «détenus». Le nouveau P/APC a promis d’intervenir auprès du wali d’Alger pour obtenir la libération de ces jeunes. Revenant sur les circonstances du drame, la sœur d’un jeune arrêté affirme que «les habitants du village ont réagi suite aux provocations du gérant et des clients de cette boîte. Sinon, ce n’est pas à nous d’aller exiger d’un patron bien épaulé de respecter la loi régissant ce genre de commerce qui est la source de plusieurs maux dont la drogue et la prostitution. C’est aux responsables locaux de veiller à l’application de la loi.» Par ailleurs, la gérante du Studio 7, Mme Amara, attribue cette attaque à une «bande» de jeunes de la cité manipulés par des commerçants qui la concurrencent. Elle réfute toutes les accusations portées à son encontre. «C’est de la pure jalousie de quatre ou cinq commerçants en allant du boulanger au menuisier en passant par l’épicier et le gérant du bar-restaurant avoisinant la Zriba. J’ai été plusieurs fois menacée par le gérant de ce bar-restaurant. D’ailleurs, nous sommes allés en justice», se défend-elle, et de signaler 1,5 milliard de dégâts causés à son commerce. Rappelons que depuis l’été dernier de pareils incidents ont été enregistrés dans plusieurs localités du pays : Bordj El Kiffan, Stora à Skikda, Annaba, etc.

Par D. K.

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Les Habitants de Bordj El Kiffan soulagés

«Nous sommes enfin débarrassés des tapages, des inlassables va-et-vient de voitures, des filles de joie et des rixes. Fort de l’Eau respire enfin», lâche le gérant d’un restaurant de Bordj El Kiffan, sur la côte est d’Alger.

Le patron de cet établissement, situé près des bars-restaurants de la plage La Sirène saccagés et brûlés dans la nuit du 20 juillet dernier par un groupe de riverains, raconte comment la débauche puis l’horreur se sont installées avec ces cabarets depuis sept ans. L’endroit qui devait abriter à l’origine un complexe touristique a été loué en 1995 par le DEC aux patrons de ces bars-restaurants qui n’ont évidemment pas respecté leur cahier de charges. «L’appât du gain facile», commente un vieux monsieur. «Nous savions qu’un jour cela finirait mal», confie-t-il, faisant allusion au meurtre par arme blanche de deux jeunes habitant le quartier Verte Rive par des habitués des lieux. Ces meurtres, qui ne sont pas les premiers, puisqu’il y en a eu plus de 70 depuis 1995, ont été la goûte qui a fait déborder le vase. La réponse des riverains était simple : se venger, détruire mais surtout mettre fin à une situation qui devenait insupportable. «C’était la seule façon», justifie un riverain, «puisque les pouvoirs publics, eux, laissaient faire». Ce dernier affirme que des dizaines de pétitions ont été signées par les associations de quartier et le chef du gouvernement et le ministre de l’Intérieur saisis, sans résultats. Aujourd’hui, les cinq dancings sont fermés par décision du wali d’Alger, mais après quoi. «Les autorités locales et les services de sécurité auraient de réagir», martèle un jeune homme rencontré devant le siège de l’APC. «Ils n’ont pas été là pour mettre fin aux dépassements, ils n’ont pas été là lorsque les habitants en colère se sont fait justice. Toujours en retard !» Cette fermeture est-elle provisoire ou définitive ? Personne à l’APC de Bordj El Kiffan n’est en mesure de répondre à cette question, et le président de l’APC est absent. Quelques indiscrétions laissent entendre que «ces établissements rouvriraient au mois de Ramadhan, mais ils n’auront plus le droit de vendre de l’alcool». D’autres affirment que «les patrons sont en train de remuer ciel et terre pour reprendre l’activité». Sur place, tous les établissements sont fermés. Devant l’un d’eux, deux jeunes font rentrer du matériel sono. «Vous allez reprendre ?», demandons- nous. «Pas pour le moment, l’affaire est en justice», dit l’un d’eux avant de s’éclipser rapidement.

Par Monia Zergane