L’Algérie dans tous ses états

Annaba, Khenchela, Tébessa, Aïn M’lila, M’sila, Guelma, Sétif…

L’Algérie dans tous ses états

Farid Belgacem, Liberté, 24 octobre 2001

C’est un embrasement général : jamais les assemblées élues n’ont connu un climat aussi contestataire depuis l’Indépendance. Résultat : plusieurs morts et des dizaines de blessés.
D’une simple histoire de rejet ou de négation du contribuable, en passant par l’affichage des listes d’attribution de logements sociaux et l’approvisionnement en eau potable, les Assemblées populaires communales (APC) des quatre coins du pays ont toutes fait l’objet de dénonciation, de saccage et… d’émeutes violentes. Depuis le mois de juin dernier, plusieurs morts et des dizaines de blessés sont enregistrés ici et là. À Annaba, des milliers de manifestants ont investi la rue, provoquant des dégâts matériels considérables, pour crier le manque d’eau, situation qui dure depuis trois mois… Face à une APC impuissante, les citoyens s’en sont pris aux édifices publics. Bilan des affrontements : plusieurs blessés et un mort. Pas loin de cette région, à El-Tarf, les citoyens ont dû bloquer la RN 44 pour revendiquer une attribution équitable des logements sociaux et réclamer de l’emploi. Les 17 émeutiers arrêtés seront tous relâchés sous la pression de la population locale. La contestation gagnera aussi Tébessa. Plusieurs quartiers organisés ont investi la ville, où des scènes de pillage ont été observées. Épargnée jusque-là, la région de M’sila connaîtra, elle aussi, des scènes d’une rare violence. Des dégâts importants seront vite signalés et les forces de l’ordre auront du mal à gérer la situation. Raison : la mauvaise distribution des logements sociaux. Les incidents violents qu’a connus la wilaya de Khenchela seront encore plus rudes à gérer pour la présidence de la République et les ministres de l’Intérieur et de la Jeunesse et des Sports qui se sont déplacés pour calmer les esprits. Le détournement des logements étant la goutte qui a fait déborder le vase, les manifestants ont pris d’assaut tous les édifices de l’État. Les forces de l’ordre seront vite dépêchées. Et les émeutes reprendront de nouveau. Résultat : trois morts, des dizaines de blessés et plusieurs arrestations. La protesta ne prendra pas fin aussitôt puisque l’intervention des officiels n’a fait qu’envenimer les choses, et la wilaya de Oum El-Bouaghi connaîtra les mêmes scènes. Ce n’est qu’après les premières mesures prises par Zerhouni, comme le limogeage du chef de la Sûreté de wilaya, que la région renouera avec le calme. À Batna, les citoyens sont sortis pour réclamer le départ de certains maires et autres élus locaux. Les manifestations auront gagné, pour la première fois, plus de cinq localités de la wilaya.
À Aïn M’lila, un adolescent de 13 ans sera tué par balle par un directeur d’entreprise, qui a fait usage de son arme personnelle, alors que les émeutiers tentaient de pénétrer dans son domicile. L’intervention des brigades anti-émeutes n’apaisera pas les choses puisque les heurts dureront toute une nuit pour revendiquer la fin de règne des corrompus dans la région. Skikda sera aussi concernée quelques jours plus tard : la daïra et l’APC seront saccagées par les manifestants de Oum Toub, qui réclament justice et transparence dans la répartition et la distribution des besoins sociaux, comme le logement et les aides à la construction. À Sétif, ce sera autour d’un GLD d’user de son arme à feu pour tirer et blesser 4 personnes parmi les émeutiers ayant investi les rues pour exprimer leur colère et leur ras-le-bol.
La tension gagnera aussi Guelma. Mais l’intervention des forces de l’ordre et les négociations qui s’en sont suivies donneront lieu à un calme total. Plus de 500 jeunes investiront la route principale, mais cette fois-ci à Biskra. Revendication majeure : les jeunes doivent bénéficier de la richesse de la région, le pétrole. Jijel, Boufarik, Aïn Defla, Chlef, Oran, Boumerdès, Labiodh Sidi-Cheikh (El-Bayadh)… ont connu les mêmes scènes de violence et de protestation, alors que la rentrée sociale était des plus explosives. Les événements se suivent et ne se ressemblent pas quand on sait que le mandat des APC est à une année de son achèvement. Conscients des conséquences d’un « départ sans rendre des comptes » des élus locaux, les citoyens maintiennent la pression et font monter d’un cran, au jour le jour, la pression sur les assemblées élues.

 

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