L’année algérienne en France déjà lancée

L’année algérienne en France déjà lancée

Débats, polémiques et mises au point

Le Quotidien d’Oran, 7 novembre 2002

La saison culturelle algérienne en France risque-t-elle d’être, à son tour, un théâtre d’empoignade sur le thème de «la sale guerre» en Algérie? A première vue, c’est ce que laissent entendre les articles très critiques qui ont été, récemment, publiés dans quelques journaux de l’Hexagone.

C’est ce que laisse, également, croire la réplique algérienne: celle, officielle, de l’ambassadeur d’Algérie à Paris qui a crié au sabotage des relations entre Paris et Alger. Puis, celle, officieuse, de quelques journaux privés algériens qui ont dénoncé une «campagne» anti-algérienne.

On parle de lobby français anti-algérien. On a surtout feint d’ignorer que la défense d’une image – quelle que soit cette image- suscite toujours en France des réactions critiques, des commentaires qui ne portent pas souvent le manteau du complot. Dès le début, les autorités algériennes ont tenu à ce que cette saison se tienne en France, tout en sachant que ce pays demeure très sensible aux «crispations algériennes». Elles savaient très bien où elles allaient mettre les pieds et y ont dépensé autant d’argent que de moyens. L’objectif n’est pas tellement de promouvoir une culture algérienne bien mal en point. Comment cela serait-il possible avec des créations à moitié françaises ou étrangères ou avec de vieux apparatchiks de la culture nationale? Il s’agit surtout, de capitaliser des dividendes politiques d’une opération publicitaire planétaire dont le coeur est Paris, un des grands centres internationaux de l’Image.

Dès lors, il n’y a pas lieu de s’offusquer des réactions de Pierre Vidal-Naquet ou de François Gèze. Il n’est même pas exclu que le pouvoir algérien ait songé à cette saison dans une logique unique de revanche contre les adeptes du «qui tue qui». Il en a même eu pour ses frais: ses illustres représentants ont été reçus, hier, par Dominique de Villepin. Et Chirac, lui, sera là dans quelques mois, même si, doit-on le rappeler, la France n’a pas attendu «El-Djazaïr 2003» pour penser sa stratégie à l’égard de l’Algérie ou du Maghreb. El-Djazaïr 2003 paraît donc comme une bataille médiatique entre le pouvoir algérien et des courants politico-médiatiques français qui lui sont hostiles, le plus souvent par sympathie à des oppositions algériennes scandalisées à l’idée qu’on parle de culture mais pas de droits de l’Homme et de libertés.

Pour ceux qui en attendent quelque chose, il y a fort à craindre que ce débat ne sert davantage à structurer le débat politique français et les clivages gauche-droite sur l’Algérie, un sujet porteur, selon les saisons, et qui permet de gérer, au passage, l’histoire encombrante de l’Empire colonial. Pour nous, Algériens, il n’en restera probablement pas grand- chose, si ce n’est la certitude d’avoir perdu l’argent inutilement pour une vitrine dont la valeur marchande -c’est important pour un pays du tiers-monde comme le nôtre- reste à prouver.

Kader Hannachi